mardi 23 novembre 2010
Le prince Alexandre de Belgique
Le prince Alexandre, Emmanuel, Henri, Albert, Marie de Belgique est né le 18 juillet 1942 au château de Laeken dans un contexte difficile. C'est la deuxième guerre mondiale et son père le roi Léopold III est prisonnier des Allemands. Son remariage en 1941 avec Lilian Baels suscite la controverse. C'est la raison pour laquelle ils annoncent que leurs enfants n'entreront pas dans l'ordre de succession au trône.
En juin 1944, les Allemands déportent la famille royale belge dans la forteresse d'Hirschtein, puis en Autriche où ils seront libérés par les Alliés. Les Chambres réunies nomment le prince Charles régent du royaume. Suite à la Question Royale, Léopold III, Lilian et leurs enfants vivent en exil en Suisse de 1945 à 1950. Alexandre gardait un excellent souvenir de cette période où il a connu une vie de famille heureuse à la villa "Le Reposoir" à Prégny, face au lac Léman, loin du protocole de la Cour. Ils rentrent en Belgique durant l'été 1950.
De 1950 à 1960, le prince vit avec ses parents dans le domaine de Laeken et participe régulièrement à des activités publiques. Les photos de cette décennie montrent l'amour et la complicité qui régnaient au sein de cette "famille recomposée", un terme peu utilisé à cette époque. Alexandre était très proche de ses demi-frères Baudouin et Albert. Le 10 juin 1954, il fait sa communion solennelle et sa confirmation avec le cardinal Van Roey. Il poursuit ses études à Laeken dans la section latin-grec avec quelques condisciples triés sur le volet. En 1957, le prince est opéré à Boston (Etats-Unis) d'une coarctation de l'aorte par le professeur Gross, ce qui incite sa mère à créer la Fondation Cardiologique Princesse Lilian.
Le roi Léopold III accepte, en 1959, la demande du gouvernement belge de quitter le château de Laeken et de s'installer au domaine royal d'Argenteuil. Après un an de travaux, le déménagement a lieu en décembre 1960. Après avoir suivi les cours de la division polytechnique de l'Ecole Royale Militaire durant l'année scolaire 1960-1961, le prince réussit ses trois premières candidatures de médecine à l'Université Catholique de Louvain, puis y suit des cours en élève libre jusqu'en 1968. Son statut l'empêche d'exercer cette profession, à son grand regret.
Durant ses temps libres, Alexandre joue au golf (il sera champion de Belgique junior) et profite de sa jeunesse. Léopold Lippens raconte dans le livre "Noblesse oblige" de Jan van den Berghe :
"Tous deux, nous avions soif de vivre, nous en avons aujourd'hui d'excellents souvenirs. J'ai fait sa connaissance aux Etats-Unis, alors que je travaillais pour un des beaux-fils de la famille Kennedy et qu'il étudiait la médecine à Harvard. Au grand dam de nos parents, nous avons fait la noce à plus d'une reprise... Aujourd'hui encore, le prince vient chaque week-end à Knokke. C'est un homme agréable, qu'on perçoit hélàs de façon négative : la dynastie joue un rôle important dans notre pays, et cela ne semble pas vouloir changer. Alexandre est quelque peu en retrait, il est pour ainsi dire ignoré, voire renié. C'est pourtant quelqu'un doté de qualités fantastiques". Par ailleurs, sa soeur la princesse Marie-Christine confie dans son autobiographie : "Alexandre était proche d'Albert et le voyait en cachette".
On a très peu d'informations et de photos du prince Alexandre dans les années 70 et 80. Il a travaillé pour Mercedes en Australie. On le revoit en public lors des funérailles du prince Charles et du roi Léopold III en 1983, du mariage de la princesse Astrid en 1984 et des funérailles du roi Baudouin en 1993.
Le prince revient à la "une" des journaux en septembre 1995 lorsque l'écrivain belge Pierre Mertens (Prix Médicis 1987) sort "Une paix royale" qui retrace l'histoire de la Belgique et principalement le règne et l'abdication du roi Léopold III. L'auteur avait rencontré à plusieurs reprises la princesse Lilian et le prince Alexandre à Argenteuil en vue de préparer ce livre peu flatteur envers certains membres de la famille royale. La princesse de Réthy et son fils intentent une action en référé pour imposture devant le tribunal de grande instance de Paris (où se situait le siège des Editions Le Seuil) et réclament le retrait provisoire du livre de la vente afin que des pages soient expurgées. Ce procès très médiatisé fait une énorme publicité à l'ouvrage de Pierre Mertens.
Surprise en octobre 1996 dans la nécrologie de plusieurs quotidiens : le nom du prince figure aux côtés de Léa Wolman sur le faire-part de décès de la mère de cette dernière. Discrètement, il tient à faire savoir qu'il n'était plus célibataire et que Mme Wolman est la femme qui partage sa vie dans leur maison de Rhode-Saint-Genèse ayant autrefois appartenu au premier ministre Paul-Emile Janson.
Nouvelle surprise en juillet 1998 : l'hebdomadaire satirique "Pan" révèle que le prince (56 ans) avait épousé Léa Wolman (46 ans) le 14 mars 1991 en toute discrétion près de Londres. Le Palais confirme l'information. Le couple officialise son union le 4 septembre 1998 en posant ensemble pour la presse et en organisant un dîner pour 150 convives au château de Corroy-le-Château de leur ami le marquis Olivier de Trazegnies. Le prince Laurent y représente ses parents.
Née le 2 décembre 1951 à Etterbeek, Léa Wolman a effectué dans notre capitale ses études secondaires, suivies d'un brevet commercial. Divorcée, elle a deux enfants : Laetitia Spetschinsky (née en 1976) et Renaud Bichara (né en 1983). Elle rencontre le prince Alexandre chez un ami commun avec le ministre Mundeleer. La princesse Léa est une femme charmante, élégante et intelligente qui a incontestablement apporté le bonheur et la sérénité à son mari.
Le couple apparaît aux côtés de toute la famille royale belge en 1999 lors des 65 ans d'Albert II et lors du mariage du prince Philippe. Ils accompagnent le Roi et la Reine à une exposition de photos de leur père en 2000, et à l'inauguration de la Salle Léopold III au Musée de la Dynastie en 2001.
En juin 2002, Alexandre perd sa maman la princesse Lilian qu'il allait voir presque tous les jours. Ses funérailles ont lieu en l'église Notre-Dame de Laeken en présence de toute la famille royale. Le domaine royal d'Argenteuil (qui n'appartient pas à la Donation Royale) revient à l'Etat belge et le gouvernement Verhofstadt Ier rejette l'idée d'Alexandre et de Marie-Esméralda d'y créer un mémorial sur leurs parents. Les meubles du château de Laeken emmenés en 1960 par Léopold III et Lilian sont restitués au Roi et à la Reine. Les archives d'Argenteuil prennent la direction du palais royal. Au cours de l'année 2003, le prince Alexandre, les princesses Marie-Christine et Marie-Esméralda décident de vendre aux enchères les biens personnels de leurs parents : mobilier, argenterie, tableaux, photos, bijoux, robes, accessoires, voitures, livres, etc. Les raisons sont simples : les trois héritiers doivent payer d'importants frais de succession (ils n'ont jamais perçu de dotation) et vivent dans une villa ou un appartement, où il n'y a pas de place pour ces très nombreux souvenirs. Les ventes ont lieu à Bruxelles, Amsterdam, Londres et Paris, et remportent un grand succès. Le gouvernement belge vend le domaine royal d'Argenteuil à Jean-Marie Delwart en 2004. Une page se tourne...
Le prince Alexandre est très triste de cette décision. Il fait publier un album-photos montrant la vie à Argenteuil de 1960 à 2002 : "Argenteuil pour garder intacte la mémoire du domaine royal" (éditions Alice) et collabore à l'ouvrage bien documenté du professeur Michel Verwilghen sur l'histoire du domaine.
Si on ne voit plus Alexandre en public aux côtés de son demi-frère Albert II et de sa demi-soeur Joséphine-Charlotte à partir de 2003, les contacts ne sont pas rompus. S'il n'assiste pas aux funérailles de la grande-duchesse de Luxembourg en 2005, c'est parce qu'il est alité à Verbier. Il envoie son épouse pour le représenter. Alexandre et Léa sont parfois invités en privé chez le couple royal au Belvédère et chez la reine Fabiola au Stuyvenbergh.
Cet homme discret et réservé vit désormais une existence paisible à Rhode-Saint-Genèse où il passe de nombreuses heures à lire (il apprécie beaucoup Proust) et à s'informer. Il y reçoit des personnalités importantes, comme l'astronaute Dirk Frimout, le président de la Chambre Herman De Croo ou les Prix Nobel Ilya Prigogine et Christian de Duve, p.ex. Il aime se promener avec ses chiens dans la forêt de Soignes, toute proche. Il n'est pas mondain. Sa vie de famille est très heureuse avec la princesse Léa, Laetitia (qui épouse en 2006 Didier Nagant de Deuxchaines), Renaud dont il est très proche, et la princesse Marie-Esméralda qui revient très souvent en Belgique. Ils créent en 2006 le Fonds d'entraide Prince et Princesse Alexandre qui soutient financièrement un domaine différent chaque année : le cancer en 2006, les personnes handicapées en 2007, les enfants hospitalisés et l'anorexie en 2008, les sans-abris en 2009.
A l'occasion de son 65ème anniversaire en juillet 2007, la princesse Léa lui fait la surprise de faire publier un album-photos racontant sa vie et paru aux Editions de l'Arbre.
En septembre 2008, le prince Alexandre avait exceptionnellement accepté de répondre à quelques questions d'Anne Quevrin pour "Place Royale" (RTL-TVI) à l'occasion des 25 ans du décès du roi Léopold III pour lequel il avait une grande admiration. Au printemps 2009, il avait autorisé une équipe de "C'est du belge" (RTBF) à le suivre lors de sa visite de la villa "Le Reposoir" au bord du lac Léman en Suisse, où la famille royale vécut de 1945 à 1950. Le prince confia qu'il gardait de cette période le souvenir des difficultés sur le plan politique d'une part, et d'une vie familiale très heureuse loin du protocole de la Cour d'autre part. Une de ses dernières apparitions publiques sera le mariage de son ami le comte Henri de Paris au château d'Arcangues dans le pays basque en septembre 2009. En octobre, Alexandre et Léa avaient organisé un rallye de voitures anciennes au profit d'un jeune homme autiste, et s'étaient rendus en Espagne.
Le 29 novembre 2009, alors qu'il faisait sa gymnastique comme tous les jours dans sa résidence de Rhode-Saint-Genèse, le prince Alexandre est terrassé par une embolie pulmonaire foudroyante. C'est son beau-fils Renaud qui l'a retrouvé, allongé au sol entre le vélo d'appartement et le tapis roulant. Ayant reçu une formation de secouriste, il lui pratique immédiatement un message cardiaque. Les secours arrivent rapidement mais rien n'y fait. Le prince avait 67 ans. Il repose dans la crypte royale de Laeken.
A l'occasion du premier anniversaire de son décès, la crypte sera accessible au public ce lundi 29 novembre 2010 de 14h à 17h. Une Salle Prince Alexandre sera inaugurée au musée communal de Waterloo (où on peut déjà voir une reconstitution du bureau du roi Léopold III), et pourra être visitée dès le 30 novembre.
Bravo pour cet article qui fait autorité face à tout ce qu'on a pu voir fleurir dans les journaux suite au décès du prince... Voilà enfin quelque chose digne de résumer la vie discrète du prince Alexandre, pour lequel, tu le sais bien, je partage ton intérêt.
RépondreSupprimerEncore mes félicitations,
Valentin Dupont
Très beau portrait de ce Prince discret et sobre, et je pense d'une grande sensibilité, je l'associe dans mes prières avec sa veuve qui a du être source de joie et de réconfort durant les dernières années de sa vie.
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