Depuis le début de notre dynastie en 1831, Paola est la première reine à avoir des origines belges grâce à sa grand-mère paternelle, Laure Mosselman du Chenoy, issue d'une des plus anciennes familles bruxelloises. La présence d'un boeuf sur les armoiries des Mosselman datant du 13ème siècle rappelle que les hommes de la famille étaient bouchers de père en fils. En 1466, un Jean Mosselman était le doyen de la Guilde des Drapiers de Bruxelles.
Au 18ème siècle, Jacques Mosselman (1719-1781) est le bourgmestre de Bruxelles. De son union avec Barbara 't Kint, il a quatre fils : Corneille, Jérôme-Charles (mort au berceau), Etienne-Marie (bourgmestre de Bruxelles sans descendance) et François-Dominique. Ce dernier connaît beaucoup de succès dans les affaires. François-Dominique Mosselman (1754-1840) possède un hôtel particulier à Paris, une maison à Laeken, les mines de Moresnet et une fonderie à Liège. Après la révolution française, il achète le domaine du Chenoy à Court-Saint-Etienne, qui va allonger le nom de la famille pour devenir les Mosselman du Chenoy. De son union avec Louise Tacqué, François-Dominique a deux fils (Hippolyte et Alfred) et trois filles (Louise, Jeanne et Fanny). Signalons qu'Anne-Aymone Giscard d'Estaing, l'épouse de l'ancien président français, descend de Louise Mosselman du Chenoy et est donc une lointaine cousine de la reine Paola...
Attardons-nous un instant sur le destin de Fanny Mosselman du Chenoy (1808-1880) qui épouse le comte Charles Le Hon, originaire de Tournai et premier ambassadeur de Belgique en France. Elle entretient une liaison pendant plusieurs années avec le duc Charles de Morny, le demi-frère de l'empereur Napoléon III, qui profite de sa fortune. Elle devient très vite une invitée régulière des salons parisiens, où elle rencontre notamment les écrivains Alexandre Dumas et Honoré de Balzac. Mais à côté de ces mondanités, Fanny joue un rôle diplomatique non négligeable en entretenant une correspondance secrète avec Jules van Praet, secrétaire du roi Léopold Ier, qu'elle informe de la situation politique dans la capitale française.
Autre fils de Jacques, Corneille est le père du sénateur Théodore Mosselman du Chenoy (1804-1876). Il épouse Isabelle Coghen, la fille du comte Coghen. Lors de la révolution belge de 1830, Jacques-André Coghen (1791-1858) est l'un des négociants les plus considérés de Bruxelles et descend par sa mère de la famille Stielemans. Il est marié avec Caroline Rittweger. Jacques-André devient le premier ministre des Finances de notre pays de 1831 à 1832. Il est ensuite député, sénateur, membre fondateur de l'Université Libre de Bruxelles et commissaire de la Société Générale. Afin de le remercier pour son expérience et son rôle dans l'expansion de notre économie, le roi Léopold Ier lui octroie les insignes de Commandeur de l'Ordre de Léopold et le titre de comte pour lui et sa descendance. Il est aussi Officier de l'Ordre de la Légion d'Honneur en France. En Belgique, il achète le château de Wolvendael à Uccle et 392 hectares de la forêt de Soignes. De 1851 à 1855, Jacques-André Coghen, qui était sénateur libéral de l'arrondissement de Nivelles, passe au parti catholique pour protester contre l'adoption par les libéraux de la loi sur les successions. En 1855, il revient au parti libéral et est à nouveau élu sénateur. Lors de son décès à Leembeek en 1858, Jacques-André Coghen occupe le poste de vice-président du Sénat. Il est enterré au cimetière de Laeken.
Son beau-fils, Théodore Mosselman du Chenoy, appartient au parti libéral et siège dans la Haute Assemblée pendant presque trente ans : de 1847 à son décès en 1876 à Court-Saint-Etienne. Il est Officier de l'Ordre de Léopold. Théodore agrandit le domaine familial du Chenoy en achetant des terres à Baisy-Thy, Mellery, Court-Saint-Etienne, Ottignies, Villers-la-Ville, etc. Son ambition était de reconstituer l'ancien territoire de l'abbaye de Villers. Il fait construire un nouveau château à Limelette qui sera détruit lors de la deuxième guerre mondiale. A sa mort, Théodore possède le tiers du village de Court-Saint-Etienne et est le plus grand propriétaire foncier du Brabant wallon (environ 2.000 hectares).
Théodore Mosselman du Chenoy et Isabelle Coghen ont huit enfants : Jules (mort sans descendance), Léon-Marie (mort sans descendance), Isabelle (épouse du baron Auguste d'Anethan), Théodore (mort sans descendance), Armand (époux d'Euphémie Salvy), Paul (épouse d'Hélène-Laure Fraser), Laure et Henriette (épouse de Bernard du Bus de Gisignies). A la mort de Théodore en 1876, ses immenses domaines sont partagés entre ses enfants. Armand hérite du château du Chenoy à Court-Saint-Etienne qu'il vendra ensuite à Gustave Boël, sénateur et bourgmestre libéral de La Louvière.
Laure Mosselman du Chenoy (1854-1925) épouse Fulco Beniamino Ruffo di Calabria et quitte son pays natal pour s'installer à Naples. Leur mariage a lieu en 1877 au château de Wolvendael à Uccle qui appartient à la comtesse douarière Coghen. Il date de 1763 et est de style classique. Au début du 20ème siècle, c'est le baron Janssen qui en est le propriétaire. Plus tard, il vend le parc et le château à la commune d'Uccle qui y organise des activités culturelles.
Beniamino et Laure ont deux fils : Fulco (le père de Paola) et Luigi. Ce dernier épouse Agnès Orban de Xivry en 1909 à La Roche-en-Ardenne. Lors de la Bataille des Ardennes, Agnès et sa fille Yolande séjournent au château "Les Agelires" à La Roche. Malheureusement, un violent bombardement de l'aviation américaine détruit le 26 décembre 1944 plus de 300 maisons et le château où Agnès et Yolande trouvent la mort. Luigi Ruffo di Calabria se marie en secondes noces avec la vicomtesse Jacqueline Terlinden, décède en 1952 et repose aux côtés de sa première épouse et de leur fille à La Roche-en-Ardenne.
En 1959, le prince Albert de Belgique unit sa destinée à Paola Ruffo di Calabria. La jeune mariée a certes des origines belges mais elle avait très peu de contacts avec notre pays, comme elle l'a confié en 2006 dans l'émission "Paola : paroles de reine" : "De la Belgique, je ne connaissais que Tintin. J'avais toute la collection. Je n'avais jamais entendu parler de mon mari, juste un peu de Baudouin". Lors de son mariage, Paola porte le très beau voile en dentelle de sa grand-mère paternelle Laure Mosselman du Chenoy. Une tradition perpétuée par les princesses Astrid en 1984, Mathilde en 1999 et Claire en 2003.
mardi 25 janvier 2011
lundi 17 janvier 2011
"Léopold II : entre génie et gêne" (éditions Racine)
En 2007, les Editions Racine avaient publié une biographie objective et intéressante de Léopold II par Matthieu Longue. Deux ans plus tard, ils complètent ce livre par un ouvrage collectif co-écrit par une quinzaine d'historiens du nord et du sud du pays (Vincent Dujardin, Mark van den Wijngaert, Michel Dumoulin, Francis Balace, etc.) et par Gustaaf Janssens, le responsable des archives du palais royal. Après avoir rappelé les grands événements de sa vie privée et publique, les auteurs se sont principalement intéressés à sa politique étrangère et coloniale.
Tout commence lors de ses voyages en tant que prince héritier. Léopold a évidemment vu de grands monuments, tels les pyramides de Gizeh ou le Taj Mahal, mais il concevait tous ses voyages comme des confrontations avec des modes d'administration, des opportunités commerciales et financières, des individus et des structures qui remplissaient une fonction de direction dans le monde politique et économique de l'époque. De retour en Belgique, il lit de nombreux livres et revues sur la géographie et le colonialisme.
On n'en parle pas souvent mais cinq ans après son accession au trône, Léopold II est confronté à la guerre franco-prusienne de 1870 qui met en péril notre indépendance. Sur le plan diplomatique, le Roi et ses ambassadeurs rappellent la neutralité de la Belgique à ses puissants voisins et tente d'obtenir des garanties qu'elle ne sera pas envahie. Parallèlement, il fait voter l'augmentation du budget de la Défense par le Parlement, et envoie des soldats tout au long de nos frontières. Malgré que la bataille de Sedan se passe à quelques kilomètres de chez nous, la Belgique n'entrera pas en guerre et aura réussi à préserver son indépendance et sa neutralité. De même, en 1904, Léopold II n'accepte pas les propositions d'alliance antifrançaise de l'empereur Guillaume II.
Un intéressant chapitre sur la religion montre que Léopold II tenait à de bonnes relations avec le Vatican pour des raisons plus politiques que religieuses. Il ne réagit pas à la prise de Rome par l'Italie. Ses relations sont très bonnes avec le pape Léon XIII qui est le chef d'Etat à qui il écrit le plus souvent après la reine Victoria, et qui suit ses conseils lors des nominations des évêques belges. A la demande du Roi, il réprimande le prêtre Daens mais refuse de trop se mêler de ce problème devenu politique. Le pape Léon XIII est le plus fidèle allié de l'oeuvre congolaise de Léopold II et encourage l'installation de missionnaires catholiques. Mais suite aux accusations sur le régime colonial, le Vatican prend définitivement ses distances avec le souverain belge à partir de 1905.
Les auteurs évoquent ensuite avec beaucoup d'objectivité les critiques internationales contre le régime colonial de Léopold II au Congo, et les résultats de la commission d'enquête de 1905. Une analyse minutieuse des caricatures présente le Roi comme un monarque autoritaire, un colonisateur sanguinaire ou un coureur de jupons. Laurence van Ypersele fait remarquer : "Sous le règne de Léopold II, la caricature rêve d'un roi Père de la patrie, tout entier offert au pays comme il le serait à sa famille, proche et aimant. Tout au long de son règne, les critiques se font de plus en plus sévères. Or, la frustration de l'opinion publique va creuser et renforcer l'attente d'un roi idéal. On comprend mieux, dès lors, la popularité dont a bénéficié son successeur dès son avènement : le roi Albert Ier apparaissait comme l'incarnation même de ce rêve".
Depuis l'indépendance du Congo, Léopold II n'est presque plus cité dans les discours officiels, sauf lors de l'hommage que lui a rendu le président congolais Joseph Kabila dans un discours prononcé au Sénat belge en 2004. L'analyse des manuels scolaires belges démontre que l'oeuvre coloniale y est glorifiée jusque les années 1980-1990, alors qu'on met désormais en évidence les abus qui y ont été commis. Stéphanie Planche place ce changement en parallèle avec l'évolution politique de notre pays : "Léopold II semble réussir le tour de force d'être désormais à la fois défendu et conspué, comme symbole et comme antisymbole, d'une Belgique unitaire et de son érosion : une qualité qui, dans le contexte belgo-belge, lui confère une charge et une portée toutes singulières, et lui prédit certainement encore une longue vie posthume". Quant aux jeunes Congolais, ils le considèrent comme le fondateur de leur pays, tout en rappelant les points négatifs de la colonisation.
Cet ouvrage collectif n'est pas destiné au grand public. Il permettra aux passionnés d'histoire d'avoir des éclairages nouveaux sur le règne et l'historiographie autour de Léopold II, un souverain très controversé. Les auteurs suggèrent également plusieurs pistes de recherche non encore explorées.
Tout commence lors de ses voyages en tant que prince héritier. Léopold a évidemment vu de grands monuments, tels les pyramides de Gizeh ou le Taj Mahal, mais il concevait tous ses voyages comme des confrontations avec des modes d'administration, des opportunités commerciales et financières, des individus et des structures qui remplissaient une fonction de direction dans le monde politique et économique de l'époque. De retour en Belgique, il lit de nombreux livres et revues sur la géographie et le colonialisme.
On n'en parle pas souvent mais cinq ans après son accession au trône, Léopold II est confronté à la guerre franco-prusienne de 1870 qui met en péril notre indépendance. Sur le plan diplomatique, le Roi et ses ambassadeurs rappellent la neutralité de la Belgique à ses puissants voisins et tente d'obtenir des garanties qu'elle ne sera pas envahie. Parallèlement, il fait voter l'augmentation du budget de la Défense par le Parlement, et envoie des soldats tout au long de nos frontières. Malgré que la bataille de Sedan se passe à quelques kilomètres de chez nous, la Belgique n'entrera pas en guerre et aura réussi à préserver son indépendance et sa neutralité. De même, en 1904, Léopold II n'accepte pas les propositions d'alliance antifrançaise de l'empereur Guillaume II.
Un intéressant chapitre sur la religion montre que Léopold II tenait à de bonnes relations avec le Vatican pour des raisons plus politiques que religieuses. Il ne réagit pas à la prise de Rome par l'Italie. Ses relations sont très bonnes avec le pape Léon XIII qui est le chef d'Etat à qui il écrit le plus souvent après la reine Victoria, et qui suit ses conseils lors des nominations des évêques belges. A la demande du Roi, il réprimande le prêtre Daens mais refuse de trop se mêler de ce problème devenu politique. Le pape Léon XIII est le plus fidèle allié de l'oeuvre congolaise de Léopold II et encourage l'installation de missionnaires catholiques. Mais suite aux accusations sur le régime colonial, le Vatican prend définitivement ses distances avec le souverain belge à partir de 1905.
Les auteurs évoquent ensuite avec beaucoup d'objectivité les critiques internationales contre le régime colonial de Léopold II au Congo, et les résultats de la commission d'enquête de 1905. Une analyse minutieuse des caricatures présente le Roi comme un monarque autoritaire, un colonisateur sanguinaire ou un coureur de jupons. Laurence van Ypersele fait remarquer : "Sous le règne de Léopold II, la caricature rêve d'un roi Père de la patrie, tout entier offert au pays comme il le serait à sa famille, proche et aimant. Tout au long de son règne, les critiques se font de plus en plus sévères. Or, la frustration de l'opinion publique va creuser et renforcer l'attente d'un roi idéal. On comprend mieux, dès lors, la popularité dont a bénéficié son successeur dès son avènement : le roi Albert Ier apparaissait comme l'incarnation même de ce rêve".
Depuis l'indépendance du Congo, Léopold II n'est presque plus cité dans les discours officiels, sauf lors de l'hommage que lui a rendu le président congolais Joseph Kabila dans un discours prononcé au Sénat belge en 2004. L'analyse des manuels scolaires belges démontre que l'oeuvre coloniale y est glorifiée jusque les années 1980-1990, alors qu'on met désormais en évidence les abus qui y ont été commis. Stéphanie Planche place ce changement en parallèle avec l'évolution politique de notre pays : "Léopold II semble réussir le tour de force d'être désormais à la fois défendu et conspué, comme symbole et comme antisymbole, d'une Belgique unitaire et de son érosion : une qualité qui, dans le contexte belgo-belge, lui confère une charge et une portée toutes singulières, et lui prédit certainement encore une longue vie posthume". Quant aux jeunes Congolais, ils le considèrent comme le fondateur de leur pays, tout en rappelant les points négatifs de la colonisation.
Cet ouvrage collectif n'est pas destiné au grand public. Il permettra aux passionnés d'histoire d'avoir des éclairages nouveaux sur le règne et l'historiographie autour de Léopold II, un souverain très controversé. Les auteurs suggèrent également plusieurs pistes de recherche non encore explorées.
lundi 10 janvier 2011
Nouveau livre de la princesse Marie-Esméralda
Après deux années d'études de droit à l'Université Saint-Louis, la princesse Marie-Esméralda de Belgique (demi-soeur et filleule de notre roi Albert II) a poursuivi son cursus en communication sociale section journalisme à l'Université Catholique de Louvain-la-Neuve. "Le rôle de la presse dans l'enlèvement du baron Empain" était son sujet de thèse. La princesse s'installe à Paris, et écrit pour des magazines français et italiens. En 1998, elle se marie avec le professeur Salvador Moncada (titré "Sir" en 2010 par la reine Elisabeth II) avec qui elle aura deux enfants Alexandra et Leopoldo. Ils vivent à Londres. Après des ouvrages sur Christian Dior et le roi Léopold III, elle sort, en décembre dernier, un nouveau livre intitulé "Terre! Agissons pour la planète, il n'est pas trop tard" (éditions Racine).
Voici l'interview qu'elle a accordée à Pierre De Vuyst pour "Sud Magazine" :
"Pourquoi avoir voulu, vous aussi, écrire un ouvrage sur l'environnement?
- C'est un sujet qui m'a toujours intéressée. Je suis présidente du Fonds Léopold III pour la conservation et l'exploration de la nature. Mon père s'intéressait déjà dès les années 30 à la préservation de la nature. Je me souviens qu'il nous disait l'importance de ne pas gaspiller les ressources, de ne pas détruire l'environnement. Il en était déjà conscient à une époque où c'était politiquement incorrect de parler environnement. Donc j'y ai été sensibilisée très jeune. Mais ces derniers temps, j'entendais chez mes amis et les personnes que je rencontre tout et son contraire à propos des changements climatiques, certains soulignant l'action néfaste de l'homme sur la nature, d'autres farouchement opposés au mouvement, qu'ils qualifient d' "alarmiste", du réchauffement climatique. N'étant pas une experte dans le domaine, j'ai tout simplement entrepris une démarche journalistique en allant poser la question à ceux qui sont qualifiés.
- Comment définir ce livre alors? Comme un grand article?
- C'est en quelque sorte et même si çà paraît un brin prétentieux, l'état de la planète vu par 17 sages, des personnes remarquables qui donnent non seulement leur avis, mais apportent en plus des solutions concrètes et pratiques pour essayer d'avoir un monde meilleur.
- Des scientifiques?
- Oui, mais pas seulement. Je suis partie de l'environnement et des changements climatiques annoncés. J'ai donc rencontré des scientifiques, des aventuriers, dont les explorateurs Alain Hubert et Isabelle Autissier, le naturaliste et auteur de documentaires David Attenborough, mais je me suis rapidement rendu compte des implications dans d'autres domaines comme la santé, le social, l'économie.
- Vous avez donc rencontré des économistes?
- Oui, en pleine crise économique mondiale, çà me paraissait approprié. J'ai pu interroger l'Américain Jeffrey Sachs, mais aussi un Chinois, Yuan Ding. Car je ne voulais pas seulement avoir l'angle occidental classique, mais aussi recueillir un point de vue chinois.
- Pourquoi n'avez-vous pas interviewé d'hommes politiques belges?
- Ni des Belges, ni des autres d'ailleurs, parce que j'ai l'impression que le message est moins sincère quand ces personnes sont en exercice. Mais j'ai recueilli l'avis de Mikhaïl Gorbatchev parce qu'il a quitté la politique, qu'il fut un des premiers à s'investir dans les matières environnementales au travers de sa fondation Green Cross International. Il a aussi, en tant que président de l'URSS, beaucoup lutté pour la destruction de l'arsenal nucléaire mondial. Je voulais savoir ce qu'il pensait du nucléaire en tant qu'énergie de remplacement fort utilisée. J'aurais aussi voulu parler à l'ex-vice-président américain Al Gore, lui aussi très impliqué. Hélàs, ce fut impossible.
- Un milliard d'affamés et un milliard d'obèses ; que vient faire le cuisinier le plus célèbre du monde, Ferran Adria, dans cet ouvrage?
- La faim dans le monde qui existe en parallèle à la problématique du réchauffement et est même étroitement liée à lui m'est apparue comme l'aspect le plus choquant. J'ai interrogé la directrice du PAM, le Programme alimentaire mondial, Josette Sheeran, qui m'a expliqué que ce n'était pas du tout difficile de résoudre la problématique de la faim dans le monde. Les gouvernements ont les possibilités de le faire, sans peut-être la volonté concrète. Les promesses du G8 et du G20 sont souvent effacées au profit d'autres priorités. On ne peut pas toujours s'adresser qu'à la générosité des gens. Il s'agit bien plus de mettre en place une politique internationale. C'est aberrant qu'en 2010, un milliard de personnes sur terre souffrent de la faim. Il suffirait de 30 milliards de dollars par an pour vaincre la malnutrition à l'échelle mondiale, alors qu'on dépense 100 milliards de dollars chaque année rien qu'aux Etats-Unis pour financer les conséquences de l'obésité! C'est la première fois d'ailleurs dans l'histoire que le nombre d'obèses dépasse tout juste celui des affamés, un milliard pour un milliard! C'est dans ce cadre-là que j'ai rencontré le chef Ferran Adria qui est très engagé en Espagne dans l'éducation au goût, dès l'école primaire. Mais je n'ai pas mangé chez lui pour autant. Je n'ai eu aucun passe-droit et j'ai renoncé à m'inscrire sur la liste d'attente peu compatible avec mon agenda.
- Il manquait à la recette de ce livre un peu de religieux?
- On pourrait penser que çà n'a aucun rapport avec l'environnement. Mais on constate l'influence gigantesque du religieux et même un extrémisme exacerbé dans les pays en voie de développement concernés au premier chef par le réchauffement climatique et la pauvreté. Cela dit, dans notre époque qui semble si sombre, tant en matière de crise économique, de famine, de pauvreté, que de changements climatiques, on constate une montée du religieux un peu partout sur la planète et dans "toutes" les religions. J'ai donc voulu rencontrer un imam, un rabbin et un cardinal pour voir ce qu'ils en pensaient et ce qu'ils conseillaient pour essayer de freiner le radicalisme.
- Et depuis que vous avez rencontré toutes ces personnalités, que pensez-vous de la situation actuelle?
- Je dois bien avouer que tous ces spécialistes sont fort pessimistes. Mais si on réagit maintenant et si chaque citoyen participe à l'action, je suis convaincue qu'on peut faire pression sur les gouvernements et finir par changer les choses. Ma démarche est juste d'éveiller les consciences. Il n'est pas trop tard, il ne faut pas se laisser abandonner au pessimisme, mais il est temps de se bouger pour la planète.
- Justement, que faites-vous, vous-même, en matière d'environnement?
- A la maison, on trie les déchets. Nous n'avons qu'une voiture. Je l'emploie pour les enfants, sinon je prends le bus, le métro ou bien je vais à pied. Et puis, spontanément, je n'achète pas des fraises en décembre, j'essaie de suivre les saisons. Il nous reste à terminer d'isoler la maison. Mais elle est classée et il faut demander un permis pour n'importe quelle rénovation. Non seulement des autorités locales, mais aussi de la Couronne britannique, propriétaire du sol, même si la maison est à nous. Ca prend un temps fou pour le double vitrage. Quant aux panneaux solaires, ma demande a été refusée!
- Que peut faire tout un chacun au minimum pour la planète?
- Déjà penser à éteindre les lumières et les appareils quand on ne les utilise pas. Ce n'est pas grand-chose mais si tout le monde le fait. En tout cas, mes enfants sont drillés!".
Au cours de cette rencontre avec le journaliste Pierre De Vuyst, la princesse Marie-Esméralda a quitté sa réserve pour s'exprimer sur la Belgique : "Cette crise politique qui n'en finit pas, bien sûr que çà m'inquiète. J'espère qu'on va trouver une solution car ce blocage est quand même très long. Même ici à Londres, on ressent cette inquiétude, on me parle de la crise belge. Les gens sont curieux, voire inquiets, car tout çà n'est quand même pas bon sur le plan économique. Ca ne l'est pas davantage pour la réputation de la Belgique. Je pense souvent à ce que doit endurer le Roi. J'ai vu avec plaisir que la France voyait en lui un fin stratège. Je crois que c'est vrai. Il n'est pas dans une position facile et il remplit sa fonction avec beaucoup de mérite. C'est un bon Roi!".
Voici l'interview qu'elle a accordée à Pierre De Vuyst pour "Sud Magazine" :
"Pourquoi avoir voulu, vous aussi, écrire un ouvrage sur l'environnement?
- C'est un sujet qui m'a toujours intéressée. Je suis présidente du Fonds Léopold III pour la conservation et l'exploration de la nature. Mon père s'intéressait déjà dès les années 30 à la préservation de la nature. Je me souviens qu'il nous disait l'importance de ne pas gaspiller les ressources, de ne pas détruire l'environnement. Il en était déjà conscient à une époque où c'était politiquement incorrect de parler environnement. Donc j'y ai été sensibilisée très jeune. Mais ces derniers temps, j'entendais chez mes amis et les personnes que je rencontre tout et son contraire à propos des changements climatiques, certains soulignant l'action néfaste de l'homme sur la nature, d'autres farouchement opposés au mouvement, qu'ils qualifient d' "alarmiste", du réchauffement climatique. N'étant pas une experte dans le domaine, j'ai tout simplement entrepris une démarche journalistique en allant poser la question à ceux qui sont qualifiés.
- Comment définir ce livre alors? Comme un grand article?
- C'est en quelque sorte et même si çà paraît un brin prétentieux, l'état de la planète vu par 17 sages, des personnes remarquables qui donnent non seulement leur avis, mais apportent en plus des solutions concrètes et pratiques pour essayer d'avoir un monde meilleur.
- Des scientifiques?
- Oui, mais pas seulement. Je suis partie de l'environnement et des changements climatiques annoncés. J'ai donc rencontré des scientifiques, des aventuriers, dont les explorateurs Alain Hubert et Isabelle Autissier, le naturaliste et auteur de documentaires David Attenborough, mais je me suis rapidement rendu compte des implications dans d'autres domaines comme la santé, le social, l'économie.
- Vous avez donc rencontré des économistes?
- Oui, en pleine crise économique mondiale, çà me paraissait approprié. J'ai pu interroger l'Américain Jeffrey Sachs, mais aussi un Chinois, Yuan Ding. Car je ne voulais pas seulement avoir l'angle occidental classique, mais aussi recueillir un point de vue chinois.
- Pourquoi n'avez-vous pas interviewé d'hommes politiques belges?
- Ni des Belges, ni des autres d'ailleurs, parce que j'ai l'impression que le message est moins sincère quand ces personnes sont en exercice. Mais j'ai recueilli l'avis de Mikhaïl Gorbatchev parce qu'il a quitté la politique, qu'il fut un des premiers à s'investir dans les matières environnementales au travers de sa fondation Green Cross International. Il a aussi, en tant que président de l'URSS, beaucoup lutté pour la destruction de l'arsenal nucléaire mondial. Je voulais savoir ce qu'il pensait du nucléaire en tant qu'énergie de remplacement fort utilisée. J'aurais aussi voulu parler à l'ex-vice-président américain Al Gore, lui aussi très impliqué. Hélàs, ce fut impossible.
- Un milliard d'affamés et un milliard d'obèses ; que vient faire le cuisinier le plus célèbre du monde, Ferran Adria, dans cet ouvrage?
- La faim dans le monde qui existe en parallèle à la problématique du réchauffement et est même étroitement liée à lui m'est apparue comme l'aspect le plus choquant. J'ai interrogé la directrice du PAM, le Programme alimentaire mondial, Josette Sheeran, qui m'a expliqué que ce n'était pas du tout difficile de résoudre la problématique de la faim dans le monde. Les gouvernements ont les possibilités de le faire, sans peut-être la volonté concrète. Les promesses du G8 et du G20 sont souvent effacées au profit d'autres priorités. On ne peut pas toujours s'adresser qu'à la générosité des gens. Il s'agit bien plus de mettre en place une politique internationale. C'est aberrant qu'en 2010, un milliard de personnes sur terre souffrent de la faim. Il suffirait de 30 milliards de dollars par an pour vaincre la malnutrition à l'échelle mondiale, alors qu'on dépense 100 milliards de dollars chaque année rien qu'aux Etats-Unis pour financer les conséquences de l'obésité! C'est la première fois d'ailleurs dans l'histoire que le nombre d'obèses dépasse tout juste celui des affamés, un milliard pour un milliard! C'est dans ce cadre-là que j'ai rencontré le chef Ferran Adria qui est très engagé en Espagne dans l'éducation au goût, dès l'école primaire. Mais je n'ai pas mangé chez lui pour autant. Je n'ai eu aucun passe-droit et j'ai renoncé à m'inscrire sur la liste d'attente peu compatible avec mon agenda.
- Il manquait à la recette de ce livre un peu de religieux?
- On pourrait penser que çà n'a aucun rapport avec l'environnement. Mais on constate l'influence gigantesque du religieux et même un extrémisme exacerbé dans les pays en voie de développement concernés au premier chef par le réchauffement climatique et la pauvreté. Cela dit, dans notre époque qui semble si sombre, tant en matière de crise économique, de famine, de pauvreté, que de changements climatiques, on constate une montée du religieux un peu partout sur la planète et dans "toutes" les religions. J'ai donc voulu rencontrer un imam, un rabbin et un cardinal pour voir ce qu'ils en pensaient et ce qu'ils conseillaient pour essayer de freiner le radicalisme.
- Et depuis que vous avez rencontré toutes ces personnalités, que pensez-vous de la situation actuelle?
- Je dois bien avouer que tous ces spécialistes sont fort pessimistes. Mais si on réagit maintenant et si chaque citoyen participe à l'action, je suis convaincue qu'on peut faire pression sur les gouvernements et finir par changer les choses. Ma démarche est juste d'éveiller les consciences. Il n'est pas trop tard, il ne faut pas se laisser abandonner au pessimisme, mais il est temps de se bouger pour la planète.
- Justement, que faites-vous, vous-même, en matière d'environnement?
- A la maison, on trie les déchets. Nous n'avons qu'une voiture. Je l'emploie pour les enfants, sinon je prends le bus, le métro ou bien je vais à pied. Et puis, spontanément, je n'achète pas des fraises en décembre, j'essaie de suivre les saisons. Il nous reste à terminer d'isoler la maison. Mais elle est classée et il faut demander un permis pour n'importe quelle rénovation. Non seulement des autorités locales, mais aussi de la Couronne britannique, propriétaire du sol, même si la maison est à nous. Ca prend un temps fou pour le double vitrage. Quant aux panneaux solaires, ma demande a été refusée!
- Que peut faire tout un chacun au minimum pour la planète?
- Déjà penser à éteindre les lumières et les appareils quand on ne les utilise pas. Ce n'est pas grand-chose mais si tout le monde le fait. En tout cas, mes enfants sont drillés!".
Au cours de cette rencontre avec le journaliste Pierre De Vuyst, la princesse Marie-Esméralda a quitté sa réserve pour s'exprimer sur la Belgique : "Cette crise politique qui n'en finit pas, bien sûr que çà m'inquiète. J'espère qu'on va trouver une solution car ce blocage est quand même très long. Même ici à Londres, on ressent cette inquiétude, on me parle de la crise belge. Les gens sont curieux, voire inquiets, car tout çà n'est quand même pas bon sur le plan économique. Ca ne l'est pas davantage pour la réputation de la Belgique. Je pense souvent à ce que doit endurer le Roi. J'ai vu avec plaisir que la France voyait en lui un fin stratège. Je crois que c'est vrai. Il n'est pas dans une position facile et il remplit sa fonction avec beaucoup de mérite. C'est un bon Roi!".