Quelques jours avant le génocide perpétré par les Hutus sur les Tutsis au Rwanda (ancienne colonie de la Belgique), dix casques bleus belges, assurant la protection rapprochée du premier ministre rwandais Agathe Uwilingiymana, sont assassinés le 7 avril 1994. Notre pays décide aussitôt le rapatriement de ses casques bleus et de ses ressortissants. Le couple royal rentre précipitamment de leurs vacances de Pâques dans leur résidence de Châteauneuf-de-Grasse. En pleine nuit, ils réconfortent ces Belges qui ont tout laissé au Rwanda pour revenir en Belgique. Le lendemain, c'est la princesse Astrid qui leur apporte son soutien.
Dans son uniforme de lieutenant-général des forces terrestres, le Roi préside avec beaucoup d'émotion l'hommage militaire aux dix casques bleus et se fait représenter à leurs funérailles par un aide de camp. En juin, la famille royale leur rend à nouveau hommage lors d'une cérémonie au Cinquantenaire, et reçoit au palais royal les bénévoles s'étant rendus utiles lors du rapatriement de nos compatriotes. Lors de la fête nationale 1994, la reine Paola choisit la veuve du lieutenant Thierry Lotin, l'un des dix casques bleus assassinnés, comme dame d'honneur. En août, le prince Laurent se rend 24h au Rwanda pour visiter les camps de réfugiés de Goma.
En novembre 1998, Laurent-Désiré Kabila est de passage à Bruxelles pour la première fois en tant que président de la République du Congo. Les autorités belges sont embarrassées, car même s'il a chassé un dictateur, Kabila n'est pas non plus un enfant de choeur. Albert II accepte de le recevoir en audience, mais fait cependant bien comprendre qu'il n'approuvait pas toutes les actions de son invité. Contrairement à ce qui se fait d'habitude, la presse vit les deux chefs d'Etat entrer dans le bureau du souverain. Le Roi avait le visage grave et sérieux, sans aucun sourire. Il refusa de poser côte à côte et de serrer la main de Kabila devant les photographes.
Depuis l'arrivée de Louis Michel au ministère des Affaires étrangères en 1999, la Belgique a renoué un contact étroit avec ses anciennes colonies d'Afrique centrale, avec le plein soutien du Roi. Pour la première fois depuis son accession au trône, il leur consacre la moitié de son discours de Noël 2003 :
"Je voudrais maintenant évoquer un thème qui me tient fort à coeur. Il s'agit du retour à la paix en Afrique centrale, une région à laquelle la Belgique reste fort attachée. Les populations du Congo, du Rwanda et du Burundi ont vécu, ces dernières années, de terribles tragédies. La guerre civile, les maladies et les atrocités ont causé d'immenses souffrances. Depuis quelques mois, des progrès réels ont été réalisés. Un gouvernement de coalition a été formé à Kinshasa avec les représentants des différentes tendances dans le pays. Nous appelons de tout coeur cette paix, si désirée et attendue tant par la population congolaise que par la communauté internationale. Au Rwanda et au Burundi également, notre pays soutient toute initiative favorisant la paix. Le retour à la démocratie devrait stimuler les organismes internationaux à soutenir fermement la reconstruction de ces pays. Le gouvernement belge a déjà décidé d'augmenter son aide et il s'efforce d'encourager les autres donateurs à en faire de même. Je me réjouis qu'à différents niveaux, des liens se resserrent entre notre pays et l'Afrique centrale et je tiens à féliciter tous nos compatriotes qui continuent à oeuvrer dans cette région : nos diplomates, nos missionnaires, les agents de la coopération, les collaborateurs des diverses ONG et les responsables économiques. En renouant ces liens, il ne s'agit pas de faire du néocolonialisme, mais bien de développer un nouveau partenariat avec la participation active de la communauté internationale. Par ailleurs, le Congo, le Rwanda et le Burundi ont tout à gagner en coopérant entre eux dans le respect des principes de l'Etat de droit, de leur intégrité territoriale et de l'indispensable sécurité aux frontières".
Deux mois plus tard, le président congolais Joseph Kabila (fils de Laurent-Désiré) était de passage à Bruxelles. Le moment le plus important de son séjour est le discours qu'il prononce devant le Sénat. Il voulut faire table rase du passé, des erreurs de nos deux pays avant, pendant et après la décolonisation de 1960. Il déclara notamment : "L'histoire de la République Démocratique du Congo, c'est aussi celle des Belges, missionnaires, fonctionnaires et entrepreneurs qui crurent au rêve du roi Léopold II de bâtir, au centre de l'Afrique, un Etat. Nous voulons, à cet instant précis, rendre hommage à la mémoire de tous ces pionniers". Ces deux phrases ont sûrement fait plaisir au Palais... Joseph Kabila est aussi reçu en audience par le Roi (c'est la troisième fois en trois ans qu'ils se rencontrent) et il en profite pour l'inviter officiellement à se rendre au Congo. Au cours du premier trimestre 2004, Albert II a également reçu le président du Burundi Domitien Ndayizeke et le président du Rwanda Paul Kagame.
Le début de l'année 2007 est marqué par une polémique au sujet d'un éventuel voyage d'Etat de nos souverains au Congo, où ont enfin eu lieu des élections démocratiques. Le Roi a été invité officiellement par le président Joseph Kabila et souhaite y répondre favorablement. Certains évoquent le mois de mars ou avril 2007, mais ce projet divise le gouvernement fédéral. Le premier ministre Guy Verhofstadt, le ministre des Affaires étrangères Karel De Gucht, le ministre de la Coopération au Développement Armand De Decker et le ministre de la Défense Nationale André Flahaut y sont favorables. Seuls les socialistes flamands y sont opposés et estiment qu'il faut laisser un peu de temps pour voir comment le nouveau régime congolais va fonctionner avant de le cautionner symboliquement par une visite royale. Le gouvernement fédéral décide donc de reporter le voyage d'Etat après les élections législatives belges du 10 juin 2007 et d'en laisser la responsabilité politique au gouvernement suivant.
Le 30 juin 2010, Albert et Paola sont les invités d'honneur du président Joseph Kabila lors de la cérémonie organisée pour le cinquantième anniversaire de l'indépendance du Congo. Au cours de son séjour, le couple royal effectue quelques visites sociales et économiques liées à notre pays, rencontre le secrétaire général de l'Onu Ban-Ki Moon, mais ne prononce pas de discours afin de ne pas créer de tensions dans les relations belgo-congolaises qui sont parfois tendues. Une polémique survient cependant après leur retour en Belgique lorsque la presse révèle que Mme Kabila a offert une parure de diamants à la reine Paola. Ce coûteux cadeau contraste avec la pauvreté des Congolais et embarrasse le Palais qui décide de remettre le bijou à la Donation Royale.
Le Roi évoque ce voyage dans son discours de la fête nationale 2010 : "La Reine et moi avons été très touchés par l'accueil si chaleureux que nous avons reçu. Nous avons senti toute l'amitié que le peuple congolais a pour la Belgique, avec qui il a partagé une longue histoire. J'ai pu dire aux Congolais que nous avons rencontrés combien nous admirions le courage et la persévérance de la population, au cours d'une histoire qui a connu des moments heureux comme celui de cet anniversaire, mais aussi des périodes difficiles et parfois dramatiques. Cette admiration concerne toute la population, un peuple jeune et vivant où le rôle des femmes mérite d'être souligné. En effet, outre leurs tâches ménagères, elles travaillent aussi pour assurer la subsistance de leur famille mais, dans certaines régions, elles ont été victimes de graves violences. Nous avons pu rencontrer de nombreux compatriotes (des coopérants, des religieux, des hommes d'affaires) qui tous font un magnifique travail pour répondre aux besoins de la population. Enfin, nous avons pu proposer aux autorités congolaises un nouveau partenariat, franc et constructif, axé sur les besoins de la population congolaise et soutenant les nouvelles institutions que le Congo s'est données démocratiquement. Notre vif espoir est qu'un tel partenariat entre nos pays puisse contribuer à consolider la paix en Afrique centrale qui a tellement souffert. Cette paix est aussi vitale pour l'indispensable développement économique et social auquel notre pays est prêt à collaborer activement".
En mai 2011, le Roi remet le Prix International Roi Baudouin pour le Développement 2011 au Docteur Denis Mukwege, récompensé pour son travail au Congo auprès de milliers de femmes victimes de violences sexuelles. Un mois plus tard, lors d'un sommet à New York, le premier ministre belge Yves Leterme remet au sécrétaire-général de l'ONU Ban Ki-Moon une lettre personnelle d'Albert II pour encourager les Nations Unies à accorder suffisamment d'attention à la lutte contre les violences sexuelles faites aux femmes. Il est extrêmement rare qu'il écrive de façon officielle à une organisation internationale.
Très intéressant angle de vue des relations entre la Belgique et ses anciennes colonies, très peu souvent abordé.
RépondreSupprimerJ'ajouterais que le couple royal a été invité pour le 1er juillet 1962, cette fois-ci afin de fêter le 50ème anniversaire du Burundi (posant des problèmes - comme pour le Congo - sur la situation à adopter face à ce pays qui n'est pas le plus exemplaire et par le fait que le gouvernement est démissionnaire).
Valentin, petit rectificatif dans ton commentaire : pour le 1er juillet 2012 (et non 1962).
RépondreSupprimerOui bien entendu : je me suis trompé, il s'agissait de commémorer le 1er juillet 1962
RépondreSupprimerBonne fete nationale,j'aime la Belgique et je souhaite une bonne solution.
RépondreSupprimerMerci Petit belge pour cet article très intéressant et très instructif.
RépondreSupprimerMerci pour ce remarquable article. c'est toujours un plaisir de venir sur ce site pour apprendre quelque chose.
RépondreSupprimerJe pense à Mobutu qui avait prit modèle sur le roi Baudouin pour qui il avait une certaine admiration, d'ailleurs les deux hommes avaient des rapports assez ambigus.
RépondreSupprimerJ'ai beaucoup de respect pour Louis Michel, je me souviens que c'était le seul homme politique belge qui m'avait marque avec di Rupo, je crois que l'ancien ministre des affaires étrangères est à la Commission européenne ou au parlement européen.
Réponse à Pierre-Jean : après avoir été ministre belge des Affaires Etrangères de 1999 à 2004, Louis Michel a été commissaire européen. Mais une règle non écrite veut que notre poste de commissaire européen soit occupé alternativement par un francophone puis par un néerlandophone ; c'est donc Karel De Gucht qui est l'actuel membre belge de la Commission Européenne. Louis Michel est député européen mais vu que son fils Charles est le président du parti libéral francophone, il garde une certaine influence en coulisses.
RépondreSupprimerQuant à Elio Di Rupo, il a été nommé formateur par le Roi et mène actuellement les négociations sur la prochaine réforme de l'Etat. S'il réussit, il pourrait devenir le prochain premier ministre belge.