lundi 20 février 2012

Le rôle politique du roi Albert II en 2003

Lors de la réception de Nouvel An 2003 au palais royal, le premier ministre se distance clairement de la proposition de son parti en rappelant le rôle fédérateur de la monarchie et en rendant hommage au "rôle constitutionnel exemplaire d'Albert II, un roi qui incarne le calme et la sécurité et qui témoigne de ses préoccupations pour le pays et ses habitants. Albert II peut servir d'exemple pour le fonctionnement d'une monarchie moderne dans un pays assurément plus complexe que le Danemark, les Pays-Bas ou la Grande-Bretagne". Guy Verhofstadt conclut en présentant le programme des festivités populaires organisées à Bruxelles pour le dixième anniversaire de l'accession au trône du roi Albert.

Le lendemain, le journal "Le Soir" dévoile les résultats d'un sondage de Dedicated Research sur la monarchie :
12 % des Belges sont pour l'augmentation des pouvoirs du Roi.
66 % des Belges sont pour le maintien des pouvoirs actuels du Roi.
14 % des Belges sont pour la diminution des pouvoirs du Roi.
7 % des Belges sont pour la suppression des pouvoirs du Roi.
1 % des Belges sont sans opinon sur le sujet.

Quant à Albert II, il consacre son allocution de Nouvel An à la violence :

"En octobre dernier, l'Organisation Mondiale de la Santé a présenté à Bruxelles son premier rapport mondial sur le thème : la violence et la santé. Ce document fait suite à une résolution de l'assembléée de l'OMS en 1996, déclarant que la violence constitue l'un des principaux problèmes de santé publique dans le monde. Pendant trois ans, plus de 160 experts du monde entier ont rassemblé des données dans 170 pays pour analyser toutes les formes de violence, depuis celles que les personnes pratiquent contre elles-mêmes, en passant par celles que des individus exercent les uns contre les autres, jusqu'aux formes de violence collective comme la guerre ou la révolution. Ce travail a été réalisé sous la direction d'un compatriote, le Dr. Krug, et notre pays a été un des premiers à offrir son soutien financier à cette étude.

Chaque année, plus de 1.600.000 personnes meurent dans le monde entier des suites d'actes de violence. Dans 50 % des cas, soit 815.000 pour l'année 2000, il s'agit de suicides. Remarquons que le nombre de tués dans des conflits armés, la même année, est deux fois et demie inférieur à ce chiffre. C'est en Europe centrale et de l'Est que les pourcentages de suicides sont les plus élevés. L'OMS estime que 520.000 personnes ont été assassinées au cours de l'année 2000. Parmi elles, 199.000 jeunes entre 10 et 29 ans, souvent victimes d'autres jeunes. L'abus d'alcool ou de drogue en est généralement la cause.

A côté des milliers de morts, la violence marque aussi des millions d'autres êtres humains qui subissent des traumatismes physiques ou psychologiques dont ils resteront à jamais meurtris. Comme l'exprime si bien Nelson Mandela dans son avant-propos de l'étude de l'OMS et je cite : "Ce qui est moins visible, mais bien plus répandu, c'est le fardeau des souffrances quotidiennes. C'est la douleur des enfants victimes de ceux qui devraient les protéger, des femmes blessées ou humiliées par un partenaire violent, des personnes âgées maltraitées par ceux qui s'occupent d'elles, des jeunes brutalisés par d'autres jeunes ou encore des gens de tous âges qui retournent la violence contre eux-mêmes". Fin de citation.

Le rapport de l'OMS me semble, tant sur le plan international que national, former une excellente base d'action pour tenter d'enrayer la violence. Il n'y a pas de réponse simple à ce problème. C'est par des approches différentes et surtout par la prévention dans les groupes à risques que des actions doivent être prises. Il va de soi que la violence touche également notre pays. Je ne vais pas traiter ici de phénomènes que j'ai déjà abordés à d'autres occasions, comme la maltraitance d'enfants ou la traite des êtres humains. Je voudrais aujourd'hui mettre en lumière trois problèmes graves qui touchent directement beaucoup de nos concitoyens mais dont l'ampleur est peut-être moins connue du grand public. Il s'agit du suicide, de la maltraitance de personnes âgées et de la violence contre les femmes par un partenaire.

J'ai été frappé, tout comme le premier ministre dans son discours à la conférence de l'OMS, par le fait que dans notre pays environ 2.000 personnes se suicident chaque année. Ce nombre est plus élevé que les 1.400 décès annuels dans le trafic routier. A juste titre, ce dernier chiffre a été jugé inacceptable par l'opinion et diverses mesures sont prises par les autorités pour le réduire. La même prise de conscience devrait avoir lieu en matière de suicide. D'autant plus que chez nous, le nombre de suicides est plus élevé que dans d'autres pays de l'Union Européenne. Ainsi, par 100.000 habitants, on compte plus de 21 suicides en Belgique, 11 aux Pays-Bas, 9 au Royaume-Uni et en Espagne, 5 au Portugal et 4 en Grèce.

Quand on devine la douleur qui se cache derrière chaque suicide, il me paraît indispensable de se mobiliser pour réduire cette impressionnante somme de tragédies. Dans cet esprit, par exemple, la Vlaamse gezondheidsconferentie a traité, en décembre dernier, de la prévention du suicide. Dans ses recommandations, elle préconise entre autres que les hôpitaux ayant soigné une personne à la suite d'une tentative de suicide en informent le médecin de famille car son rôle est crucial dans le suivi du patient. Par ailleurs, il me semble important que les associations qui se soucient spécifiquement de la prévention du suicide et celles qui sont à l'écoute de toutes les personnes en détresse, comme Télé-Accueil, soient plus activement soutenues. Le travail des volontaires, qui souvent à titre bénévole y consacrent une bonne partie de leur temps libre, mérite notre admiration.

Une autre forme de violence commence à éveiller l'attention, bien que l'opinion en soit encore relativement peu consciente : c'est la maltraitance de personnes âgées par des membres de leur famille ou des personnes qu'elles connaissent. Une étude réalisée chez nous auprès de 523 personnes âgées vivant à la maison, montre qu'une personne âgée sur huit a été confrontée à ce type de problème. Une enquête auprès du personnel de homes pour personnes âgées a révélé que dans un tiers de ces institutions, différentes formes de violence existaient et que dans la plupart des cas la direction n'était pas au courant de ces actes. Le rapport de l'OMS souligne que l'information et la sensibilisation du public sont des éléments importants dans la prévention de cette maltraitance ou négligence. L'objectif est donc d'alerter le grand public au sujet des différents types de mauvais traitement, de lui apprendre à en reconnaître les signes et de lui expliquer vers qui se tourner pour obtenir de l'aide.

Pour terminer, j'aimerais encore évoquer une forme courante de violence : ce sont les sévices infligés aux femmes par un partenaire ou ex-partenaire. Ces faits ont hélàs lieu dans tous les pays et dans tous les groupes sociaux. Ils se produisent aussi chez nous. Une étude parue récemment fait état de 5.806 cas verbalisés et enregistrés en 1999. L'autorité publique veut s'y attaquer, notamment par le plan national d'action contre la violence à l'égard des femmes. Ce fut également le thème de la Journée des Femmes le 11 novembre dernier. Il importe de renforcer la prévention dans ce domaine et de faire savoir que ce type de violence ne peut rester impuni.

Voilà, Mesdames et Messieurs, les faits et quelques réflexions que je souhaitais partager avec vous à la suite de cet important rapport de l'OMS. Le but n'est pas de regretter ces phénomènes mais au contraire, de prendre conscience de ces réalités et de s'armer pour mieux les affronter. Cette lutte doit évidemment se mener sur le plan judiciaire, mais ce n'est pas le seul. Il faut savoir que tout comme pour d'autres problèmes de santé publique, ces situations peuvent faire l'objet d'une prévention efficace. Il ne s'agit pas d'un fait social inévitable ou lié de façon inéluctable à la condition humaine. La violence est le produit de facteurs complexes, mais qui peuvent être modifiés. C'est cette entreprise de prévention de la violence que j'invite tous les responsables de notre pays et de l'Union Européenne à s'atteler. Evitons notamment de banaliser la violence en la présentant quotidiennement sous toutes ses formes. Développons plutôt une culture de respect mutuel, de dialogue et de paix".

Autre souci du couple royal : le racisme. Plusieurs visites sont organisées autour de ce thème en 2003. En janvier, Paola est la première reine belge à rencontrer la communauté orthodoxe de notre pays. Le mois suivant, son mari visite le Commissariat général aux réfugiés et aux apatrides, et l'entreprise de nettoyage ISS à Vilvorde. Cette dernière, qui emploie 40 % de non-Belges au sein de ses 11.500 employés, est à l'origine d'une charte contre le racisme. Albert II inaugure en mai le Mémorial de Breendonk, restauré selon les règles de la muséologie moderne. Il met en valeur les leçons de mobilisation démocratique à tirer au XXIème siècle de l'horreur vécue dans le seul camp de concentration belge soixante ans plus tôt. En septembre, les souverains se rendent dans les quartiers immigrés de Molenbeek-Saint-Jean, comme ils l'avaient fait un an plus tôt à Schaerbeek et Saint-Josse.

Sur le plan politique, le 30 avril, la ministre des Transports Isabelle Durant suspend les nouveaux tracés nocturnes des avions au départ et à destination de l'aéroport de Bruxelles-National. Deux jours plus tard, le premier ministre ordonne aux services publics de ne pas tenir compte de la circulaire d'Isabelle Durant et d'appliquer les décisions de janvier 2003 du gouvernement fédéral. De plus, il prie la ministre de ne plus prendre aucune décision à ce sujet, lui rappelant que le gouvernement était en affaires courantes. Vu la gravité de la situation, Guy Verhofstadt se rend le samedi après-midi au château du Belvédère afin de tenir informé le Roi.

Lors du conseil des ministres du 4 mai, le gouvernement ne parvient pas à trouver un compromis et les cinq autres partis de la majorité soutiennent la position de Guy Verhofstadt. Aussi la ministre des Transports Isabelle Durant et le secrétaire d'Etat à l'Energie Olivier Deleuze annoncent leur démission et le départ d'Ecolo du gouvernement fédéral, à deux semaines des élections législatives. Le lendemain, le premier ministre est à nouveau reçu par Albert II qui accepte les deux démissions. Le Roi nomme ensuite Alain Zenner secrétaire d'Etat à l'Energie et donne le titre de ministre à Yvan Ylieff qui était depuis 1999 commissaire fédéral de la recherche scientifique. Quant aux compétences d'Isabelle Durant, elles sont transmises à la vice-première ministre et ministre de l'Emploi Laurette Onkelinx. Depuis le début du règne d'Albert II, c'était la première fois qu'un parti politique quittait le gouvernement fédéral.

Le 18 mai, les Belges se rendent aux urnes pour élire leurs sénateurs et députés fédéraux. Lors de ce scrutin, les familles socialistes et libérales augmentent leurs scores de 1999 pour être désormais au coude-à-coude, les sociaux-chrétiens diminuent légèrement, l'extrême-droite continue son ascension et les partis écologistes enregistrent une chute spectaculaire. A la Chambre, Ecolo perd sept sièges et Agalev n'a désormais plus aucun député. Quelques semaines plus tard, Ecolo a reconnu que sa prise de position en faveur d'une république était une des causes de son échec électoral.

Comme le veut la tradition, Guy Verhofstadt présente la démission de son gouvernement au Roi qui reçoit ensuite les présidents de la Chambre, du Sénat et des différentes formations politiques (à l'exception de l'extrême-droite). Le 21 mai, il nomme informateur Elio Di Rupo le président du PS et bourgmestre de Mons. Ce dernier rencontre 150 représentants du monde politique, économique, social, syndical et religieux. A la demande expresse du souverain, il y ajoute la hiérarchie militaire belge. Au terme de sa mission une semaine plus tard, Elio Di Rupo privilégie la mise en place d'une coalition libérale et socialiste.

Albert II confie ensuite au premier ministre sortant le rôle de formateur du futur gouvernement. Après de longues négociations, Guy Verhofstadt vient le 8 juillet lui détailler l'accord intervenu entre le VLD, le MR, le PS et SPA/Spirit.

La prestation de serment du gouvernement Verhofstadt II a lieu le 12 juillet dans la rotonde du château de Laeken. Pour la première fois dans l'histoire de la Belgique, un tiers du gouvernement fédéral est constitué par des femmes. Autre nouveauté : une photo de famille a lieu sur les marches du château de Laeken avec Albert II. Une manière symbolique de montrer que cela reste constitutionnellement le gouvernement du Roi. Par ailleurs, le président du Sénat Armand De Decker et le président de la Chambre Herman De Croo conservent leur poste respectif qu'ils occupaient depuis 1999. Tous deux sont des proches du Palais et n'hésitent pas à défendre farouchement et publiquement la monarchie.

Albert II rend hommage à son frère dans son discours télévisé du 21 juillet 2003 :
"Dans quelques jours, il y aura 10 ans que le roi Baudouin nous a brusquement quittés. J'aimerais rappeler, en ce jour de fête nationale, quelques valeurs qu'il incarnait si bien et certains thèmes qui lui tenaient tellement à coeur. C'est une belle occasion d'honorer sa mémoire, de remercier la reine Fabiola qui fut à ses côtés pendant plus de 30 ans, et de souhaiter que l'action de mon frère continue à nous inspirer tous.

Il était profondément attaché aux valeurs de base de notre condition humaine. Il les proclamait souvent mais, surtout, il les vivait dans le quotidien, dans ses nombreux contacts avec tellement de personnes différentes, qu'il s'agisse de hauts responsables ou de simples citoyens, d'enfants du juge, de victimes de la traite des êtres humains ou de tant d'hommes et de femmes blessés par la vie. C'est cette même préoccupation qui fut à l'origine de la création de la Fondation Roi Baudouin, dont le but principal est de soutenir toutes initiatives tendant à améliorer les conditions de vie de notre population.

Lors de sa visite d'Etat aux Pays-Bas en mai 1993, quelques mois avant sa disparition, il soulignait et je cite : "Il est indispensable que, dans nos foyers, dans la vie associative, dans nos sociétés, soient réapprises les valeurs de base de notre civilisation, notamment le respect de la famille, la dignité de chacun, la solidarité, la justice et la tolérance. Chaque fois que la société s'en écarte, elle en souffre et en fait souffrir d'autres". Fin de citation.

C'est le vécu concret de ces valeurs qui a tant ému l'ensemble de la population lors de son décès. Car ces valeurs sont universelles, comme le rappelait le père Guy Gilbert lors du mariage de Laurent et Claire. Elles sont basées sur l'amour et le respect de l'autre qui doivent nous inspirer tous, quelles que soient nos convictions ou la culture à laquelle nous appartenons.

Par ailleurs, le roi Baudouin était le symbole, mais aussi un avocat vigoureux de l'unité et de la cohésion du pays, dans le respect de sa diversité. Il considérait le caractère multiculturel de la Belgique comme un merveilleux atout et une richesse, comme une chance unique d'être plus ouverts aux autres, plus aptes à comprendre et à accepter la différence. C'est pourquoi il insistait sur la tolérance, sur l'effort à faire pour mieux comprendre ce qui se vit dans nos diverses régions et communautés mais aussi chez les immigrés. Cette unité dans la diversité, soutenue par la toute grande majorité de nos concitoyens, doit continuer à nous inspirer. L'enthousiasme de tout le pays à l'occasion des succès de Justine et de Kim témoigne lui aussi de cette unité.

Mon frère était également convaincu, et c'est un autre thème qui lui tenait à coeur, que si notre modèle fédéral était bien vécu, il devrait stimuler la construction européenne. Il jugeait cette dernière indispensable pour notre prospérité et pour la promotion des valeurs de paix, de justice et de solidarité dans le monde. Récemment, la guerre en Irak et ses suites n'ont fait que confirmer cette impérieuse nécessité. Poursuivons ce grand dessein qui implique l'élargissement de l'Union mais aussi une politique internationale et de défense commune.

Il était fort choqué de voir que le fossé entre les pays riches et les pays pauvres ne faisait qu'augmenter. Aujourd'hui encore, nous sommes scandalisés de constater que moins de 20 % de la population de notre planète bénéficient de plus de 80 % du revenu mondial. Il est grand temps de mondialiser la solidarité. C'est ce que contribue à faire l'organisation pour le commerce équitable qui vient de recevoir, il y a quelques semaines, le Prix International Roi Baudouin pour le Développement.

Par la création de ce prix, mon frère s'est efforcé d'encourager la solidarité entre pays industrialisés et pays en voie de développement. Il aimait soutenir tous ceux qui dans des organismes publics ou dans des ONG s'efforcent d'éliminer ces injustices. Il était particulièrement sensible aux grandes détresses de l'Afrique et à la condition souvent inéquitable de la femme dans le tiers monde. Poursuivons donc et encourageons les initiatives en faveur de la paix, du développement et de la reconstruction en Afrique centrale, ainsi que les efforts entrepris dans certains pays pour y améliorer la condition de la femme".

Le Roi profite de cette fête nationale 2003 pour anoblir Hilde Kieboom, la fondatrice et présidente de la communauté religieuse Sant' Egidio en Belgique, à laquelle notre souveraine porte beaucoup d'intérêt. En avril 1995, elle se rend au restaurant pour sans abris "De Kamiano" à Anvers, géré par Sant' Egidio. Lors d'une journée passée à Anvers en 2001, elle y déjeune avec la communauté. Pendant le voyage d'Etat en Italie, la Reine visite à Rome un centre pour enfants défavorisés de la communauté Sant'Egidio. La baronne Hilde Kieboom fait partie du conseil d'administration de la Fondation Reine Paola.

Nommé d'après un très vieux monastère romain, ce groupe est fondé peu après mai 1968 par Andrea Riccardi, l'héritier d'une riche famille de banquiers. A ses débuts, il était surtout actif dans la capitale italienne. Aujourd'hui, la communauté Sant'Egidio compte environ 30.000 membres dans une trentaine de pays. Ses dirigeants oeuvrent en faveur de la paix notamment au Mozambique, en Algérie, au Burundi, et ont également contribué à la signature d'un accord au Guatemala.

A l'initiative du gouvernement fédéral, de nombreuses festivités populaires sont organisées les 20 et 21 juillet 2003 à Bruxelles pour marquer le dixième anniversaire de l'accession au trône d'Albert II : concert de l'orchestre Prima La Musica, parades à vélo, en roller et à moto, spectacles de cirque, feu d'artifice, bal populaire dans les Marolles, concert de l'Orchestre National de Belgique, Te Deum, défilé militaire, etc. De leur côté, Albert et Paola offrent une garden-party à 2.000 personnes (dont 880 simples citoyens belges) dans le domaine de Laeken comme ils l'avaient fait en 1999 pour les fiançailles du prince héritier. Cette réception est un des nombreux signes d'ouverture et de modernisation de la monarchie sous le règne d'Albert II.

Parmi toutes les activités de ces deux journées, le moment le plus intense est la montée sur le podium de la place Poelaert du couple royal, acclamés par les artistes belges présents et par 45.000 spectateurs. Tous entonnent un "Happy birthday" de circonstance, suivi par la Brabançonne interprétée par Toots Thielemans à l'harmonica. Très ému, soutenu par la reine Paola au bord des larmes, le Roi improvise un petit discours bilingue afin de remercier le gouvernement fédéral, les organisateurs, les artistes et le public "pour sa gentillesse et son affection". Ce concert marquait de manière évidente la différence de style entre le roi Baudouin et son successeur.

Certains responsables politiques acceptent de parler d'Albert II à la presse à l'occasion de cet anniversaire :

Guy Verhofstadt, premier ministre : "Aujourd'hui, il n'existe aucun point de discussion, de friction entre la monarchie d'une part et le monde politique d'autre part. Au contraire. Je crois vraiment que tout ce qu'on a vécu ces dernières années démontre très clairement que la monarchie s'est adaptée. C'est une monarchie tout à fait moderne qu'on a en Belgique".

Laurette Onkelinx, vice-première ministre et ministre de la Justice : "Rencontrer le Roi, c'est dialoguer avec un homme qui pose les bonnes questions et connaît parfaitement les dossiers. Albert II ne donne jamais d'avis de manière tranchée. Il écoute. L'emploi le passionne. Le Roi est également très soucieux de la bonne intégration des populations d'origine étrangère et des discriminations à l'embauche. J'ai été également ministre de l'Egalité des chances entre hommes et femmes, et ce thème est pour lui un souci de tous les instants. Je suis socialiste et il est vrai que notre parti a eu pas mal d'interrogations sur la monarchie. Mais aujourd'hui, elle me paraît être le meilleur compromis démocratique. Nous sommes un pays fédéral avec trois régions et le risque constant de tensions demeure. Bénéficier de la présence d'un homme qui n'appartient à aucune de ces régions, qui, de par son statut, est au-delà même de ces périls me paraît indispensable. D'autre part, les pouvoirs de notre souverain sont moins importants que ceux du président de la République en France. La monarchie est donc parfaitement bien ressentie tant que le Roi demeure dans son rôle. Il évident que je ne souhaite absolument pas l'instauration d'une république. Il suffit d'avoir vu la liesse populaire lors de notre fête nationale. Ces manifestations de joie ont montré le profond attachement de la population belge à son roi".

Herman De Croo, président de la Chambre et ministre d'Etat : "Albert a été mieux préparé que son frère à monter sur le trône. En somme et par la force des choses, sans le vouloir, sans le savoir, il a pris son temps. N'oublions jamais l'immense travail accompli par lui pour notre commerce extérieur. Il a ainsi attiré des centaines d'entreprises dans le pays. Si la présence industrielle américaine est si forte (1.600 entreprises), c'est grâce à lui. Son caractère ouvert et chaleureux l'aide à séduire nos compatriotes. Mais attention! C'est quelqu'un qui sait parfaitement ce qu'il veut. Il veille scrupuleusement à l'image de la Belgique, des Belges et de sa propre famille. Après l'austérité et le professionnalisme excessif de Baudouin qui portait la couronne un peu comme une croix, un pli nouveau a été pris. Ce n'est pas le Roi qui tient la Belgique, c'est la Belgique qui tient au Roi".

Romano Prodi, président de la Commission Européenne : "Dès ma prise de fonction, j'ai eu le privilège et le plaisir de rencontrer Sa Majesté le roi Albert II à diverses reprises. Lors de nos entretiens toujours empreints d'une grande chaleur humaine, j'ai été frappé par ses profondes convictions européennes et par l'intérêt qu'il porte personnellement au rôle de la Belgique dans le développement de la construction européenne et aux spécificités de Bruxelles comme capitale de l'Europe. Les travaux de la Convention européenne ont opportunément rappelé la contribution de la Belgique dans toutes les étapes de la construction européenne ainsi que le rôle que les pays fondateurs sont appelés à jouer dans les étapes qui nous attendent. La sensibilité de Sa Majesté le roi Albert II à la place de Bruxelles en tant que capitale de l'Europe est bien connue. J'ai personnellement beaucoup apprécié le fait que son souci était notamment la proximité du citoyen et le respect de l'environnement et de l'habitat".

Deux mois et demi après l'entrée en fonction du gouvernement Verhofstadt II, la secrétaire d'Etat au bien-être du travail Anissa Temsamani présente sa démission au Roi. La presse flamande avait découvert qu'elle n'avait jamais été graduée ou licenciée en sciences commerciales, ce qu'elle signalait sur ses CV. Elle préfère se retirer pour ne pas entâcher l'image du nouveau gouvernement. Mme Temsamani reste comme la première femme belge d'origine maghrébine à avoir siégé dans un exécutif en Belgique. Le 29 septembre, la socialiste flamande Kathleen Van Brempt prête serment devant Albert II en tant que nouvelle secrétaire d'Etat.

En novembre, le Roi participe, pour la première fois, à l'anniversaire d'une des composantes de l'Etat fédéral. A Eupen, il assiste à la séance académique organisée pour les 30 ans de la communauté germanophone qui a choisi le 15 novembre (jour de la fête du Roi) comme fête annuelle.

Pour son discours de Noël 2003, Albert II choisit deux thèmes qu'il n'avait pas encore évoqué publiquement depuis son accession au trône :

"En cette Année Européenne des personnes handicapées, la Reine et moi pensons spécialement à toutes celles qui vivent parmi nous, et nous leur adressons ainsi qu'à leur famille et à ceux qui les aident dans leur vie quotidienne, nos voeux les plus chaleureux. Pendant cette année, des milliers d'événements ont été organisés à travers l'Union Européenne pour promouvoir les droits de plus de 37 millions de personnes handicapées, et pour sensibiliser l'ensemble de la population aux obstacles qu'elles doivent surmonter chaque jour.

Dans notre pays, on évalue entre 10 et 12 le pourcentage des personnes qui souffrent d'un handicap. C'est une réalité quotidienne qui n'est pas facile à porter. Et pourtant, la Reine et moi sommes souvent frappés par le courage, l'optimisme et même la joie intérieure qui émane de ces personnes. Récemment encore, nous avons pu nous en rendre compte lors d'une réception organisée pour elles à Laeken, et tout dernièrement aussi à l'occasion de notre visite à Geel. Les efforts consentis cette année, dans notre pays et en Europe, pour stimuler une meilleure intégration des personnes handicapées dasn notre société, doivent être poursuivis avec leur participation effective. Sachons mieux comprendre et accepter les différences. Bref, faisons preuve de solidarité et de respect pour l'autre.

Je voudrais maintenant évoquer un deuxième thème qui me tient également fort à coeur. Il s'agit du retour à la paix en Afrique centrale, une région à laquelle la Belgique reste fort attachée. Les populations du Congo, du Rwanda et du Burundi ont vécu, ces dernières années, de terribles tragédies. La guerre civile, les maladies, les atrocités ont causé d'immenses souffrances.

Depuis quelques mois, des progrès réels ont été réalisés. Un gouvernement de coalition a été formé à Kinshasa avec les représentants des différentes tendances dans le pays. Nous appelons de tout coeur cette paix, si désirée et attendue tant par la population congolaise que la communauté internationale. Au Rwanda et au Burundi également, notre pays soutient toute initiative favorisant la paix. Le retour à la démocratie devrait stimuler les organismes internationaux à soutenir fermement la reconstruction de ces pays. Le gouvernement belge a déjà décidé d'augmenter son aide et il s'efforce d'encourager les autres donateurs à en faire de même.

Je me réjouis qu'à différents niveaux, des liens se resserrent entre notre pays et l'Afrique centrale, et je tiens à féliciter tous nos compatriotes qui continuent à oeuvrer dans cette région : nos diplomates, nos missionnaires, les agents de la coopération, les collaborateurs des diverses ONG et les responsables économiques. En renouant ces liens, il ne s'agit pas de faire du néocolonialisme mais bien de développer un nouveau partenariat avec la participation active de la communauté internationale. Par ailleurs, le Congo, le Rwanda et le Burundi ont tout à gagner en coopérant entre eux dans le respect des principes de l'Etat de droit, de leur intégrité territoriale et de l'indispensable sécurité aux frontières".

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