lundi 29 octobre 2012

Le rôle politique du roi Albert II en 2009

Le Roi consacre l'entièreté de son discours de Nouvel An aux conséquences de la crise financière. Il prône le développement des mécanismes de contrôle des produits financiers, l'intensification du rôle de surveillance du Fonds Monétaire International, la stimulation du commerce international, l'augmentation des projets d'infrastructure financés par la Banque Mondiale, la rénovation du système financier international, une coordination des plans de redressement des pays de la zone euro, l'accélération des efforts de recherche et de développement voulus par la stratégie de Lisbonne, le renforcement des économies d'énergie, plus d'Europe et moins de nationalisme.

En ce qui concerne la Belgique, il déclare :   "C'est l'occasion d'accélérer des réformes et de renforcer de façon significative notre économie dans un certain nombre de secteurs où nous avons déjà de sérieux atouts qui peuvent être créateurs d'emplois. Je pense, entre autres, aux opportunités dans le secteur des écotechnologies qui va connaître une forte croissance, qu'il s'agisse de la purification de l'air, de l'eau et des sols, de l'économie d'énergie, du recyclage des matériaux, etc. La logistique est un autre secteur très prometteur, compte tenu des perspectives considérables de développement de différentes formes de transport de personnes et de marchandises. Accentuons aussi davantage la valeur du rôle de Bruxelles comme capitale européenne. Je me réjouis, à ce propos, de l'initiative des organisations patronales nationale et régionales, de promouvoir la Business Route 2018 for Metropolitan Brussels. Ces atouts, et bien d'autres encore, ont été mis en évidence lors de notre visite d'Etat en Inde. Notre pays doit renforcer son effort pour atteindre les objectifs de recherche et de développement prévus dans les accords de Lisbonne. C'est ainsi que nous pourrons au mieux préparer la reconversion et la modernisation de notre économie. Je me réjouis du rôle actif de nos universités dans ce domaine, et de leur partenariat avec le secteur privé. Ces aspects furent bien visibles, eux aussi, lors de notre visite en Inde. Pour terminer, mettons par la voie des communautés de notre pays, l'accent sur l'enseignement et la formation professionnelle. C'est urgent si nous voulons tenir tête aux défis de demain".

Suite au départ de Karel De Gucht (VLD) à la Commission Européenne et aux élections régionales, le gouvernement subit quelques changements en juillet 2009 :  Annemie Turtelboom (VLD) à l'Intérieur, Yves Leterme (CD&V) aux Affaires étrangères, Michel Daerden (PS) aux Pensions et Guy Vanhengel (VLD) au Budget, p.ex.

Le 21 juillet, Albert II prononce sa traditionnelle allocution télévisée :

"En ce jour de fête nationale, mes pensées vont d'abord à tous ceux qui, à la suite de la crise économique internationale, ont perdu leur emploi. C'est une lourde épreuve pour de très nombreuses personnes et pour leurs familles. Les conséquences sociales de la crise sont énormes et réclament une réponse à différents niveaux.

L'an dernier à Noël, puis en janvier aux autorités du pays, j'ai surtout évoqué les mesures à prendre sur le plan économique, tant au niveau mondial qu'international. Aujourd'hui, je voudrais vous parler de trois autres sujets en rapport avec la crise : l'éthique, l'enseignement et la formation, sans oublier l'indispensable adaptation de nos structures institutionnelles.

Il me semble qu'un premier domaine où nous devons réagir est celui de l'éthique. La crise a été en bonne partie causée par l'absence d'éthique. Dans le secteur financier, beaucoup de responsables ont succombé à la pression des marchés pour générer à court terme des marges de profits toujours plus élévées, souvent irréalistes et sans rapport avec l'économie réelle. C'est ainsi que des produits dits toxiques ont été acquis. A la pression des marchés s'est ajouté le stimulant des méthodes de rémunération complémentaire des dirigeants, les bonus. Ils étaient fonction de la réalisation de ces objectifs. Ces comportements individuels et collectifs, ainsi qu'un contrôle suffisant des intermédiaires financiers, ont provoqué une crise financière mondiale, dont l'impact sur l'économie réelle est lourd. Des millions d'emplois disparaissent de par le monde, et la crise a créé dans les pays en développement des effets disproportionnés touchant les populations les plus vulnérables.

Il me paraît donc très important de plaider pour le développement d'une éthique dans le domaine économique et financier. Celle-ci doit évidemment s'accompagner d'une mise au point de certaines règles et normes à respecter pour le contrôle des intermédiaires et des produits financiers. Ces contrôles devront non seulement être renforcés, mais aussi internationalisés. La nécessité de normes s'applique aussi à l'ensemble de la rémunération des dirigeants. Rappelons-nous que la finance doit être au service de l'économie et celle-ci au service de l'homme. Il importe de revenir à ces notions de base. Les institutions et les intermédiaires financiers sont là pour collecter l'épargne, et pour prêter ces moyens au développement de projets productifs. Au-delà du secteur financier, nous pouvons aussi nous interroger sur le caractère de plus en plus matérialiste de nos sociétés et sur la nécessité d'accorder plus de place aux valeurs familiales, à celles de la convivialité, de la solidarité et du respect de l'autre. Je constate de grandes attentes chez les jeunes à ce propos.

Je voudrais évoquer ensuite un second sujet toujours en relation avec la crise économique. Il s'agit du besoin d'un enseignement de qualité et d'une formation professionnelle plus adéquate. Ayons à l'esprit que le monde change en permanence. De nombreux efforts sont entrepris sur le plan national et international pour encourager les technologies nouvelles et des méthodes de production propres, innovantes, économes en énergie et peu productrices de CO2. Ces domaines d'activité seront de plus en plus parmi les moteurs économiques de demain.

Graduellement, le monde se mobilise pour relancer l'économie, pour favoriser le développement de technologies plus respectueuses de l'environnement et pour économiser l'énergie. Aussi, nous devons entreprendre dans nos communautés et nos régions un effort spécial pour assurer un enseignement de qualité et cette formation professionnelle plus adaptée dont je viens de parler. C'est ainsi que nous encouragerons au mieux nos habitants à participer pleinement à la reprise économique prochaine et aux changements qu'elle apportera. Demain, notre économie aura besoin de beaucoup de talents diversifiés. D'où la nécessité de formation permanente que ce soit dans le domaine technique, des sciences, des langues, de l'informatique ou dans d'autres secteurs.

Enfin, pour faire face à la crise en Belgique, je pense que nous devons aussi mettre de l'ordre dans nos structures institutionnelles. Accordons-nous sur une réforme de l'Etat qui assure à la fois une plus grande responsabilité aux entités fédérées, une indispensable solidarité et un pouvoir fédéral efficace disposant des moyens nécessaires dans les domaines qui restent les siens. Cela nous permettra de mieux affronter les défis futurs. Ces deux prochaines années, l'éthique, l'économie, l'enseignement et les réformes institutionnelles seront des domaines qui requerront toute notre attention. Mais ils représentent pour notre pays une chance de nous maintenir dans le peloton des pays industrialisés. Saisissons pleinement ces opportunités".

Dans la soirée du 16 novembre, le roi Albert s'incline devant la dépouille mortelle du comte Pierre Harmel, le plus ancien ministre d'Etat, décédé la veille à l'âge de 98 ans. Au cours de sa longue carrière, il a été, entre autres, député, ministre de la Justice, de la Culture et de la Fonction Publique, président du PSC, éphémère premier ministre, etc. On retient surtout son passage au ministère des Affaires étrangères où, en pleine guerre froide, il plaida (y compris à l'Otan) pour plus de dialogue entre l'Ouest et l'Est. Pierre Harmel était également membre de l'Académie Royale de Belgique.

Dès le lendemain de la désignation du premier ministre Herman Van Rompuy au poste de président du Conseil Européen, Albert II reçoit en audience les présidents des cinq partis formant le gouvernement fédéral et charge à nouveau le ministre d'Etat Wilfried Martens de faciliter la transition. Sa mission aboutit cinq jours plus tard au retour d'Yves Leterme au poste de premier ministre, secondé par le ministre d'Etat Jean-Luc Dehaene pour trouver une solution au délicat dossier de l'arrondissement électoral de Bruxelles-Hal-Vilvorde.

Fin 2009, le Roi nomme six nouveaux Ministres d'Etat :   Frank Vandenbroucke (SPA), Jos Chabert (CD&V), Armand De Decker (MR), Melchior Wathelet senior (CDH), André Flahaut (PS) et Karel Poma (VLD).

Dans son discours de Noël 2009, Albert déclare :

"En cette période de fin d'année, mes pensées vont à nouveau vers les nombreuses personnes qui ont perdu leur emploi, et vers leurs familles. Je comprends leur désarroi. Le gouvernement fédéral, les gouvernements régionaux et les partenaires sociaux s'efforcent de limiter l'impact de la crise économique sur l'emploi. Je les en remercie et les encourage à poursuivre leur action avec détermination.

Malgré cette situation préoccupante, il se présente aussi des événements positifs pour notre pays. Ainsi, je tiens à saluer la magnifique désignation de Mr Herman Van Rompuy comme tout premier président du Conseil Européen. C'est un grand honneur pour lui comme pour notre pays, et une garantie de progrès pour l'Europe. J'y reviendrai plus tard.

Avant cela, j'aimerais rappeler qu'en octobre dernier, nos concitoyens et beaucoup de personnes dans le monde ont vécu une grande joie :  l'hommage universel rendu à Joseph De Veuster, mieux connu sous le nom de père Damien. Chez nous, son rayonnement dépasse les clivages philosophiques et communautaires, comme en témoigne sa popularité aussi bien au nord qu'au sud. C'est rare, mais Joseph De Veuster peut assurément être appelé "un prophète dans son pays". Cette appréciation unanime prouve que des valeurs, telles que la solidarité et le respect de la dignité humaine, auxquelles le père Damien donna une forme aussi unique, sont toujours tenues en haute estime par les Belges. S'engager comme il l'a fait sur le chemin de la solidarité radicale jusqu'à l'extrême suscite pour Damien une affection universelle, aujourd'hui encore.

Comme le disait le président Obama dans un message aux Belges, et je cite :  "Je tiens à exprimer ma profonde admiration pour la vie du père Damien De Veuster. Je tiens à transmettre mes meilleurs voeux au royaume de Belgique et aux Belges qui peuvent être fiers de compter le père Damien parmi leurs héros".  (fin de citation). Mais Damien n'est pas seulement une personnalité héroïque. Son exemple doit nous inspirer aujourd'hui à plus de solidarité, en particulier avec les plus vulnérables de notre société.

Il y a aussi un second sujet que je voudrais aborder avec vous :  il s'agit de l'important progrès qui vient d'être réalisé en matière de construction européenne. En effet, le traité de Lisbonne a récemment été ratifié par l'ensemble des 27 pays membres de l'Union Européenne. Cela marque l'aboutissement d'un long processus difficile, entamé il y a plus de huit ans avec la déclaration de Laeken de 2001. Cette ratification du traité de Lisbonne est importante car elle annonce le début d'une nouvelle étape dans la construction européenne. En effet, elle va améliorer considérablement la prise de décision dans l'Union. Dans de nombreux domaines, les Etats membres ont renoncé à leur droit de veto. Cela permettra de prendre des décisions à la majorité qualifiée sur une multitude de sujets. Par ailleurs, l'Europe a désigné son premier président, notre compatriote Herman Van Rompuy, et elle a choisi son haut représentant pour les Affaires étrangères, lady Ashton. Enfin, le rôle du Parlement Européen a été accru et une nouvelle Commission sera mise en place.

Cette progression importante doit permettre à l'Europe d'être plus efficace encore sur le plan intérieur, et de mieux jouer son rôle dans les grands dossiers internationaux tels que le climat, les négociations économiques et financières internationales, la coopération au développement et la paix dans le monde. Elle illustre aussi la force et la dynamique du projet européen, qui écarte les obstacles avec patience et détermination. Je voudrais féliciter à cette occasion tous nos responsables politiques qui ont contribué successivement et de façon exemplaire à ce progrès.

Celui-ci doit aussi servir d'exemple à notre propre pays. Ici également, la diversité et les divergences de vue entre groupes de population rendent la cohésion parfois plus difficile. Mais nous devons, pour le bien-être de nos concitoyens, surmonter les obstacles avec créativité, confiance et détermination. C'est à cette condition que nous pourrons continuer à jouer le rôle constructif qui est le nôtre en Europe. En effet, nous manquerions de crédibilité pour suggérer le dépassement des divergences entre les Etats membres si nous ne parvenons pas à le faire au sein de notre propre pays".

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