lundi 18 novembre 2013

Le palais des comtes de Flandre à Bruxelles

En passant dans la rue de la Régence à Bruxelles, face aux Musées Royaux des Beaux-Arts de Belgique, vous avez sans doute remarqué cet élégant bâtiment en forme de U, mais savez-vous qu'il est lié à l'histoire de notre dynastie et que notre roi Albert Ier y est né?

Mentionné dès avant la Renaissance, le bâtiment primitif donnait sur l'ancienne place des Bailles au Coudenberg. Maintes fois reconstruit ou remanié, l'hôtel a longtemps appartenu à la famille de Croÿ, puis aux comtes de Tirimont et aux marquis Arconati-Visconti. En 1866, il est acheté par le prince Philippe de Belgique, comte de Flandre.

                                                  

Sur la photo ci-dessus :    on peut voir la porte d'honneur de l'aile centrale de style éclectique teinté de néo-baroque et datant du 19ème siècle (l'aile nord qui donne également sur la place Royale a été conçue au 18ème siècle, et l'aile sud a été agrandie et fortement remaniée au 20ème siècle). Cette porte d'honneur donne sur le vestibule donneur et l'escalier d'honneur. Juste au-dessus de cette porte, se trouve la grande rotonde qui accueillait à l'époque le salon central des comtes de Flandre.

Qui était le prince Philippe de Belgique, comte de Flandre ?
Troisième fils du roi Léopold Ier et de la reine Louise-Marie (après Louis-Philippe mort à l'âge d'un an et le futur roi Léopold II), le prince Philippe naît au château de Laeken le 24 mars 1837. En 1840, son père le titre comte de Flandre. A l'âge de 13 ans, il perd sa maman. Sa formation est assurée par des précepteurs privés et complétée par un passage au sein du régiment des Guides. Passionné par les arts et les lettres, ce prince discret ne s'intéresse pas à la politique :  il refuse les trônes de Grèce en 1862 et de Roumanie en 1866, ainsi qu'un mariage avec la princesse héritière du Brésil. Après le décès de son père, il hérite de plus de 4.000 hectares autour de l'abbaye de Postel en Campine.

Le 25 avril 1867, le prince Philippe épouse la princesse Marie de Hohenzollern en l'église catholique Sainte-Hedwige de Berlin. Ce mariage a été arrangé par la reine Victoria d'Angleterre. Née en 1845, la princesse Marie appartient à la branche catholique et aînée de la Maison de Hohenzollern. Son enfance se passe entre Düsseldorf (où elle suit les leçons du directeur de l'Académie Royale de Peinture), le château de Sigmaringen qui domine le Danube, Krauchenwies non loin de là, et le domaine de la Weinburg en Suisse. Cette vie insouciante est cependant ternie par le décès de sa sœur Stéphanie (22 ans), épouse du roi Pedro V du Portugal.

Un an avant son mariage, le comte de Flandre avait donc acheté un palais dans la rue de la Régence, non loin du palais royal. Les jeunes mariés l'agrandissent en ajoutant deux ailes perpendiculaires pour former une cour d'honneur en U. Ce sont les architectes Gustave Saintenoy et Clément Parent qui sont chargés des travaux. A l'intérieur, à leur arrivée, les invités sont impressionnés par l'escalier d'honneur, recouvert d'un tapis aux armes de la famille royale surmontées d'une brisure (signe distinctif de la branche cadette), le grand vitrail orné du monogramme de Philippe et Marie, et le lustre en bronze massif pesant 2,5 tonnes. Le couple princier y mène une vie royale et chaleureuse, et leur demeure devient le rendez-vous des artistes, des écrivains et des hommes de religion. Ils passent l'été dans leur château des Amerois près de Bouillon.

Le prince Philippe se constitue une admirable bibliothèque, fréquente régulièrement les antiquaires de Venise et Paris, et voyage en Italie, en Grèce, en Turquie, etc. De son côté, la princesse Marie se consacre à des œuvres de charité, à la peinture et à la correspondance avec sa famille (notamment son frère le roi Carol Ier de Roumanie). Très catholique, elle est surnommée "Notre-Dame de Flandre" par son beau-frère Léopold II. Leur destin change suite au décès du fils du couple royal en 1869 :  ce sont désormais eux qui vont assurer l'avenir de la jeune dynastie belge. Mais malheureusement, leur fils aîné le prince Baudouin meurt à son tour en 1891.

En 1893, les bijoux de la comtesse de Flandre sont volés dans son palais avec la complicité d'une femme de chambre. Elle écrit à sa cousine :   "Tout m'a été volé, sauf une partie de mes diamants que je portais le soir et une parure que Philippe m'avait offerte à nos noces d'argent. Toutes les parures qui provenaient de ma grand-mère, de belles miniatures du roi enfant et de lui plus tard, tout ce que je possédais et avais hérité de Stéphanie et tous les cadeaux reçus à mon mariage, tout est parti et je ne les retrouverai sans doute jamais".  Certains bijoux seront cependant retrouvés.

Leurs trois enfants font de beaux mariages :   Joséphine avec le prince Charles-Antoine de Hohenzollern ; Henriette avec le prince Emmanuel d'Orléans, duc de Vendôme ; Albert avec la duchesse Elisabeth de Bavière. Ces derniers se préparent à succéder à l'impopulaire roi Léopold II. Handicapé par sa surdité et meurtri par les rumeurs autour du décès de son fils Baudouin, le prince Philippe devient un vieil homme taciturne et mélancolique. Ses relations avec son épouse et leur fils Albert deviennent difficiles. La princesse fait seule de longs séjours auprès de ses filles à Potsdam et Neuilly.

Le comte de Flandre meurt en 1905. Son épouse aura la joie de voir leur fils Albert Ier monter sur le trône en 1909, avant de s'éteindre en 1912. Tous deux reposent dans la crypte de la famille royale belge en l'église Notre-Dame de Laeken (voir photo ci-dessous).
                                             
                                              

Un siècle après leur mort, que reste-t-il des comtes de Flandre ?
Bien que princes cadets, le prince Philippe et la princesse Marie, comte et comtesse de Flandre, sont les ancêtres de trois familles royales (Belgique, Italie et Luxembourg) et comptent six chefs d'Etat parmi leurs descendants (les rois Albert Ier, Léopold III, Baudouin Ier, Albert II et Philippe Ier, ainsi que le grand-duc Henri de Luxembourg). Et l'actuel roi des Belges s'appelle Philippe en mémoire de son arrière-arrière-grand-père. Après la guerre, les héritiers des comtes de Flandre vendent leurs demeures :  le palais de la Régence à la Banque de Bruxelles (puis racheté en 1982 par l'Etat belge qui le met à la disposition de la Cour des Comptes à partir de 1984), et le château des Amerois à la famille Solvay. Le palais de la Régence est ouvert au public à certaines occasions (fête nationale, journées du patrimoine, p.ex.). On peut voir leurs obiits au sein de l'église Saint-Jacques sur Coudenberg à Bruxelles (http://probelgicahainaut.blogspot.be/2012/08/leglise-saint-jacques-sur-coudenberg.html). Enfin, de l'écrin de la comtesse de Flandre, la famille royale belge ne possède plus rien, mais son diadème de perles et brillants provenant de sa grand-mère Stéphanie de Bade a été racheté par un musée de Tokyo, et son diadème de perles et diamants hérité de sa cousine Carola de Saxe est aujourd'hui présenté dans le musée du palais de Mannheim en Allemagne.

Plus d'infos sur :

- leur fils Baudouin : http://familleroyalebelge.blogspot.be/2013/08/le-prince-baudouin-frere-du-roi.html

- leur fille Henriette :   http://familleroyalebelge.blogspot.be/2011/08/la-princesse-henriette-de-belgique.html

- leur fille Joséphine :  http://familleroyalebelge.blogspot.be/2012/11/la-princesse-josephine-de-belgique-1872.html

Copyright photos : le blog Noblesse et Royautés de Régine Salens.

2 commentaires:

  1. Des services de table en porcelaine ainsi que l'argenterie appartenant aux comtes de Flandre, sont passés en ventes publiques apres la mort de la princesse Liliane.

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  2. Excellente idée d'évoquer le palais de la rue de la Régence qui rappelle le souvenir des Flandre.
    Leurs cinq enfants y sont d'ailleurs tous nés.
    La demeure était régulièrement redécorée et réaménagée : dans les années 1880-90, il y avait fréquemment des échafaudages adossés à une des parties du bâtiment. L'électricité a été installée dès 1890.
    Le seul bémol de ce lieu était l'absence de jardin; seule une cour à l'arrière permettait de profiter du plein air.

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