lundi 11 septembre 2017

Le combat de la princesse Astrid contre le sida

                                    Résultat d’images pour princesse astrid de belgique noblesse et royautés

(Article actualisé en septembre 2024)


Lors de la 5ème Conférence panafricaine des Sociétés de la Croix-Rouge et du Croissant Rouge en septembre 2000, la princesse Astrid prend la parole :

"Il y a dans le monde, sans aucun doute, une nette prise de conscience de l'énorme menace que représente le VIH/SIDA et il est maintenant presqu'universellement reconnu que ce fléau frappe et frappera durement la population mondiale et plus particulièrement des couches entières de populations africaines. Non seulement la maladie fera dans la prochaine décennie plus de victimes que toutes les guerres du 20ème siècle, y compris les deux guerres mondiales. De surcroît, elle laissera près de 30 millions d'orphelins africains. Cet état de choses risque, de plus, de provoquer une instabilité sociale dangereuse, avec une tranche substantielle de la population mal formée, souffrant de déficience alimentaire et a fortiori marginalisée.

Face à cette solution pandémique, personne ne peut rester indifférent. Nous avons tous le devoir de réagir. Le premier ministre belge s'est d'ailleurs, au début de ce mois, lors de l'assemblée générale des Nations Unies, clairement exprimé dans ce sens, et a pris un engagement clair à ce sujet. La présence ici de notre secrétaire d'Etat à la Coopération témoigne aussi de cet engagement. J'ai été moi-même, depuis un certain temps, sensibilisée au problème qui existe dans mon propre pays.

Le thème restait tabou. On n'en parlait de préférence pas. Ceux qui étaient atteints du virus avaient de la peine à avouer leur état, tant leur sentiment de honte était grand. Ils avaient peur d'être rejetés par la société et surtout par leurs proches. Effectivement, on évitait de les fréquenter. On n'osait surtout pas les toucher. Et la phobie allait jusqu'à ne pas engager une personne victime du virus VIH. Des campagnes de sensibilisation ont été lancées pour répandre le message :  il y a bien sûr des précautions à prendre pour ne pas être contaminé, mais il n'y a aucun risque à vivre aux côtés de ces personnes touchées par le VIH, et de plus on peut les aider à vivre dignement. Petit à petit, les préjugés ont considérablement diminué, même si tout n'est pas encore acquis.

Dans ce contexte, j'ai pu assister à une manifestation organisée annuellement en Belgique, connue sous le nom de Aids Memorial Day. Il y avait des récits émouvants de personnes malades, de personnes ayant perdu par cette terrible maladie quelqu'un qui leur était cher. Un témoignage plus particulièrement poignant m'est resté gravé dans la mémoire : celui d'un père déplorant la mort de son enfant adoptif qu'il avait accompagné avec amour jusqu'au bout de sa maladie. Je me suis sentie très proche de tous ceux présents à cette manifestation et entourée de leur affection et de leur amitié. Je reste d'ailleurs en contact avec un des organisateurs de cette activité, lui-même atteint du sida.

Quand on m'a proposé de m'intéresser aux problèmes qu'affronte ce magnifique continent africain, je n'ai pas hésité une seconde. Dans ce cadre, j'ai pu me rendre au Mozambique, au Burkina Faso et au Ghana. Et j'ai eu l'occasion de rencontrer des personnes atteintes du virus, des personnes gravement malades du sida, d'éminents médecins spécialistes, des chercheurs, des responsables de haut niveau.

Au cours de ces rencontres, j'ai vu des situations et entendu des témoignages qui m'ont profondément bouleversée. J'ai notamment été témoin de l'horreur d'une mère qui se trouvait totalement impuissante face à une diarrhée qui emportait rapidement son bébé. Elle ne savait pas que l'assassin de son enfant s'appelait sida et qu'elle partagerait, à bref délai, le sort de son enfant. J'ai aussi été frappée par la souffrance de personnes mourant de méningite suite au sida. Les quelques tablettes de paracétamol n'arrivaient pas à contrôler leur douleur. Leur regard dans le vide semblait déjà fixer la mort. Allongée sur le lit, à côté du cabinet d'un médecin, une femme en pleurs, d'une vingtaine d'années, venait d'apprendre qu'elle était atteinte du sida. Et j'ai pu apercevoir dans ses yeux le désespoir et la panique face à cette fatalité. Je me suis imaginée sa tourmente à l'idée de devoir annoncer son état à sa famille, ses proches, sa communauté, et d'y être peut-être rejetée.

Etant profondément frappée et poursuivie par ces images, je ne pouvais que m'inquiéter que, parmi tous ceux qui m'entouraient, animés de cette joie de vivre qui caractérise le peuple africain, beaucoup étaient atteints du virus ;  que même certains le savaient, mais n'osaient pas l'avouer et que d'autres n'étaient pas conscients de leur maladie. Mais mes expériences n'étaient, bien sûr, pas que négatives. Il y avait aussi, par rapport à cette problématique, bon nombre de messages porteurs d'espérance.

J'ai abordé ainsi des hommes politiques qui n'ont plus peur de mobiliser les populations et qui encouragent la mise sur pied de programmes d'information, de prévention et de suivi des malades. Certains vont, à juste titre, jusqu'à englober ces programmes dans l'ensemble des domaines qui déterminent la prospérité d'un pays :  la santé, l'économie, l'éducation, la recherche, l'agriculture, la culture, et j'en passe. Cette prise de position des responsables politiques est complémentaire aux actions qu'on peut observer sur le terrain.

Et de l'action, j'en ai vu!  J'ai été impressionnée par l'engagement des nombreux jeunes volontaires. De manière créative, à l'aide de moyens rudimentaires, ils s'efforcent de passer des messages simples, mais qui pourtant sauvent des vies. Ils insistent sur les valeurs de l'abstinence et de la fidélité, mais ne passent pas sous silence l'utilisation du préservatif.

Pour faire passer ces messages, ils jouent des pièces de théâtre, très pédagogiques, riches en couleurs et, de surcroît, très humoristiques. J'ai assisté à un tel spectacle, sous un arbre, autour duquel tous les villageois, des plus petits aux plus vieux, étaient regroupés. Lors de ces spectacles, les acteurs ne se limitent pas à indiquer le besoin de se prémunir contre la maladie. Ils s'efforcent aussi de démontrer qu'on peut côtoyer, en toute sécurité, des personnes contaminées, qui sont trop souvent, de façon honteuse, exclues de la société.

Et effectivement, lors de mes contacts avec des personnes, vivant d'une façon positive avec le sida, j'ai pu me rendre compte de leur sentiment d'être traité injustement. J'ai pu d'autant plus apprécier le véritable engagement de certains d'entre eux qui parviennent, par leur témoignage personnel, à convaincre d'autres d'éviter des comportements à risque.

Parlant du risque de contamination, il existe un groupe particulièrement vulnérable que sont les prostituées. Un programme d'intervention contre le sida et les maladies sexuelles transmissibles est parvenu à gagner la confiance de ce groupe si important dans la lutte contre le virus. La solidarité qui régnait au sein du groupe que j'ai visité, et surtout l'entraide concrète en cas de maladie ou de décès, m'a profondément touchée. Les mérites du programme que je viens de citer sont qu'il associe cette solidarité déjà existante au domaine de la santé. Ainsi le projet a poussé ces femmes à mieux se protéger et par ce fait éviter de contaminer leurs clients.

Je m'en voudrais, dans la foulée de mes impressions positives, de ne pas citer la décision des 54 sociétés africaines de la Croix-Rouge et du Croissant Rouge d'accorder une priorité presque absolue à la lutte contre le sida.

La mobilisation, dans ce combat, de très nombreux volontaires (on va même jusqu'à évaluer leur nombre à deux millions) représente un apport d'une importance cruciale. Certes, l'encadrement de ces volontaires constitue un formidable défi. Mais a-t-on vraiment le choix? D'autre part, l'appui massif des gouvernements et du monde scientifique et pharmaceutique sera nécessaire, et il faudra des financements substantiels. Dans le même ordre d'idées, la recherche de la synergie par une bonne coordination de l'action me semble primordiale.

En guise de conclusion, j'aimerais vous faire part de ma conviction qu'il est urgent d'unir nos forces et d'agir. Il n'est certainement pas trop tard. En effet, si dans certains pays les plus touchés 25% des jeunes sont infectés,  75% ne le sont pas encore. Nous n'avons pas le droit de les abandonner. Ni les uns, ni les autres".

En juin 2001, la princesse fait partie de la délégation belge à l'assemblée générale spéciale des Nations Unies sur le sida. Lors de la Journée Mondiale contre le Sida en décembre, elle assiste à des activités organisées par la Plate-forme Prévention Sida au Passage 44 à Bruxelles. A l'hôpital militaire de Neder-Over-Heembeek, elle s'est fait présenter les stratégies mises en oeuvre par le team d'information sur le sida, créé par l'armée belge.

Astrid poursuit son combat en 2002 :  voyage au Bénin, inauguration du bus "Sex'Etera : un itinéraire d'information sur la vie affective et sexuelle" (une initiative de la province de Liège), rencontre avec des membres de l'Opération Smiles (une oeuvre au profit des enfants atteints du sida et soignés au CHU Saint-Pierre à Bruxelles), etc.

La création d'une ambassadrice belge pour vaincre le sida est décidée le 12 mars 2004 lors d'une réunion entre la princesse Astrid, le docteur Peter Piot (directeur exécutif d'Onusida) et le ministre de la Coopération au Développement Marc Verwilghen. Son rôle est d'assurer la cohérence des politiques belges menées dans la lutte contre le sida et d'animer la Plate-forme Sida qui vient d'être créée. La Belgique est le quatrième pays à se doter d'une telle ambassadrice thématique. Le poste est confié à la diplomate Françoise Gustin, ancienne conseillère d'Albert II.

En avril 2004, la princesse profite de sa présence en Afrique du Sud pour les dix ans de l'abolition de l'apartheid pour visiter des projets contre le sida avec le ministre belge de la Coopération au Développement Marc Verwilghen. Elle confie à la presse :    "Souvent, un engagement en entraîne d'autres. Il y a plusieurs années, lors d'une visite à Genève, dans le cadre d'une conférence internationale, un citoyen belge, travaillant pour la Fédération de la Croix-Rouge Internationale, m'a interpellée sur la lutte contre le sida et m'a montré, dans un petit bureau, sur une carte du monde, tous les pays touchés par ce fléau. Il m'a expliqué qu'il s'agissait d'une énorme pandémie (40 millions de personnes atteintes dans le monde). Quand je lui ai avoué que je me sentais vraiment très petite devant de telles catastrophes, il m'a répondu fâché :  "Ne dites jamais cela, on peut toujours faire quelque chose contre ce fléau".  C'est ainsi que j'ai commencé à visiter cinq pays d'Afrique (le Mozambique, le Burkina Faso, le Ghana, l'Ethiopie et le Bénin) dans le cadre de la prévention de cette maladie. Et aujourd'hui en Afrique du Sud.

Comme présidente de la Croix-Rouge de Belgique, comme intervenante lors de la Conférence panafricaine, je ne voulais pas parler sans connaître, sans avoir vu les choses, palpé les problèmes, rencontré les gens. Aujourd'hui, même si je préfère agir que parler, j'accepte de répondre à vos questions parce que j'ai de l'espoir. Honnêtement, je dois vous avouer qu'après avoir visité ce mouroir, ces gens qui touchaient la mort, sans bruit, sans parole, j'ai dû m'allonger sur mon lit en rentrant. J'étais...uitgeput, comme on dit en néerlandais, vidée. Je connais des moments de découragement, oui. Quand je vous parle de ce mouroir, les larmes me montent aux yeux. Par contre, je ne ressens aucune révolte car je sais, pour connaître le travail accompli ces dernières années, qu'on avance. Et puis, récolter les témoignages de ces jeunes filles, ces mères, ces enfants, tous ces gens pris en charge par la Croix-Rouge ou Médecins Sans Frontières - et qui donc peuvent à nouveau croire en la vie - tout cela me donne espoir. Constater le formidable projet porté par le docteur Eric Goemaere et son équipe de MSF aussi".

Un mois plus tard, la princesse Astrid confie à l'hebdomadaire "La Libre Match" :   "Si l'abstinence n'est pas possible dans ce domaine, il faut alors se protéger et protéger ainsi les autres afin que la maladie cesse de se répandre. Au début, la prévention en général était le moyen dont la Croix-Rouge Internationale disposait pour combattre cette maladie mortelle. Maintenant, les choses ont évolué et il y a une grande prise de conscience à travers la communauté internationale et européenne, notamment dans le cadre de l'Onusida (le Fonds de l'ONU pour la lutte contre le sida), le programme de collaboration entre l'UE + la Norvège et les pays en voie de développement sur les essais cliniques (EDCTP), et bientôt il y aurait la nomination d'un ambassadeur européen attitré pour lutter contre cette pandémie. De plus, les médicaments sont beaucoup plus accessibles qu'auparavant. Mais s'ils soulagent fortement les patients atteints, ils ne guérissent pas, pour l'instant du moins, la maladie. Je dis bien "pour l'instant" car je reste très optimiste quant à la capacité de la recherche - que nous soutenons vivement - de trouver rapidement un moyen de combattre la maladie de manière encore plus efficace. Des accords ont été conclus avec les firmes pharmaceutiques pour vendre la médication à des prix abordables. Toutefois, le traitement du sida reste encore extrêmement onéreux pour certains pays. Qui dit médicament dit automatiquement suivi des médicaments et suivi du patient. Je sais que certaines ONG, notamment la communauté Sant'Egidio, font à ce propos un travail fabuleux".

 Après 2004, la princesse s'investit moins dans la lutte contre le sida, laissant ce combat à sa belle-soeur Mathilde qui a été pendant quelques années représentante spéciale d'Unicef et de l'Onusida pour les enfants affectés par ce virus. C'est cependant Astrid qui assiste, en octobre 2011, au symposium "20 ans de prévention du VIH à la Défense" organisé à l'Hôpital Militaire Reine Astrid à Neder-Over-Heembeek. Et elle accorde son Haut Patronage à la soirée de gala 2019 au Cirque Royal de Bruxelles au profit de l'Association pour la Lutte contre le Sida, présidée par le professeur Nathan Clumeck (qui avait pris la parole lors des funérailles du roi Baudouin).

Le Fonds Recherche Scientifique contre le Sida

En tant que présidente d'honneur des fonds scientifiques et médicaux de la Fondation Roi Baudouin, la princesse Astrid remet, chaque année, les bourses du Fonds Recherche Scientifique contre le sida, créé en 2010 par la Fondation Roi Baudouin. Il est doté de 2,5 millions d'euros provenant des réserves d'une asbl créée par les pouvoirs publics pour dédommager les victimes de transfusions sanguines contaminées par le sida. Or, ces dédommagements se sont avérés inférieurs aux montants prévus.

Voici quelques exemples de leurs activités...  En 2010, les deux premiers lauréats de ce fonds ont été les professeurs Linos Vandekerchove (Université de Gand) et Jack Levy (CHU Saint-Pierre à Bruxelles) qui ont reçu respectivement une bourse de 100.000 euros et 50.000 euros. Le fonds a aussi aidé financièrement l'asbl Breach, une association regroupant les centres de référence sida en Belgique afin d'établir une base de données nationale.  Dans le rapport d'activités 2017 du fonds, on trouve un appel à projets pour soutenir la recherche sur les biomarqueurs et les aspects virologiques du VIH/sida et ses co-infections (50.000 euros ont été attribués à l'Institut de Médecine Tropicale d'Anvers et 120.000 euros à un projet de l'Université Libre de Bruxelles).

Bibliographie :   - "La princesse Astrid de Belgique" de Vincent Leroy, éditions Imprimages, 2011, ré-actualisé en 2016
                           - Site Internet de la monarchie belge 
 

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire