Le Prix Princesse Mathilde 2011 (d'une valeur de 10.000 euros) était consacré à la lutte contre la pauvreté infantile chez les 0-3 ans. Il a été remis au palais royal par la princesse Mathilde à l'asbl Buurtwerk 't Lampeke située à Louvain. Cette asbl travaille depuis 20 ans avec des enfants défavorisés et leurs familles. Ils ont été sélectionnés par un jury indépendant d'experts et d'élèves du secondaire.
Lors de la remise de ce prix, la princesse a prononcé le discours suivant :
"Investir dans la prévention de la pauvreté infantile, c'est également investir dans l'avenir de notre société. Actuellement, l'approche préventive de cette problématique est insuffisante. La pauvreté d'enfants en bas âge est le plus souvent invisible. Et les enfants qui sont confrontés à la pauvreté vivent dans un monde rude. Ce n'est donc pas une surprise si le Fonds qui porte mon nom a surtout voulu concentrer son action sur les parents et les jeunes enfants. Tout d'abord, les expériences acquises dès le plus jeune âge ont une influence prépondérante sur le développement futur et déterminent dans une large mesure la capacité de l'enfant à s'adapter à de nouvelles expériences de vie. En outre, il est évidemment plus aisé de donner une orientation positive au développement d'un jeune enfant que de devoir remédier à un comportement qui pose déjà problème depuis des années et découle d'expériences négatives issues du passé. Et enfin, il est plus efficace de soutenir la santé et d'appuyer les élements positifs de la relation entre le jeune enfant et ses parents que de s'efforcer de rendre la santé à un enfant dont le développement est déjà problématique depuis longtemps.
Il est généralement admis que la petite enfance - en particulier les trois premières années - est déterminante pour le développement de l'enfant. En s'attaquant au plus tôt à la pauvreté, on donne aux enfants davantage de chances de réussite dans leur vie ultérieure et on fournit aux familles de meilleurs leviers pour s'extraire du cercle vicieux de la pauvreté générationnelle. En effet, les enfants issus de familles pauvres sont simultanément exposés à plusieurs risques susceptibles de compromettre leur développement tant au niveau physique, social, émotionnel qu'au niveau cognitif. Ils ont moins de réseaux sociaux que les enfants élevés au sein d'une famille dont les revenus sont plus confortables. Et les réseaux dont ils disposent s'avèrent moins solides et ne leur procurent pas le même soutien. Il est vrai qu'ils habitent souvent dans un environnement qui n'incite pas à ce genre de contacts. Pourtant, pris individuellement, aucun des facteurs de risque ne constitue en soi une menace pour le développement de ces enfants. Des études ont établi que c'est surtout l'accumulation des risques auxquels ils sont exposés qui constitue la menace principale. Les projets qui tentent de leur venir en aide à quelque niveau que ce soit, ont en tout cas le mérite de contribuer à réduire cette accumulation. De plus, ils peuvent raccourcir la période durant laquelle ces jeunes enfants sont confrontés à la pauvreté. Les enfants qui ont connu une situation de pauvreté temporaire sont en effet moins durement touchés que ceux qui doivent faire face à une pauvreté chronique. Notre attention est requise pour élargir ou renforcer les interventions qui aident les familles concernées à exploiter leurs propres forces. Celles-ci offrent aux parents une chance exceptionnelle de fournir des repères fiables à leurs enfants.
C'est pour cette raison que le Fonds Princesse Mathilde souhaite mettre en exergue l'importance d'une formation de qualité et d'un haut niveau d'expertise des professionnels du secteur de l'enfance que le travail de première ligne met en présence de familles défavorisées. On constate que ces professionnels sont souvent insuffisamment formés pour pouvoir venir en aide de manière adéquate aux familles qui vivent dans la pauvreté.
La remise du prix de ce jour est une nouvelle étape, mais n'est certainement pas la fin du parcours dans lequel nous nous sommes engagés voici plus d'un an afin d'attirer l'attention sur la problématique de la pauvreté touchant les jeunes enfants et leur famille. Le lancement de l'appel aux projets a été précédé, l'an dernier, d'un atelier rassemblant des acteurs de terrain, des témoins du vécu, des professionnels de l'assistance ainsi que le secteur de l'enseignement. Cet atelier, à la fois clarifiant et confrontant, avait mis en lumière l'importance des compétences ainsi que des aptitudes et attitudes spécifiques dans la formation de professionnels s'occupant d'enfants de 0 à 3 ans. Il faut en effet un regard attentif et une bonne dose d'empathie pour d'une part capter en temps utile les signaux révélateurs de la pauvreté et d'autre part y réagir de manière adéquate. Les personnes dont la profession les met en contact avec des enfants et des jeunes défavorisés ont donc tout intérêt à mieux saisir ce qu'implique la pauvreté et à mieux comprendre le quotidien de ces jeunes.
Il est important que la formation vise à stimuler le développement de l'enfant dans son entièreté. Cela implique l'apprentissage d'une attitude adéquate vis-à-vis de l'enfant et des parents, une concertation régulière entre collègues et le recours à des personnes ou instances extérieures. Mais la route est encore longue, car rares sont les services qui savent comment approcher les groupes défavorisés tout en disposant des connaissances nécessaires pour assurer l'appui éducationnel et familial, et organiser des activités stimulant le développement de jeunes enfants. L'année dernière s'est tenue au niveau européen une réflexion au sujet de la pauvreté infantile et du bien-être des enfants. La conférence européenne consacrée à ce thème, organisée sous l'égide de la présidence belge du Conseil de l'Union Européenne et à laquelle le Fonds a également pris part, retint comme recommandation l'établissement de critères univoques pour les qualifications requises des professionnels employés par les services compétents pour la petite enfance.
La force des projets sélectionnés aujourd'hui réside dans le fait qu'ils partent d'aptitudes existantes dans la famille confrontée à la pauvreté et qu'en renforçant ces aptitudes, ils encouragent le lien positif entre l'enfant et les membres de la famille. Toutes les familles, et donc aussi les familles pauvres, aspirent à être traitées avec respect, sans se sentir accusées, voire menacées en raison de la pauvreté à laquelle elles doivent faire face. De plus, nous savons que celui ou celle qui s'occupe de l'enfant prend également en charge les autres membres de la famille. Des résultats positifs ne bénéficieront donc pas seulement aux jeunes enfants auxquels ces projets sont principalement destinés, mais ils induiront également une évolution positive pour les parents ainsi que pour les frères et soeurs. Nous espérons que le projet gagnant symbolisera la réaction en chaîne positive que nous entendons encourager, à savoir que de jeunes enfants vivant dans la pauvreté puissent croître dans une famille devenue plus forte grâce à l'aide de la société : que ce soit en stimulant les aptitudes des parents, grâce à l'aide d'autres parents au sein de réseaux sociaux locaux, ou encore avec l'appui de professionnels de l'assistance qui, au cours de leur formation, ont attaché une importance particulière à la pauvreté et, surtout, se sont forgé une expérience pratique en consultant des personnes connaissant la problématique pour l'avoir vécue elles-mêmes.
Tout comme l'an dernier, c'est un jury de jeunes qui a désigné le lauréat. Le Fonds attache en effet une grande importance à l'apport des jeunes aux débats qui les concernent directement. Je remercie les élèves du Sint-Jozefinstituut de Hamme et ceux de l'Institut Notre-Dame de Thuin pour le sérieux et l'engagement dont ils et elles ont fait preuve en s'acquittant de leur tâche. Le professeur Adriaenssens a déjà fait longuement référence au dixième anniversaire que fête aujourd'hui le Fonds Princesse Mathilde. Durant toutes ces années, le Fonds a oeuvré avec simplicité et efficacité à faire sortir de l'ombre les personnes vulnérables et à leur permettre de faire entendre leur voix. Ma famille a toujours été source d'inspiration et d'encouragement pour donner à l'aspect de l'éducation une place de choix dans nos activités. Mais bien plus important encore est le fait que le Fonds ait pu bénéficier, tout au long de la décennie écoulée, de l'appui, des conseils et de l'assistance de tant de personnes. Je leur en suis très reconnaissante".
Ajoutons que le 8 novembre 2011, la princesse Mathilde a effectué deux visites dans le cadre de l'appel à candidatures pour le Prix Princesse Mathilde 2012, consacré à nouveau à la pauvreté infantile : elle s'est rendue à la Maison de la Parentalité à Péruwelz (province de Hainaut) et à l'asbl De Bakermat à Louvain (province de Brabant flamand).
Plus d'infos sur le Fonds Princesse Mathilde : http://familleroyalebelge.blogspot.be/2009/06/le-fonds-princesse-mathilde.html
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