lundi 16 juillet 2012

Le rôle politique du roi Albert II en 2007

Suite aux accords de la Saint-Polycarpe en 2001, la loi communale a été régionalisée. La Flandre a donc décidé de changer la formule de prestation de serment des nouveaux bourgmestres, échevins et conseillers communaux à partir du 1er janvier 2007. Au lieu de jurer fidélité au Roi et à la Constitution, ils déclarent désormais :  "Je jure de respecter le plus fidèlement possible les obligations liées à ma charge".  Cette décision symbolique est une nouvelle attaque contre la monarchie. Fidèle à son habitude, Albert II évoque brièvement les problèmes communautaires dans son discours de Nouvel An :  "Rendons aussi nos efforts européens crédibles en montrant qu'à l'intérieur de notre pays, nous pouvons également réaliser l'union dans la diversité, comme le souhaitent la majorité de nos concitoyens".

A l'occasion du 50ème anniversaire des Traîtés de Rome, le roi Albert consacre l'entièreté de son discours de Nouvel An 2007 à la construction européenne. Il y glisse une phrase plus politique qui correspond à une des revendications du gouvernement belge :   "Sur le plan institutionnel, il est nécessaire de supprimer le règle de l'unanimité, sous peine de paralysie".

Il fait aussi quelques recommandations pour l'avenir :   "Sur le plan économique et social, il est nécessaire que les Etats membres renforcent leur stratégie de Lisbonne par laquelle l'Union Européenne veut devenir, d'ici 2010, l'économie de la connaissance la plus dynamique du monde. Cela suppose notamment, comme je l'ai déjà dit, l'investissement dans la recherche pour atteindre les fameux 3% du P.I.B. , et un effort considérable pour encourager l'innovation. C'est indispensable si nous voulons maintenir notre prospérité et notre si précieux système de protection sociale".

Le début de l'année 2007 est marquée par une polémique au sujet d'un éventuel voyage d'Etat de nos souverains au Congo, où ont enfin eu lieu des élections démocratiques. Le Roi a été invité officiellement par le président Joseph Kabila et souhaite y répondre favorablement. Certains évoquent le mois de mars ou avril 2007, mais ce projet divise le gouvernement fédéral. Le premier ministre Guy Verhofstadt, le ministre des Affaires étrangères Karel De Gucht, le ministre de la Coopération au développement Armand De Decker et le ministre de la Défense André Flahaut y sont favorables. Seuls les socialistes flamands y sont opposés et estiment qu'il faut laisser un peu de temps pour voir comment le nouveau régime congolais va fonctionner avant de le cautionner symboliquement par une visite royale. Le gouvernement fédéral décide donc de reporter le voyage d'Etat après les élections législatives belges du 10 juin 2007 et d'en laisser la responsabilité politique au gouvernement suivant.

La veille de la commémoration officielle à Berlin, Bruxelles, capitale de l'Europe, fête le 50ème anniversaire des Traîtés de Rome. En effet, le 25 mars 1957, l'Allemagne, l'Italie, la France, la Belgique, les Pays-Bas et le Luxembourg ont signé au Capitole les Traîtés de Rome qui créent la Communauté Européenne de l'Energie Atomique (Euratom) et la Communauté Economique Européenne (CEE). Ces deux textes sont les points de départ de la construction européenne.

Les festivités du 50ème anniversaire débutent dans l'après-midi du 24 mars par un concert de l'Orchestre Philharmonique de Luxembourg au palais des Beaux-Arts de Bruxelles en présence de la reine Fabiola, de la princesse Astrid et du prince Lorenz, de la reine Béatrix des Pays-Bas, du grand-duc Henri et de la grande-duchesse Maria-Teresa de Luxembourg, du président de la Commission Européenne José Manuel Barroso et du premier ministre Guy Verhofstadt.

Quelques 450 invités de marque participent ensuite au symposium organisé par le roi Albert au palais royal pour marquer les 50 ans des Traîtés de Rome :  la présidente de Lettonie Vaira-Vike Freiberga, la reine Béatrix des Pays-Bas, le président de Croatie Stjepan Mesic, le couple grand-ducal luxembourgeois, l'ancien président polonais Alexander Kwasniewski, etc. Après le discours du souverain, une petite dizaine d'orateurs issus des milieux politiques, scientifiques, économiques et journalistiques ont exposé leur vision des bénéfices de la construction européenne.

En soirée, la famille royale belge assiste au concert gratuit "Stars of Europe" organisé au pied de l'Atomium à Bruxelles en présence d'environ 50.000 personnes. Une vingtaine de chanteurs et de groupes ont animé le plateau du Heysel pendant trois heures, entrecoupés de reportages sur les 50 ans des Traîtés de Rome. La Belgique était représentée par Axelle Red, Kate Ryan, Maurane, Hooverphonic et Helmut Lotti. C'est le chanteur italien Zucchero qui a eu l'honneur de commencer le spectacle co-présenté par Fabienne Vande Meersche (RTBF) et Bart Peeters (VRT) en français, en néerlandais et en anglais. Il était retransmis à travers le monde par 56 télévisions. La soirée s'est terminée par un feu d'artifice.

Accompagnée du président de la Commission Européenne José Manuel Barroso, la reine Paola participe, le 5 mai, à la traditionnelle journée portes ouvertes des institutions européennes. Cette visite s'inscrit dans le cadre des 50 ans des Traîtés de Rome.

Les 13 et 14 mai, le couple royal et le ministre des Affaires étrangères Karel De Gucht effectuent une visite officielle à New York. Leur première journée est consacrée à la découverte du site de Ground Zero, lieu des attentats du World Trade Center en 2001, et à une rencontre avec la communauté belge de New York. Le lendemain, nos souverains se rendent au siège des Nations-Unies, afin de marquer la présence de la Belgique en 2007 et 2008 au Conseil de Sécurité en tant que membre non permanent. Il n'est pas dans la tradition que les chefs d'Etat effectuent ce genre de visite à l'ONU mais, par contre, le Palais souligne qu'Albert II prend l'habitude de saluer les occasions où notre pays remplit une importante mission internationale, comme il l'a fait en 2006 au siège de l'OSCE à Vienne.

Le 14 mai, le Roi et Karel De Gucht s'entretiennent successivement avec le secrétaire général des Nations Unies Ban Ki-Moon, le président du Conseil de Sécurité Zalmay Khalilzad et la présidente de l'assemblée générale de l'ONU Haya Rashed Al Khalifa. Ils ont ensuite des réunions de travail sur les Objectifs de Développement du Millénaire et sur les opérations humanitaires et de maintien de la paix de l'ONU. Pendant ce temps, la reine Paola rencontre les hauts dirigeants de l'Unicef pour évoquer la traite et les violences faites aux enfants et aux femmes, ainsi que la problématique des enfants-soldats. Elle a ensuite découvert au Metropolitan Museum la prochaine exposition de tapisseries flamandes et les nouvelles galeries grecques et romaines.

Deux mois après cette visite officielle à New York, le secrétaire général des Nations Unies Ban Ki-Moon, de passage à Bruxelles, a le rare privilège de déjeuner au château du Belvédère, la résidence privée du couple royal, avec le roi Albert, le premier ministre Guy Verhofstadt, le ministre des Affaires étrangères Karel De Gucht et le ministre de la Coopération au développement Armand De Decker.

Albert II va connaître en 2007 la première longue crise politique de son règne. A l'exception du MR, les partis du gouvernement sortant (VLD, MR, PS et SPA/Spirit) sont les perdants des élections législatives du 10 juin. En Flandre, le grand gagnant est le CD&V, allié aux nationalistes flamands de la NVA. Le MR devient le premier parti wallon devant le PS, le CDH et Ecolo. Pour la première fois depuis longtemps, l'extrême-droite ne progresse plus dans aucune des trois régions ; le Vlaams Belang perd même un siège à la Chambre. Profitant de la médiatisation des problèmes environnementaux par Nicolas Hulot, Al Gore et la communauté scientifique, les partis écologistes progressent par rapport à leurs résultats de 2003 et 2004.

Guy Verhofstadt présente, le lendemain, la démission de son gouvernement au Roi, qui rencontre ensuite durant deux jours les présidents de la Chambre, du Sénat et des partis démocratiques. Comme il l'avait fait en 1999 et 2003, Albert II choisit, le 12 juin en soirée, un informateur francophone :  Didier Reynders (MR).

Le 16 juin, le prince Laurent et la princesse Claire assistent à l'hôtel de ville d'Anderlecht à l'hommage officiel rendu au député-bourgmestre libéral Jacques Simonet, décédé d'une crise cardiaque à l'âge de 43 ans. Au cours de sa carrière politique, il a été, entre autres, député fédéral, ministre-président de la région bruxelloise et secrétaire d'Etat aux Affaires européennes. Il laisse le souvenir d'un homme intelligent ayant beaucoup d'humour.

Après la démission d'Yves Leterme de son poste de ministre-président de la région flamande, son successeur Kris Peeters (CD&V) prête serment, le 28 juin, devant le Roi dans sa chambre de la clinique Saint-Jean à Bruxelles où il est hospitalisé suite à sa fracture du col du fémur. Afin de faire taire les critiques sur son cumul des mandats, Elio Di Rupo, président du PS et bourgmestre de Mons, laisse son poste de ministre-président de la région wallonne à Rudy Demotte. Parfait bilingue, ministre fédéral sortant des Affaires sociales, il bénéficie d'une bonne image en Flandre.

Trois semaines après sa nomination, l'informateur Didier Reynders remet, le 4 juillet, son rapport final au Roi après avoir organisé de nombreuses tables rondes et rencontré 450 personnes. Le lendemain, Albert II demande à son ancien premier ministre Jean-Luc Dehaene (CD&V) de faire un travail de médiation afin de faciliter la formation du futur gouvernement fédéral. Après avoir prôné une coalition entre les sociaux-chrétiens et les libéraux, il demande, le 15 juillet, à être déchargé de sa mission. Le Roi nomme ensuite formateur Yves Leterme du cartel CD&V/NVA, le parti ayant le plus de sièges à la Chambre.

Dans son discours du 21 juillet, Albert II choisit un ton consensuel et optimiste :  "A l'occasion de notre fête nationale, je vous ai souvent exhortés à faire des efforts pour dialoguer davantage avec les citoyens des autres communautés et pour en acquérir une meilleure connaissance. La diversité des cultures de notre pays, si elle est bien vécue, constitue un formidable atout. C'est donc avec beaucoup de joie que j'ai pris connaissance, ces derniers mois, de plusieurs initiatives citoyennes allant dans le sens d'une meilleure perception réciproque".

Après avoir mis en valeur plusieurs de ces initiatives (échange de journalistes entre "Le Soir" et "De Standaard", mobilité interrégionale des demandeurs d'emploi, Fonds Prince Philippe, accord de collaboration entre le Réseau des Arts à Bruxelles et le Brussels Kunstenoverleg, etc.), le Roi conclut :    "Toutes ces actions et bien d'autres encore contribuent à renforcer les liens entre habitants de nos régions et communautés, et à les rendre meilleurs citoyens de notre pays, de l'Europe et du monde. Comme l'écrivait une commissaire européenne originaire d'un pays proche, cela démontre comment la diversité culturelle d'un pays peut être source d'unité autour de visions et d'actions partagées. Lors de ma récente visite à New York aux Nations Unies, où notre pays participe aux travaux du Conseil de Sécurité, j'ai pu une nouvelle fois me rendre compte combien notre diversité culturelle est estimée internationalement, car elle nous permet de mieux comprendre d'autres cultures et de favoriser les rapprochements entre divers pays et populations. J'espère que ces initiatives citoyennes s'approfondiront et se multiplieront".

Le succès populaire des festivités organisées le 21 juillet à Bruxelles est cependant terni par les gaffes du formateur Yves Leterme (CD&V) qui est incapable de dire à un journaliste de la RTBF ce que commémore la fête nationale et lui chante les paroles de la "Marseillaise" au lieu de la "Brabançonne". Yves Leterme téléphone ensuite ave son GSM en plein Te Deum à la cathédrale Saints-Michel-et-Gudule. L'incident est largement répandu par Internet et les médias étrangers...

Après un mois de pénibles négociations au château de Val Duchesse, Yves Leterme rencontre Albert II le 17 août pour lui faire son quatrième rapport intermédiaire sur l'avancée de son travail. Vu les tensions communautaires entre les partis francophones et flamands, le Roi décide de suspendre les négociations et d'entamer de nouvelles consultations politiques avec les présidents des quatre partis de l' "Orange bleue" :  Jo Vandeurzen (CD&V/NVA), Didier Reynders (MR), Bart Somers (VLD) et Joëlle Milquet (CDH). L'ancien premier ministre Wilfried Martens déclare être agréablement surpris par cette initiative inattendue du souverain qu'il trouvait plus passif que son frère le roi Baudouin. Par contre, le président du SPA Johan Vande Lanotte et l'avocat Marc Uyttendaele (époux de la ministre socialiste Laurette Onkelinx) critiquent ce coup de pouce royal au formateur et estiment que le Roi manque de neutralité en ne rencontrant que les quatre partis de la future majorité. Le 19 août, Albert II reçoit à nouveau Yves Leterme et lui demande de mener des contacts informels avant de recommencer de nouvelles négociations. Mais le formateur jete l'éponge quatre jours plus tard.

Le 23 août, le souverain dîne pendant plus de trois heures au château du Belvédère avec son ancien informateur Didier Reynders et sollicite son aide pour trouver une ou deux personnalité(s) capable(s) de plaire aux quatre partis de l' "Orange bleue" et de trouver un compromis acceptable par le nord et le sud sur le plan communautaire. Il rencontre ensuite le 25 août le président de la Chambre Herman Van Rompuy et le président du Sénat Armand De Decker. On s'oriente alors vers la piste d'un tandem de médiateurs Herman De Croo (VLD)-Raymond Langendries (CDH), tous deux anciens présidents de la Chambre, mais Yves Leterme fait savoir en coulisses qu'il n'y est pas favorable.

Le Palais annonce le 27 août que  "dans le cadre de la crise politique, le Roi va recevoir successivement en audience certains ministres d'Etat qui ont une grande expérience des crises communautaires dans notre pays".  C'est la première fois depuis le début de son règne qu'Albert II fait appel de façon officielle aux conseils des ministres d'Etat, considérés comme "les sages du royaume". Il consulte durant trois jours successivement Guy Verhofstadt, Jean-Luc Dehaene, Wilfried Martens, Philippe Moureaux, Gérard Deprez, Willy Claes, Philippe Busquin, Jos Geysels, Charles-Ferdinand Nothomb, José Daras, Raymond Langendries, Herman De Croo et Louis Michel. Mme Antoinette Spaak, ministre d'Etat et ancienne présidente du Front des Francophones (FDF), confie à la presse qu'elle est déçue et blessée de ne pas avoir été conviée au château du Belvédère.

Au terme de ces audiences le 29 août, le Roi confie une "mission d'exploration" à Herman Van Rompuy, président de la Chambre et membre discret du CD&V/NVA, qui l'informe chaque semaine de son travail. Pendant un mois, il réussit à rétablir un climat de confiance entre les partenaires de l' "Orange bleue", mais n'obtient aucun résultat concret.

Le 29 septembre, Yves Leterme est renommé formateur par Albert II. Après quelques accords dans le domaine socio-économique, de nouvelles tensions communautaires surviennent le 7 novembre, lorsque les députés flamands votent la scission de l'arrondissement de Bruxelles-Hal-Vilvorde en commission de l'Intérieur de la Chambre. Les quatre partis démocratiques francophones décident d'entamer une procédure juridique appelée le conflit d'intérêt. La Fédération des Entreprises de Belgique s'empresse de mettre en garde "contre les conséquences économiques négatives de l'absence d'un gouvernement disposant de pleines compétences. Le préjudice porté à l'image de la Belgique à l'étranger s'aggrave. Chaque jour, les risques de voir les investissements reportés ou annulés augmentent. L'impact économique de cette situation ne se fera pas attendre longtemps".

Le lendemain, le Roi reçoit en audience Yves Leterme et lui demande de poursuivre sa tâche, vu que les quatre partis de l' "Orange bleue" ne réclamaient pas sa décision. Dans le communiqué diffusé par le Palais, il précise que  "la constitution rapide d'un gouvernement fédéral est importante pour le bien-être de tous les citoyens de notre pays, pour la crédibilité de la Belgique et sa nécessaire cohésion".  Albert II charge, par ailleurs, le président du Sénat Armand De Decker et le président de la Chambre Herman Van Rompuy de  "prendre une initiative afin d'entamer un dialogue sur la poursuite de l'élaboration équilibrée de nos institutions et un renforcement de la cohésion entre les communautés", selon ce communiqué royal exceptionnellement détaillé.

La situation étant à nouveau bloquée, le souverain reçoit, les 12 et 13 novembre, les présidents des partis démocratiques, puis à nouveau Armand De Decker et Herman Van Rompuy. Le Palais diffuse, dans la soirée du 13 novembre, ce communiqué :   "Il ressort des audiences du Roi de ces derniers jours que même s'il y a de nettes différences sur la méthode à suivre, il y a aussi une volonté largement partagée d'organiser un dialogue sur la poursuite de l'élaboration équilibrée de nos institutions et un renforcement de la cohésion entre les communautés".  Yves Leterme reste formateur, même si les négociations pour former un gouvernement sont arrêtées.

A l'initiative de Marie-Claire Houard, une citoyenne liégeoise, soutenue par l'asbl Pro Belgica et l'asbl BPlus, plus de 35.000 Flamands, Wallons et Bruxellois participent à la manifestation nationale organisée le 18 novembre à Bruxelles. Marie-Claire Houard remet à Armand De Decker la pétition trilingue en faveur de l'unité de la Belgique qu'elle a lancée en août 2007 et qui a récolté 140.000 signatures. Une Fête de l'Unité est ensuite organisée dans le parc du Cinquantenaire. Cette journée est le plus important rassemblement patriotique depuis le début de la crise politique. Une autre pétition bilingue pour le maintien de la solidarité entre les régions les plus riches et les plus pauvres du pays (donc le maintien de la sécurité sociale fédérale) est remise le 12 décembre au premier ministre Guy Verhofstadt. Lancée en Flandre, elle a recueilli 110.000 signatures, dont 60% de néerlandophones, et a été soutenue notamment par des professeurs d'université, des syndicalistes de la FGTB et de la CSC, ainsi que par des personnalités belges (Jan Decleir, Anne-Teresa De Keersmaecker, Hugo Claus, Geert Van Istendael, Jan Fabre, Axelle Red, Kim Gevaert, Jacques Mercier, Jaco Van Dormael, Luc et Jean-Pierre Dardenne, etc.). Par ailleurs, plus de 56.000 drapeaux belges ont été vendus durant le second semestre de 2007. Le précédent record (50.000) datait du décès du roi Baudouin en 1993.

Le 23 novembre, les présidents de la Chambre et du Sénat vont expliquer au Roi leur proposition de création d'une convention composée d'experts, de parlementaires, de membres des gouvernements fédéral, régionaux et communautaires. Yves Leterme n'arrive cependant pas à relancer les négociations au sein de l' "Orange bleue" et décide de démissionner le 1er décembre. Les néerlandophones accusent le CDH d'être responsable de cet échec, tandis que les francophones désignent la NVA (alliée du CD&V)...

Albert II rencontre ensuite, à trois reprises, le premier ministre sortant Guy Verhofstadt, qui accepte, le 3 décembre, de mener des contacts et de réfléchir à la manière de sortir de la crise politique que traverse la Belgique depuis six mois. Une semaine plus tard, le Roi le charge de former un gouvernement intérimaire pour gérer les dossiers urgents. L'accord tant attendu intervient dans la nuit du 18 au 19 décembre entre le CD&V/NVA, le VLD, le PS, le MR et le CDH. Le gouvernement Verhofstadt II prête serment devant le souverain le 21 décembre. Il compte 14 ministres et pas de secrétaire d'Etat. Yves Leterme est vice-premier ministre, ministre du Budget, de la Mobilité et des Réformes Institutionnelles.

Entretemps, à l'automne 2007, Mario Danneels publie "Les traumatisés du trône", un livre dans lequel il montre comment la monarchie est présentée au nord du pays. Dans la postface intitulée "Un regard flamand sur la famille royale", il écrit :   "Non seulement la famille royale est d'origine francophone, mais en plus, au cours de cette dernière décennie, elle a donné le sentiment d'avoir choisi, presque ouvertement, le camp des francophones et de se tenir sur ses gardes face à la communauté flamande. Par la force des choses, la Flandre se sent étrangère à sa famille royale. Elle lui tourne le dos parce qu'elle sent intuitivement que c'est ce que certains de ses membres ont fait à son égard".

Le journaliste Mario Danneels "oublie" d'écrire que pour la première fois dans l'histoire de la dynastie, le couple royal, ses enfants, beaux-enfants et petits-enfants parlent le néerlandais, et que le roi Albert II a une majorité de Flamands parmi ses proches collaborateurs. La princesse Mathilde vient d'une famille originaire de Flandre Occidentale et ses deux oncles ont fait de la politique au sein du CVP, le parti d'Yves Leterme. La jeune génération est scolarisée au collège Sint-Jan Berchmans (les enfants de la princesse Astrid n'ont même pas fréquenté un établissement francophone!). La petite Elisabeth est bilingue et suit des cours de danse en néerlandais dans le Brabant flamand. Des erreurs ont été commises dans le passé, mais on ne peut nier les efforts accomplis par la famille royale sous le règne actuel.

Albert II évoque la crise politique dans son discours de Noël 2007 :

"L'année qui s'achève a connu sur le plan politique incontestablement une période éprouvante. Heureusement, la créativité, le bons sens et l'esprit de compromis, qui sont des qualités bien belges, ont fini par l'emporter.

Comme l'écrivait si bien mon frère le roi Baudouin, lors d'une autre période difficile en 1981, et je cite :  "Je sais que l'épreuve est là, qu'elle apporte à beaucoup de nos compatriotes des inquiétudes et des souffrances, mais je sais aussi que c'est dans les temps difficiles que la Belgique réagit le mieux. J'ai fondamentalement confiance dans l'avenir de notre pays parce que je crois aux ressources des Belges lorsqu'ils sont acculés" (fin de citation).

Un gouvernement a pu être constitué pour régler des problèmes urgents. Une réforme et une modernisation de notre Etat fédéral seront mises en chantier. Je remercie toutes les personnes qui d'une manière ou d'une autre y ont contribué. Mais je pense aussi que les difficultés vécues comportent pour chacun des enseignements pour l'avenir. Je voudrais en partager quelques-uns avec vous.

Pour commencer, il est indispensable de développer et de renforcer les contacts et les échanges entre responsables dans tous les domaines, issus de communautés et régions différentes. On a parfois l'impression que nos relations sont plus organisées et plus structurées avec les pays étrangers qu'elles ne le sont à l'intérieur de notre propre pays. Dans un indispensable esprit d'ouverture, de respect mutuel et de tolérance, n'oublions pas nos voisins immédiats, citoyens d'un même pays. Encourageons entre eux le dialogue constructif. Il aidera chacun à écouter et à comprendre les sensibilités des uns et des autres, et à progresser ensemble.

Je l'ai déjà souvent dit mais je voudrais à nouveau insister avec force : il est nécessaire, surtout pour nos jeunes, de bien connaître la langue des autres communautés. C'est une forme de civisme que l'on a trop longtemps négligée. Et pourtant, c'est à l'évidence une condition première pour se comprendre et s'apprécier entre citoyens de communautés différentes. Les modes d'apprentissage des langues se sont tellement modernisés qu'il n'existe plus d'excuse pour ne pas entamer cet effort le plus tôt possible dans la vie. Par ailleurs, l'expérience montre que c'est un atout majeur dans la recherche d'un emploi.

L'effort de rapprochement nécessite aussi une forme de réconciliation entre communautés. Dans notre histoire, il y eut certainement des injustices collectives. Il importe de surmonter ces blessures et de tout faire pour favoriser l'entente afin de construire ensemble un avenir commun. Après tout, la construction européenne elle-même n'est-elle pas basée sur une volonté de réconciliation?

Enfin, je pense que nous devons tous ensemble nous engager dans la réalisation de projets mobilisateurs. Tout d'abord, il me semble possible de devenir, au sein de l'Europe en marche, un exemple de société où diverses cultures vivent harmonieusement ensemble dans une même entité, et s'y enrichissent mutuellement. Cela n'est pas un rêve impossible. Comme je vous l'ai dit le 21 juillet dernier, j'en vois déjà bien des signes dans nos régions et communautés, dans différents milieux culturels, sociaux, économiques ou universitaires, aussi bien chez les jeunes que chez les aînés. Il importe de les multiplier et de les renforcer. Etre attaché à son identité régionale ou communautaire, promouvoir l'entente au sein de son pays, et oeuvrer à l'Europe de demain sont des objectifs parfaitement compatibles.

A côté de cela, il y a, dans d'autres domaines, tant de projets mobilisateurs à réaliser ensemble. Je ne vous en cite que deux qui me tiennent particulièrement à coeur. Sur le plan du développement, la Belgique peut contribuer à améliorer les conditions de vie des populations du tiers-monde et en particulier celles des habitants de l'Afrique centrale qui furent déjà tellement éprouvés. Mais aussi dans notre pays, tout en dynamisant notre économie, il est nécessaire de lutter efficacement contre la pauvreté. En effet, celle-ci se développe sous des formes parfois nouvelles et préoccupantes, et nous devons renforcer et adapter nos moyens pour la combattre".

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