lundi 24 septembre 2012

La communication du Palais

Sous le règne du roi Albert II, on a deux périodes dans la communication du Palais :  une période d'ouverture de 1993 à 2004, puis une communication plus frileuse et moins bonne depuis 2004.

Sous le règne du roi Baudouin et de la reine Fabiola, la famille royale était surtout personnifiée par le couple royal. Les contacts étaient rompus avec le prince-régent Charles et la branche d'Argenteuil. Les problèmes de couple des princes de Liège empêchaient le Palais de les mettre trop en avant. Il faut attendre les fêtes 60/40 en 1990 et 1991 pour que Baudouin et Fabiola associent leur neveu le prince Philippe à leurs séances de photos et activités officielles. Changement total en 1993 :  Albert II et Paola montent sur le trône avec trois enfants, un beau-fils et trois petits-enfants. Leurs trois enfants reçoivent de nouvelles responsabilités : les missions économiques pour Philippe, la Croix-Rouge de Belgique pour Astrid, et l'IRGT pour Laurent. Le Palais axe sa politique de communication sur l'image d'une famille au service du pays et sur le côté glamour de la reine Paola qui ressort les diadèmes et les chapeaux délaissés depuis longtemps par sa belle-soeur. Comme dans les années 30 et 60, des boîtes de biscuits à l'effigie de la famille royale sont recommercialisées. On peut désormais enregistrer leurs paroles lors des bains de foule. A l'occasion de ses 30 ans en octobre 1993, le prince Laurent est le premier enfant des nouveaux souverains à accepter de répondre à une interview (et il en donnera beaucoup d'autres pendant une dizaine d'années). Bref, en ce début de règne, un vent de fraîcheur et de modernité souffle sur la Cour par rapport au règne austère du roi Baudouin.

Nouvelle évolution en septembre 1994 :  la création de "Place Royale" chaque samedi à 20h15 sur RTL-TVI. Pour la première fois, les Belges vont avoir une émission hebdomadaire où ils vont pouvoir suivre les activités officielles de leur famille royale (vu le succès, elle sera copiée par "Royalty" sur VTM et "C'est du belge" sur la RTBF). Le Palais s'adapte à cette évolution et poursuit son ouverture :  la rentrée des classes des enfants d'Astrid est désormais médiatisée (on verra même Astrid et Lorenz chez eux en train de recouvrir les cahiers un 1er septembre!), le prince Philippe commence à répondre à quelques questions d'Anne Quevrin lors des missions économiques à l'étranger, le couple royal accepte en 1996 qu'on les filme en vacances en train de faire leur marché à Châteauneuf-de-Grasse dans le sud de la France, la reine Paola en personne vient féliciter Anne Quevrin devant les caméras pour la 100ème émission, le Roi visite le studio de l'émission lors de son passage à RTL-TVI, etc.

Autre ouverture du règne :  les garden-parties dans le domaine de Laeken sont restaurées par Albert et Paola alors qu'elles avaient été supprimées par leurs prédécesseurs. Plus question d'inviter des officiels, mais plutôt des citoyens belges. La première a lieu pour les 65 ans du Roi en 1999 et ce sont les voisins du domaine de Laeken qui sont conviés. D'autres garden-parties ont ensuite eu lieu en l'honneur des fiançailles des princes héritiers en 1999, des 10 ans de règne en 2003, des 70 ans d'Albert II en 2004, des jeunes en 2006, des associations de protection de l'enfance en 2007, du monde culturel en 2008, des noces d'or des souverains en 2009 et des 20 ans de la Fondation Reine Paola en 2012. En 2002, la création du site Internet officiel, l'introduction de l'art contemporain au palais royal, les réponses écrites de la reine Paola aux questions de l'agence Belga et le service d'un café équitable dans les demeures royales donnent l'image d'une monarchie bien de son temps.

Ce sont ensuite le prince Philippe et la princesse Mathilde qui apportent un vent de fraîcheur à la Cour avec les fiançailles, la "Mathildemania" qui envahit la presse et les médias, le succès des Joyeuses Entrées, le mariage, leurs premiers déplacements à deux à l'étranger, la naissance de leurs premiers enfants, les longs reportages sur les princes filmés par les quatre télévisions du pays (RTL-TVI, RTBF, VRT et VTM) et diffusés fin 2003. A ce moment-là, l'image du prince héritier est très bonne : un sondage publié en décembre 2003 révèle que 80% des Belges ont une image positive du prince Philippe. On le dit prêt à régner, plus mûr et plus à l'aise depuis son mariage.

2003 marque sans doute l'apogée médiatique du règne du roi Albert II avec des images jamais vues sous le règne précédent :  la méditation du père Guy Gilbert lors du mariage de Laurent et Claire, le Roi embrassant Justine Henin et Kim Clijsters à Roland Garros, chevauchant une Harley Davidson pour le début d'une Moto Parade en son honneur ou entamant, très ému, un discours devant 40.000 personnes à la fin du concert de la place Poelaert. Les festivités des 10 ans de règne ont eu beaucoup de succès, et le monde politique vante ses bonnes relations avec le souverain. Le prince Philippe a, à cette époque, également une bonne image. Et Laurent et Claire rapprochent la monarchie du peuple en organisant une messe le lendemain de leur mariage dans le quartier défavorisé des Marolles à Bruxelles, et en y retournant pour le bal populaire de la fête nationale. Au printemps 2004, c'est au tour de la princesse Astrid d'accepter, pour la première fois, de répondre à des interviews afin de médiatiser son combat contre le sida. Elle n'hésite pas à prendre ses distances avec le Vatican et à prôner l'usage du préservatif si l'abstinence n'est pas possible. Autre dernière grande ouverture médiatique du Palais :  le tournage de "Paola : paroles de reine" à Venise où la souveraine se confie à des amies.

Novembre 2004 marque un arrêt dans cette politique d'ouverture du Palais. Les propos du prince Philippe contre le Vlaams Belang confiés à un journaliste (et jamais démentis) suscitent la polémique au nord du pays et cassent la meilleure image qu'il avait depuis son mariage. Au printemps 2005, il signe, sans s'en rendre compte, une liste de revendications de la FEB et reçoit un avertissement du premier ministre Guy Verhofstadt. En 2006, les relations ne sont pas bonnes entre la famille royale et la presse :  le discours de Nouvel An d'Albert II est sévèrement critiqué en Flandre, une polémique survient lors de la mission économique en Afrique du Sud sur les capacités du prince héritier à diriger ces missions, le prince Laurent refuse de diffuser des photos de ses jumeaux...avant de tenter de les vendre au plus offrant, sans oublier l'annonce du procès d'Hasselt. Autrefois si populaire et présenté comme le plus proche des Belges, le prince Laurent est désormais descendu en flèche par les journalistes et les révélations de ses proches (dont son ancien conseiller Noël Vaessen) s'accumulent. Son frère aîné perd son sang-froid lors de la réception de Nouvel An 2007 au palais royal et critique sévèrement deux journalistes sur des articles parus quelques mois plus tôt. Même la gentille princesse Astrid se retrouve en 2007 au sein d'un conflit communautaire à la Croix-Rouge de Belgique, dont elle renonce finalement à la présidence. Ajoutons les crises politiques à répétition de 2007 à 2011, au cours desquelles certains responsables politiques brisent le secret du colloque singulier et compliquent le rôle délicat du Roi. Le coût de la monarchie et le financement douteux des fondations du prince Laurent sont de plus en plus critiqués.

Conclusion :   après onze années (de 1993 à 2004) où le roi Albert, la reine Paola et leur famille ont fait souffler un vent de fraîcheur sur la Cour et dépoussiéré l'austère monarchie du règne précédent, la communication du Palais est moins bonne depuis 2004. Elle paraît plus sur la défensive (répondre aux critiques) que sur l'offensive (tenter de nouvelles choses plus modernes). Suite à leurs démêlés avec la presse, les princes Philippe et Laurent sont devenus très méfiants et de moins en moins loquaces. La "Mathildemania" est désormais terminée, et la princesse ne paraît plus aussi spontanée et naturelle qu'en 1999. Seule la princesse Astrid a pris de l'assurance avec le temps et c'est  elle qui est la plus ouverte lors de ses interviews avec les journalistes qui gardent tous un bon souvenir des voyages humanitaires à l'étranger qu'ils font avec elle. La princesse Claire ne se confie jamais, mais elle apaise son époux anticonformiste et controversé. On fera aussi remarquer qu'avec la meilleure volonté du monde, le conseiller presse du Palais, issu de la diplomatie ou de l'armée, n'est sans doute pas assez armé pour faire face au développement de la communication au cours des dernières années, notamment dans le domaine des nouvelles technologies.

Que faudrait-il faire?  Faire appel à des professionnels pour rénover en profondeur le site officiel du Palais qui apparaît un peu ringard et moins fourni que celui d'autres familles royales, comme celui des Windsor qui sont également présents sur Facebook et Youtube. Une plus grande transparence de la Liste Civile, des dotations et des fondations du prince Laurent permettrait de couper court à de nombreuses rumeurs, et de se demander si celle de la reine Fabiola ne devrait pas être diminuée en raison de son âge et remise au même niveau qu'Astrid et Laurent. Concernant ce dernier, le débat autour de sa dotation reviendra tant qu'il ne remplira pas 50 activités officielles par an car se justifie-t-elle s'il n'effectue même pas une activité officielle par semaine? Quand va-t-il se résoudre à régler définitivement le sort de la villa abandonnée en Italie d'une de ses fondations? Il est aussi important de mieux communiquer sur le travail concret de la famille royale. Lorsque Philippe, Mathilde et Laurent président une réunion de travail de leur fondation respective, pourquoi n'en trouve-t-on aucune trace sur le site officiel du Palais? Pourquoi est-il impossible d'y trouver un programme des missions économiques des ducs de Brabant? La princesse Mathilde va fêter ses 40 ans en 2013, et on aimerait une interview où elle se livre vraiment en toute franchise. Sa beauté permettrait aussi de faire des photos glamour comme d'autres princesses, et non pas sur le traditionnel banc dans le domaine de Laeken. Ce ne sont que quelques suggestions constructives qui montrent que le Palais a les moyens d'apporter un vent de fraîcheur à la monarchie (comme cela avait été fait au début du règne).

mercredi 12 septembre 2012

Les 25 ans de la Fondation Reine Paola

                                       
                                 

Alors qu'elle était princesse, Paola visite à Rome un projet d'un moine franciscain de réinsertion de jeunes toxicomanes. De retour en Belgique, elle décide de faire quelque chose :  elle crée, en décembre 1992, une Fondation Princesse Paola, présidée par son ami le baron Bernard de Traux de Wardin, qui, lors de sa première année d'activités, aide deux associations belges s'occupant de toxicomanes (l'asbl De Kiem au nord du pays et l'asbl Trempoline au sud du pays).

Suite à son accession au trône, la Fondation Princesse Paola devient la Fondation Reine Paola, bénéficie d'une plus grande visibilité et élargit ses objectifs de départ. Etablissement d'utilité publique, elle soutient des projets concrets émanant d'organisations ou de personnes venant en aide à des jeunes particulièrement éprouvés par la vie, confrontés à des problèmes familiaux, de formation et de réinsertion. Conformément à la politique de la Fondation, les interventions sont toujours attribuées pour un projet déterminé, dans le cadre d'un budget présenté et éventuellement pluriannuel. Parfois, la Reine émet des suggestions suite à une visite. Au fur et à mesure des ans, la liste des associations soutenues financièrement par la Fondation Reine Paola est de plus en plus longue : 350 en 20 ans! En 2010, 299.411 euros ont été répartis entre 56 associations. Plus d'infos sur www.sk-fr-paola.be

Depuis 1996, la Fondation remet chaque année des Prix Reine Paola pour l'Enseignement qui récompensent des projets novateurs d'enseignants, alternativement du primaire et du secondaire. Le 1er prix s'élève à 6.500 euros, le 2ème prix à 4.000 euros et le 3ème prix à 2.500 euros. Plus d'infos sur www.prixpaola.be

La Fondation Reine Paola a lancé en 1999 le programme "Ecole de l'Espoir" pour soutenir des écoles travaillant dans des quartiers défavorisés. Soumis à un jury indépendant, les projets doivent avoir pour objectif d'augmenter les chances de réussite des élèves. Le soutien financier peut atteindre maximum 20.000 euros par an et peut être reconduit pendant un maximum de quatre ans sur base d'une évaluation annuelle. Afin de soutenir au mieux les lauréats, un accompagnement a été mis en place depuis l'année scolaire 2006-2007. Il est assuré par le professeur Marc Demeuse de l'Université de Mons et le Dr Loes Vandenbroucke du HIVA à Leuven. En 2010, 14 projets ont été soutenus pour un montant total annuel de 163.698 euros et concernent des écoles situées à Anderlecht, Anvers, Borgerhout, Bruxelles, Couillet, Courtrai, Gand, Houthalen-Helchteren, Molenbeek-Saint-Jean, Saint-Josse-ten-Noode, Seraing et Sint-Niklaas. Plus d'infos sur www.ecoleespoir.be

Nouveauté en 2010 :  "Terre d'Avenir" est une collaboration entre la Fondation Reine Paola et la Fondation Dirk Frimout qui organisait déjà depuis huit ans le Prix Focus Aarde en communauté flamande. Le Prix "Terre d'Avenir" va récompenser chaque année les meilleures réalisations présentées dans le cadre de la qualification professionnelle qui auront la terre ou l'espace comme sujet. Celles-ci peuvent être abordées d'un point de vue scientifique, technique, artistique, écologique. Plus d'infos sur www.terredavenir.be

La Fondation Reine Paola est soutenue financièrement par la Loterie Nationale, la Fondation Roi Baudouin, l'asbl Les Oeuvres de la Reine, des représentants du monde de l'entreprise (D'Ieteren, Groupe Bruxelles-Lambert, Solvay, Mercedes-Benz, Total, BNP Paribas Fortis, p.ex.) et de généreux donateurs. Le baron van Gysel de Meise met son Hôtel Plaza à Bruxelles à disposition de la Fondation pour son concert de Noël.

Si elle ne fait pas partie du conseil d'administration et si elle n'assiste pas aux réunions des jurys pour les Prix pour l'Enseignement, notre souveraine est la patronne de la Fondation Reine Paola et a des idées très précises sur les personnes qui doivent y être associées et sur les actions à entreprendre. Le conseil d'administration se compose en 2012 de treize personnes :  le baron Bernard de Traux de Wardin (président et ami personnel du couple royal), le professeur Mieke Van Haegendoren (vice-présidente), Vincent Coppieters (secrétaire général), le comte François de Radiguès de Chennevière (trésorier), Frank Arts, Marc Delacroix, le comte Eric Jacobs, la baronne Hilde Kieboom, Yvon Knepper, le général Vincent Pardoen (intendant de la Liste Civile du Roi), Michel-Etienne Van Neste, le professeur Lode Walgrave et Hubert Roisin (secrétaire de la Reine).

La Fondation Reine Paola a fêté son 20ème anniversaire le 2 septembre dernier lors d'une garden-party dans le domaine de Laeken en présence de toute la famille royale. Une dizaine d'associations soutenues par la Fondation ont pu présenter leur travail à plus d'un millier d'invités qui avaient tous un rapport avec la Fondation (donateurs, membres des jurys, lauréats des Prix pour l'Enseignement, responsables des associations soutenues, etc).

Les invités ont reçu une brochure contenant ce texte de la reine Paola :

"Il existait déjà une petite fondation qui portait mon nom. Elle axait son action sur les enfants défavorisés. Mais un jour, c'était au début des années nonante, j'ai été frappée par une conversation que j'ai eue pendant un déjeuner avec des responsables de la Fondation Roi Baudouin. Un de mes interlocuteurs m'avait beaucoup parlé des enseignants, de leur manque de perspectives positives. Ils se sentaient dénigrés, laissés pour compte. Il était très pessimiste concernant la situation de l'enseignement en général. J'y ai beaucoup pensé avec le Roi. L'idée a ainsi fait son chemin de concentrer les efforts de la Fondation Reine Paola sur la manière d'aider à valoriser l'enseignement et les milliers d'enseignants qui jour après jour se dévouent à leur métier et aux enfants et aux jeunes qui leur sont confiés. L'enseignement est tellement fondamental pour notre société. Il permet aux jeunes de devenir des adultes, de se former, de s'intégrer, de trouver leur place dans la société. Il est vraiment important que les enseignants soient motivés, se sentent soutenus et respectés, car ils sont en première ligne pour accompagner le développement harmonieux de nos enfants et jeunes. De là est donc née l'initiative du Prix Reine Paola pour l'Enseignement. Mais la Fondation n'oublie pas non plus les enfants qui se trouvent en situation précaire : elle soutient des dizaines d'associations en Belgique qui contribuent à leur bien-être. Le Prix Ecole de l'Espoir est, en fait, le prix qui regroupe le mieux les deux piliers de ma fondation : enseignement et enfants précarisés. Et puis, dernièrement, s'est ajouté le Prix Terre d'Avenir, en collaboration avec la Fondation Dirk Frimout, qui vise à valoriser l'enseignement technique et professionnel et ses passerelles vers des formations scientifiques plus poussées. Ces 20 dernières années, j'ai appris à connaître les nombreux lauréats des différents prix de ma fondation et les nombreuses associations qu'elle soutient. Mon admiration n'a cessé de croître pour l'implication de ces enseignants et animateurs. Ils conduisent nos enfants et nos jeunes chaque jour sur leur chemin vers le développement et l'âge adulte. La force de leur engagement et de leur enthousiasme est telle qu'elle offre un visage positif, chaleureux et optimiste à notre société. Une société où l'espoir reste présent et qui trouve ainsi l'oxygène nécessaire à sa respiration. C'est dans cette société ravivée que, tout comme leurs parents, les enfants et les jeunes peuvent trouver leur place.  Paola".

mardi 4 septembre 2012

Activités royales en août 2012

5 activités officielles pour la princesse Astrid et le prince Lorenz lors des Jeux Paralympiques de Londres (cérémonie d'ouverture, visite du village olympique, rencontre avec les athlètes belges, remise de médailles, finale du nageur belge Sven Decaesstecker).

0 activité officielle pour les autres membres de la famille royale

Résumé des activités officielles de janvier à août 2012  (source : www.monarchie.be) :

Prince Philippe :  147 activités officielles

Princesse Mathilde :  134 activités officielles

Roi :  38 activités officielles + 80 audiences

Princesse Astrid :  47 activités officielles

Reine Paola :  45 activités officielles

Princesse Claire :  21 activités officielles

Prince Laurent :  20 activités officielles

Prince Lorenz :  20 activités officielles

Reine Fabiola :  20 activités officielles

samedi 1 septembre 2012

La grande-duchesse Joséphine-Charlotte de Luxembourg, née princesse de Belgique

                                                  
1° Princesse de Belgique

Premier enfant du prince héritier Léopold et de la princesse Astrid de Belgique, la princesse Joséphine-Charlotte, Ingeborg, Elisabeth, Marie-José, Marguerite, Astrid, naît le 11 octobre 1927 à l'hôtel Bellevue. Situé juste à côté du palais royal de Bruxelles, c'est là qu'habite le jeune couple princier au début de leur mariage (ils emménageront ensuite au château du Stuyvenbergh). Le prénom Joséphine a été choisi en hommage à l'impératrice Joséphine des Français dont Astrid avait lu la biographie durant sa grossesse) et à Joséphine de Bade (arrière-grand-mère de Léopold). Le baptême a lieu le lendemain au palais royal de Bruxelles. Sa marraine est la grande-duchesse Charlotte...qui sera plus tard sa belle-mère!

Les huit premières années de Joséphine-Charlotte sont heureuses et paisibles. Avec ses jeunes frères Baudouin et Albert, elle passe ses vacances dans les Ardennes, à la côte belge, en Suisse et à la Villa Fridhem de ses grands-parents maternels le prince Carl et la princesse Ingeborg de Suède. Il faut cependant corriger un peu l'image d'Epinal vantant l'instinct maternel d'Astrid :  elle adorait certes ses trois enfants et s'impliquait dans leur éducation, mais elle partait cependant en voyage de plusieurs mois à l'étranger avec son époux, et laissait ses enfants en Belgique... En 1934, suite au décès du roi Albert Ier, Léopold III et Astrid montent sur le trône.

Pour la princesse Joséphine-Charlotte, la mort de sa maman la princesse Astrid en 1935 marque une cassure dans son enfance. Plus rien ne sera jamais comme avant. Le Roi et ses trois enfants s'installent au château de Laeken. Joséphine-Charlotte étudie à l'Institut de la Vierge Fidèle à Bruxelles (un établissement fréquenté plus tard par les princesses Astrid et Mathilde de Belgique, et la grande-duchesse héritière Stéphanie de Luxembourg), participe à des activités des guides, et assiste à des activités officielles où elle joue le rôle de "petite maman" auprès de ses deux plus jeunes frères. A cette époque, les trois orphelins souvent habillés de blanc et la mythique reine Astrid illustrent de nombreux emballages de chocolat, boîtes de biscuit, cartes postales, etc.

La deuxième guerre mondiale éclate. Après une campagne de 18 jours, Léopold III signe la capitulation de l'armée belge et est fait prisonnier politique des Allemands. Joséphine-Charlotte et ses frères vont connaître l'exode en France et en Espagne en 1940, le remariage de leur père avec Lilian Baels en 1941, la naissance de leur demi-frère Alexandre en 1942, la déportation par les Allemands à la forteresse d'Hirschtein en 1944, l'exil à Prégny en Suisse de 1945 à 1950 suite à la Question Royale. Elle y poursuit ses études à l'Institut supérieur pour jeunes filles de Genève. Tous ces événements ont pesé sur le caractère de la jeune fille qui est renfermée et peu souriante.

Sa fille la princesse Margaretha a confié au magazine "L'Eventail" :   "Notre mère nous parlait peu de son enfance, mais à une occasion, elle nous a confié combien elle s'était sentie responsable de ses frères et combien elle avait donné d'elle-même, s'investissant surtout au niveau de leur éducation scolaire, notamment lors de leur captivité. Notre mère appréciait beaucoup la musique, intérêt certainement développé au contact de la reine Elisabeth. Il lui arrivait de mentionner ses vacances en Suède, auprès de ses grands-parents, et il ressortait avec évidence qu'elles avaient été de vrais moments de bonheur".

Mais en avril 1949, la princesse Joséphine-Charlotte joue le rôle le plus politique de toute sa vie. En pleine Question Royale, elle est la première à rentrer dans son pays natal qu'elle n'a plus vu depuis cinq ans. Un peu en "éclaireur", elle vient tester l'accueil de la population à l'égard de la monarchie, et est pleinement consciente que son voyage doit être une réussite afin d'aider son père Léopold III à revenir, à son tour, en Belgique. Elle arrive par la route en traversant la frontière belgo-luxembourgeoise et s'arrête au Mardasson à Bastogne. Elle se recueille devant la tombe de sa mère la reine Astrid dans la crypte de l'église Notre-Dame de Laeken. La princesse assiste à la messe du Jeudi Saint célébrée par le cardinal Van Roey à la cathédrale Saint-Rombout à Malines. Elle visite, entre autres, la Crèche Princesse Joséphine-Charlotte dans le quartier des Marolles à Bruxelles et le foyer d'aide aux enfants des prisonniers à La Panne. Sa grand-mère la reine Elisabeth l'accompagne à "La Passion selon Saint-Mathieu" de Bach au palais des Beaux-Arts de Bruxelles. L'accueil chaleureux que la princesse reçoit des Belges incite probablement son père à vouloir mettre une fin à la situation dans laquelle il se trouve depuis la fin de la guerre.

Un des événements marquants de la Régence (1944-1950) est le droit de vote accordé aux femmes lors des élections législatives de juin 1949. La reine Elisabeth et la princesse Joséphine-Charlotte effectuent leur devoir citoyen. Elle revient à nouveau de Suisse lors de la consultation populaire de mars 1950 pour voter en faveur de son père. Toute la famille royale rentre en Belgique au cours de l'été, mais Léopold III doit renoncer au trône au profit de son fils le prince héritier Baudouin.

A noter qu'en Belgique, on trouve aujourd'hui une Station de métro Joséphine-Charlotte à Bruxelles, une Place Joséphine-Charlotte à Jambes, une Avenue Joséphine-Charlotte à Rixensart, un Square Joséphine-Charlotte à Woluwe-Saint-Lambert, un Quartier Princesse Joséphine-Charlotte à Kraainem, et une Crèche Communale Princesse Joséphine-Charlotte dans le quartier des Marolles à Bruxelles.

2° Grande-duchesse héritière de Luxembourg

En novembre 1952, Joséphine-Charlotte se fiance avec le grand-duc héritier Jean de Luxembourg qu'elle connaît depuis longtemps car c'est le fils de sa marraine la grande-duchesse Charlotte. Ils se voyaient au grand-duché de Luxembourg, à Hinteris au Tyrol, à Pianore en Italie et à Bormes-les-Mimosas dans le sud de la France. Beaucoup pensent que c'est un mariage arrangé entre les deux familles. Leur union fut cependant heureuse. Le mariage a eu lieu le 9 avril 1953 civilement au palais grand-ducal et religieusement à la cathédrale Notre-Dame en présence de 2.500 invités. C'est le nonce apostolique Fernando Cento qui a présidé la cérémonie. La famille royale belge était arrivée la veille en train.

A l'occasion de son mariage, une souscription nationale est ouverte en Belgique. A la demande de Joséphine-Charlotte, une partie de cet argent est destiné au fond des calamités pour venir en aide aux sinistrés des graves inondations de février 1953 (la princesse s'était rendue dans les régions anversoises dévastées) et une autre partie du fonds permet de créer un Fonds National Belge pour la lutte contre la poliomyélite. La souscription offre à la fiancée une paire de pendants d'oreilles composés de brillant neige.

A noter que le fonds a été transformé en un Centre d'études Princesse Joséphine-Charlotte pour la lutte contre les infections virales du système nerveux et de la poliomyélite, qui existe toujours et est géré par le FNRS.

La grande-duchesse héritière Joséphine-Charlotte reçoit d'autres bijoux lors de son mariage :  le roi Léopold III lui offre une broche, un bracelet et des boucles d'oreilles en rubis et diamants de Van Cleef et Arpels (plus d'infos : http://royalementblog.blogspot.be/2012/08/les-rubis-de-josephine-charlotte.html), son époux un diadème/collier collerette en diamants de Van Cleef et Arpels (créé à partir d'émeraudes des collections grand-ducales ou de la reine Astrid selon les sources), la Société Générale de Belgique un diadème composé de 854 brillants, et l'Association de la Noblesse du Royaume de Belgique un bracelet serti de 258 diamants et d'un gros saphir de Ceylan.

Après leur voyage de noces et le couronnement de la reine Elisabeth II d'Angleterre, le jeune couple s'installe à Betzdorf durant l'été 1953, où ils habiteront jusqu'à leur accession au trône. Cette première décennie de mariage est marquée par la naissance de cinq enfants :  Marie-Astrid en 1954, Henri en 1955, les jumeaux Margaretha et Jean en 1957, et Guillaume en 1963.

Margaretha a confié au magazine "L'Eventail" :  "Je repense aussi à l'atmosphère quelque peu austère du palais. Une certaine étiquette y était encore de mise et un sentiment de curiosité se mélangeait souvent au sentiment d'appartenir à un temps un peu révolu".

Joséphine-Charlotte est aussi la marraine de son demi-frère le prince Alexandre de Belgique, de sa nièce la princesse Astrid de Belgique, de Catherine Ferner (fille de sa cousine la princesse Astrid de Norvège) et du prince héritier Frédérik de Danemark.

Son premier rôle officiel est la présidence de la Croix-Rouge de la Jeunesse du grand-duché qu'elle exerce de 1959 à 1970.

3° Grande-duchesse de Luxembourg

Son règne commence en 1964 suite à l'abdication de sa belle-mère la grande-duchesse Charlotte, et durera jusqu'en 2000. Ils déménagent au château de Colmar-Berg et peuvent également bénéficier du palais grand-ducal pour leurs activités officielles, de la maison "La Tour Sarrazine" à Bormes-les-Mimosas et d'un domaine en Bavière pour leurs vacances, et de l'importante collection de bijoux de la famille grand-ducale. Au fil des ans, Joséphine-Charlotte reçoit des bijoux de sa famille en héritage :  la broche en diamants ornée d'une perle poire de sa grand-mère maternelle la princesse Ingeborg, le collier de chien en perles de sa grand-mère paternelle la reine Elisabeth, des émeraudes de la reine Astrid (dont une paire de boucles d'oreilles et un collier/bracelet avec une émeraude au centre).

Les 36 ans de règne du grand-duc Jean et de la grande-duchesse Joséphine-Charlotte seront paisibles, sereins et discrets. Ils ont de bons rapports avec le monde politique et la presse luxembourgeoise qui respecte leur vie privée. On sait juste qu'elle a eu des problèmes de santé dans les années 70, et qu'elle aime les roses, la chasse, la pêche et le ski (ils séjournaient régulièrement dans un chalet de Crans-sur-Sierre).

Un peu à l'image de notre reine Paola, la grande-duchesse reste en retrait de son mari, fuit les médias, et paraît distante et réservée lors de ses contacts avec la population. Sa devise aurait pu être "Never explain, never complain". Son époux le grand-duc Jean paraît plus chaleureux qu'elle. Très élégante, Joséphine-Chalotte s'habillait souvent chez des couturiers parisiens.

Parmi ses dames d'honneur, citons  Anne-Marie Reuter-Jörg,  Andrée Neuman-Simons, Manette Meyers-Turk,  Marie-Anne Kronsbruck-Raus,  Marianne Hamilius-Thill.

Au cours de leurs 36 ans de règne, le couple grand-ducal a effectué une trentaine de voyages d'Etat à l'étranger :   Brésil en 1965, Pays-Bas et Belgique en 1967, Yougoslavie en 1971, Royaume-Uni en 1972, Tunisie et URSS en 1975, Roumanie en 1976, Sénégal, Allemagne (RFA) et Autriche en 1977, France en 1978, Chine en 1979, Italie en 1980, Irlande en 1982, Espagne en 1983, Portugal et Etats-Unis en 1984, Islande en 1986, Grèce et Israël en 1987, Danemark en 1988, Norvège et Hongrie en 1990, Suède en 1991, Pays-Bas en 1992, Pologne et Finlande en 1993, Tchéquie en 1994, Mexique en 1996, Belgique et Japon en 1999.

En 1978, le couple grand-ducal fête ses 25 ans de mariage au palais grand-ducal de Luxembourg et au château de Colmar-Berg :     http://royalementblog.blogspot.be/2012/03/les-noces-dargent-de-jean-et-josephine.html

En ce qui concerne la religion, l'historien Jo Gérard écrit dans "Albert II et sa famille" :  "Joséphine-Charlotte pratique une religion à la fois ferme et nuancée, celle de Saint-François de Sales, son auteur préféré, a horreur de la bigoterie comme du mysticisme évaporé".  Il faut souligner (et ce n'est probablement pas une coïncidence) que le premier et le dernier déplacement officiel de leur règne à l'étranger est pour le Vatican :  en mars 1965 avec le pape Paul VI et en juillet 2000 avec le pape  Jean-Paul II. En 1985, ils ont le plaisir d'accueillir Jean-Paul II, le seul pape à s'être rendu au grand-duché. Par ailleurs, le couple grand-ducal poursuit la tradition d'assister chaque année à la clôture de la procession de l'Octave dans les rues de Luxembourg.

Dans le domaine social, Joséphine-Charlotte est membre du comité d'honneur de SOS Kinderhof International et parraine diverses associations (Société Luxembourgeoise de Pédiatrie, Oeuvre de la Crèche de Luxembourg, Unicef-Luxembourg, Aide aux enfants atteints d'un cancer, SOS Interfonds, la Ligue Luxembourgeoise de Prévention et d'Action Médico-Sociales, etc.). Son rôle principal est la présidence de la Croix-Rouge luxembourgeoise depuis les années 60 (elle a succédé à son beau-père le prince Félix). Chaque année, elle ne manquait pas de récompenser les donneurs de sang les plus méritants et de visiter le bazar de Noël au profit de la Croix-Rouge. En 1992, elle participe au sommet sur les femmes rurales organisé par la reine Fabiola à Genève, mais elle ne soutient plus ensuite sa belle-soeur dans ce combat.

La grande-duchesse n'a pas de réalisation sociale concrète à son actif, ne s'est pas vraiment engagée pour une cause, et n'a jamais effectué de mission humanitaire à l'étranger. A cause de sa réserve, on n'a pas de photo d'elle "qui marque les esprits", comme sa belle-soeur la reine Fabiola qui embrasse un malade du sida ou enlace des enfants handicapés. Par ailleurs, depuis 1990, elle était chef guide du mouvement guide du grand-duché.

En ce qui concerne la culture, Joséphine-Charlotte parraine diverses initiatives (les Jeunesses Musicales, les Amis d'Histoire et d'Art-Luxembourg, le Festival d'Echternach, le Cercle Artistique de Luxembourg, l'Orchestre Philharmonique de Luxembourg, etc.) mais en secret, passionnée d'art contemporain, elle s'est constituée une très belle collection privée d'oeuvres...dont l'existence n'a été rendue publique qu'en 2003!

Depuis 1986, le grand-duc Jean et la grande-duchesse Joséphine-Charlotte accordent leur Haut Patronage à l'Union Grand-Duc Adolphe (Fédération Nationale du Mouvement Associatif de la Musique Chorale et Instrumentale, du Folklore et du Théâtre du grand-duché de Luxembourg).

Dans l'album-photos paru après sa mort, les auteurs révèlent son engagement peu connu au service de la culture :

"La grande-duchesse Joséphine-Charlotte a toujours généreusement donné suite aux demandes de prêt émanant des musées en mettant à leur disposition les joyaux des collections grand-ducales. Mais la grande-duchesse a été beaucoup plus réticente pour montrer au public sa propre collection, avant tout confidentielle et constituée pour son seul plaisir, dont elle avait fait au château de Colmar-Berg une sorte de jardin secret, où elle gardait discrètement ses coups de coeur qui lui faisaient oublier les exigences des obligations officielles et du protocole. De temps à autre, elle permettait, sous le voile de l'anonymat, à des oeuvres de choix de participer à une exposition. Ce fut notamment le cas pendant l'année européenne culturelle en 1995 lors de l'exposition sur les collections privées, ou encore lors de la réouverture du Musée National d'Histoire et d'Art en juin 2002. Ce n'est qu'en mai 2003 qu'elle a consenti à lever le voile lors de l'exposition "De Manessier à Wim Delvoye" organisée au Musée National d'Histoire et d'Art et consacrée uniquement à la collection d'art moderne constituée par la grande-duchesse Joséphine-Charlotte. Le musée n'avait d'ailleurs pu présenter qu'un choix de cette collection variée et éclectique qui a frappé les visiteurs par la modernité et l'audace des oeuvres artistiques, témoignant de l'intérêt passionné de la grande-duchesse pour l'art moderne et contemporain. Cette collection, qui réunit des oeuvres d'artistes nationaux et internationaux, qui comprend également quelques photos et sculptures et qui s'étale sur près d'un demi-siècle de création artistique, connaît ses débuts déjà dans les années 60, où Joseph-Emile Muller, critique d'art et conservateur au Musée National d'Histoire et d'Art ainsi que grand défenseur de l'Ecole de Paris, a su passionner la grande-duchesse pour l'art abstrait tout en la guidant et en la conseillant dans ses choix. En ce qui concerne cette collection, on ne peut qu'espérer que la Maison grand-ducale poursuivra l'initiative de la grande-duchesse et continuera à s'intéresser activement à l'art de notre époque.

Par l'intérêt témoigné à l'art et aux manifestations artistiques, la grande-duchesse Joséphine-Charlotte a certainement contribué dans une large mesure à promouvoir l'art au Luxembourg et à sensibiliser le public à la création artistique. Notons encore que la grande-duchesse Joséphine-Charlotte a entretenu de nombreux contacts avec les milieux artistiques internationaux qui ont apprécié à leur juste valeur ses connaissances, son jugement et ses conseils en matière d'art. Ainsi a-t-elle été promue vice-présidente d'honneur du Peggy Guggenheim Collection Advisory Board, un conseil de personnalités internationales du monde des arts créé pour veiller au bon développement de la Collection Peggy Guggenheim. En cette qualité, elle a pris part aux réunions du Advisory Board, notamment en juin 1999 à Venise où elle a profité de l'occasion pour assister également au vernissage officiel de la 48ème Biennale d'art.

Ces relations avec le monde de l'art international et notamment celles avec le grand collectionneur allemand Peter Ludwig ont contribué au développement du projet d'un musée d'art moderne à Luxembourg. Le musée d'art contemporain ouvrira, après maintes péripéties, ses portes en mai 2006. Malheureusement, la regrettée grande-duchesse Joséphine-Charlotte n'aura pas la chance d'assister à l'inauguration du musée qui portera le nom de son époux : Musée d'art moderne Grand-Duc Jean (MUDAM). Ce sera d'ailleurs avec les mêmes regrets que le pays fêtera le 26 juin 2005 l'ouverture de la nouvelle Philharmonie au Kirchberg dont le nom officiel est : Salle de concert Grande-Duchesse Joséphine-Charlotte".

La pianiste et ancienne ministre de la Culture Erna Hennicot-Schoepges témoigne sur son site Internet :   "La pudeur qui l'incita à ne montrer que tard dans sa vie une partie de ses oeuvres était liée à la crainte que son image auprès des Luxembourgeois fut altérée. C'était son jardin secret. Chaque fois, lors des rencontres privées avec des artistes, elle m'apparaissait transformée, d'un enthousiasme contagieux. Perspicace dans ses jugements, elle avait une grande sensibilité pour le vrai, l'authentique. Son goût pour la musique était à coup sûr l'héritage d'une grand-mère qui sut faire de la Belgique, par la création du Concours Reine Elisabeth, le centre d'intérêt du monde musical international. Jeune princesse, elle a côtoyé tant de lauréats qui sont devenus par après des solistes internationaux de haute renommée. Ses contacts personnels avec les musiciens s'étaient établis dans la durée. Menuhin et Rostropovitch étaient parmi tant d'autres des familiers, ses amis. Tout au long de la reprise de l'Orchestre de RTL et de sa transformation en Fondation Henri Pensis, elle voulait être informée, et grande était son impatience de voir aboutir le projet de la salle philharmonique".


Le couple grand-ducal était proche du célèbre violoncelliste Mstislav Rostropovitch, et a assisté à ses 70 ans en 1997 à Paris et à ses 75 ans en 2002 à Londres. Le musicien est venu jouer au grand-duché de Luxembourg pour un anniversaire de Joséphine-Charlotte. Par ailleurs, Mtislav Rostropovitch et la grande-duchesse Maria-Teresa étaient tous deux ambassadeurs de bonne volonté de l'Unesco.

4° Vie de famille

Avec les années 80 arrivent les mariages de ses cinq enfants. Joséphine-Charlotte est plutôt conservatrice dans ce domaine, et est plus proche de ses beaux-enfants issus de la noblesse (l'archiduc Carl-Christian d'Autriche, le prince Nicolas de Liechtenstein et Sibilla Weiller, petite-fille d'une infante d'Espagne) que de ses beaux-enfants roturiers (Maria Teresa Mestre et Hélène Vestur) avec qui les relations n'ont pas toujours été bonnes. Ses petits-enfants l'appelent "Amama". Le grand-duc héritier Guillaume a confié qu'il avait de bons contacts avec elle et que son meilleur souvenir avec elle était un voyage effectué à deux aux Bermudes.

La princesse Margaretha a dressé le portrait de sa mère au magazine "L'Eventail" :  "Perfection et exigence furent certainement deux traits bien particuliers de son caractère, innés d'un côté et forgés par les circonstances de la vie de l'autre. La grande-duchesse Joséphine-Charlotte se faisait souvent remarquer par les personnes qu'elle rencontrait par sa culture, son goût prononcé pour l'art, surtout moderne et contemporain, pour ses lectures éclectiques, principalement des livres d'histoire, mais aussi pour son goût de la décoration intérieure, son élégance et son désir constant de représenter au mieux le Luxembourg".

En octobre 1987, la grande-duchesse fête ses 60 ans avec son époux, leurs enfants, beaux-enfants et petits-enfants au château de Vianden (ancienne propriété de la famille grand-ducale) :  http://royalementblog.blogspot.be/2011/09/les-60-ans-de-la-grande-duchesse.html

Ses septante ans sont fêtés en 1997 avec un concert de son ami violoncelliste Mstislav Rostropovitch au théâtre municipal de Luxembourg. Outre la famille grand-ducale, le roi Albert II et la reine Paola, Bernadette Chirac (Première Dame de France), le prince Hassan et la princesse Sarvath de Jordanie font partie des invités.

Une Rose Grande-Duchesse Joséphine-Charlotte est baptisée en 1989, à l'initiative de l'Association Les Amis de la Rose Luxembourg qui a donné plusieurs noms de la famille grand-ducale à de nouvelles variétés de roses.

5° Liens avec la famille royale belge

La grande-duchesse Joséphine-Charlotte revenait régulièrement en Belgique en dehors de ses deux voyages d'Etat en 1967 et 1999. Elle était notamment présente aux funérailles de Léopold III en 1983, au mariage d'Astrid en 1984, aux funérailles de Baudouin en 1993, au premier anniversaire de sa mort en 1994, aux 65 ans d'Albert II en 1999, au mariage de Philippe et Mathilde en 1999, à l'inauguration d'une Salle Léopold III en 2001, aux funérailles de la princesse Lilian en 2002, etc.

Ses relations n'étaient pas bonnes avec son père le roi Léopold III et sa belle-mère la princesse Lilian, mais on ignore quand elle les a vus pour la dernière fois. Léopold III n'était pas aux mariages de ses petits-enfants Henri, Margaretha et Marie-Astrid, mais a-t-il refusé ou n'a-t-il pas été invité?

Lors de la mort du roi Léopold III en 1983 aux Cliniques Universitaires Saint-Luc, son aide de camp Guy Weber est témoin de la visite de "la grande-duchesse Joséphine-Charlotte, sa fille aînée, toute simple, écrasée de chagrin, tellement émue et tendre que j'ai envie de l'étreindre. Elle me demande des détails. Elle sollicite, avec une simplicité émouvante, l'autorisation de prendre une photographie. Elle passa près de deux heures, la main de son père dans la sienne, et je la laisse seule dans la chambre pendant que j'entretiens son aide de camp".

Par contre, elle s'entendait beaucoup mieux avec ses deux frères Baudouin et Albert II, et avec ses belles-soeurs Fabiola et Paola, avec qui elle passait régulièrement des week-ends en privé au château de Ciergnon dans les Ardennes belges. Ajoutons que les huit cousins princiers et luxembourgeois s'entendent très bien.

6° Après l'abdication

A l'automne 2000, le grand-duc Jean abdique au profit de son fils le grand-duc Henri. Les années 2000 auraient dû être une retraite heureuse, mais ce ne sera malheureusement pas le cas pour la grande-duchesse Joséphine-Charlotte. Son fils cadet le prince Guillaume est victime d'un grave accident de voiture en France en septembre 2000. Il reste dans le coma plusieurs semaines et a eu besoin de plusieurs mois de revalidation, mais il s'en est sorti. Lors de la fête nationale 2002, sa belle-fille la grande-duchesse Maria Teresa convoque les journalistes et rend publique sa mésentente avec sa belle-mère qu'elle accuse de nuire à sa vie de couple.

En 2003, Joséphine-Charlotte est atteinte d'un cancer, doit annuler ses noces d'or et sa présence au mariage de son neveu le prince Laurent et au vernissage de l'unique exposition de sa collection d'oeuvres d'art contemporaines. Elle suit des traitements à l'Institut Bordet à Bruxelles, spécialisé pour les cancers, et loge parfois au château du Belvédère chez Albert et Paola. Ajoutons aussi le divorce en 2004 entre son fils le prince Jean et Hélène Vestur.

7° Sa collection privée d'art contemporain
Pour avoir une idée de la collection moderne d'art contemporain de la grande-duchesse Joséphine-Charlotte, on doit se référer au catalogue de l'exposition "De Manessier à Wim Delvoye" qui présentait 108 oeuvres en 2003 au Musée National d'Histoire et d'Art de Luxembourg. L'artiste allemand Georg Baselitz (dit Georg Kern) était l'artiste le plus représenté dans l'exposition avec 13 oeuvres, suivi par le Français Edouard Pignon (7 oeuvres) et le Belge Maurice Wyckaert (6 oeuvres). Certaines d'entre elles sont personnellement dédicacées à Joséphine-Charlotte. 

La Belgique était bien représentée dans l'exposition :   "Composition" (1953) de Pol Bury, "Environnement astral" (1981) de Louis Van Lint, "Paysage" (1981) de Maurice Wyckaert, "Le mystère" (1981) de Maurice Wyckaert, "Aube hivernale" (1982) de Louis Van Lint, "L'Artiste" (1984) de Jacques Charlier, "Ravenzwart met Vuurwerk" (1985) de Maurice Wyckaert, "Mont Kemmel : point culminant de la Flandre occidentale" (1985) de Maurice Wyckaert, "L'Abîme" (1986) de Jacques Charlier, "Een Lijf, Castellina, Chianti" (1987) de Maurice Wyckaert, "Bibliothèque" (1990) de Wim Delvoye, "Rose des Vents" (1992) de Wim Delvoye.

L'artiste belge Wim Delvoye témoigne après son décès :  "La grande-duchesse Joséphine-Charlotte aimait venir dans l'atelier pour ouvrir elle-même les caisses des oeuvres que je devais lui expédier, mais aussi, et cela m'avait étonné au début, les portes de toutes mes armoires! Elle se permettait ici, je l'ai compris bien plus tard, ce qu'on lui avait toujours interdit dans son enfance et dans sa vie de Cour. C'était son rosebud..."

La grande-duchesse achetait aussi beaucoup d'oeuvres d'artistes luxembourgeois :  Fernand Bertemes, ("Aurore" en 1989), Roger Bertemes ("Floraison" en 1961), Jean-Marie Biwer ("Luxembourg-Paris-Luxembourg" en 1988 et "Die Frauen von Jerusalem" en 1988), Tina Gillen ("Tentes" en 1997), Mett Hoffmann ("Flottant dans le gris" en 1963), Jean-Pierre Junius ("Arrière-saison à Ostende" en 1988), Emile Kirscht ("Der Hofnarr" en 1986), Jean de La Fontaine ("Green Kiss" en 1986), Joseph Probst ("Vacances de Pâques" en 1954, "Evocation du Voyage d'hiver de Franz Chubert" en 1980), Sonja Roef ("Just a dreamer" en 1987), Michel Stoffel ("Personnages/Venise" en 1941-1942), Annette Weiwers-Probst ("La pierre bleue" en 1989).

Le catalogue explique :   "Stimulé par la renaissance de la peinture non-figurative, qui a lieu à Paris depuis 1945, le Luxembourgeois Joseph Probst adopte également autour de 1950 cette manière nouvelle que nombre d'artistes luxembourgeois, notamment Jean-Pierre Junius et Roger Bartemes, finissent par rallier au cours des années 1950 et 1960. Leur homogénéité fait qu'on est tenté de parler d'une Ecole luxembourgeoise d'art non-figuratif. Issue de l'Ecole de Paris, elle devient un phénomène remarquable sous l'impulsion de Joseph-Emile Muller, critique d'art et conservateur au Musée National d'Histoire et d'Art de Luxembourg".

Joséphine-Charlotte achète les sculptures "Le Solitaire" (1970), "Veinures roses" (1972) et "Maternité" (1974) de Lucien Wercollier. Le catalogue de l'exposition commente :  "Parmi ses protagonistes, l'Ecole luxembourgeoise d'art non-figuratif compte également le sculpteur Lucien Wercollier qui marche sur les traces de Brancusi et d'Arp. Chez lui, la pratique de l'art de la sculpture est constamment dominée par le goût du matériau, le souci du métier et surtout par l'amour de la forme. Il y a dans la sculpture de Wercollier cet équilibre qui sait allier la force au raffinement, la simplicité à l'oppulence".

L'artiste Jean-Marie Biwer confiera à la presse après son décès :   "Je crois que je fais partie de la première génération d'artistes luxembourgeois qui a pu vivre de son travail. Le Luxembourg était un pays de gens très pauvres, de paysans, qui étaient constamment occupé par les Français, les Autrichiens, les Prussiens. Vous n'aviez pas un terreau favorable à l'émergence d'ateliers comme à Florence, en Flandre ou plus tard à Paris. Nous avons tout inventé à la luxembourgeoise dans les années 1970. La grande-duchesse Joséphine-Charlotte était charmante avec les artistes. Elle mettait des bottes car je travaillais les pigments. Elle venait avec son appareil dans mon atelier et prenait énormément de photos. Mais la première chose qu'elle demandait en arrivant, c'était "Est-ce que vous avez un cendrier?". Parce qu'elle adorait fumer sa cigarette en regardant de l'art". 

Outre les Belges et les Luxembourgeois, l'exposition de 2003 présentait aussi des oeuvres des Français Alfred Manessier, Maurice Estève, Edouard Pignon et Jean Hélion, des Allemands Georg Baselitz, Rebecca Horn et Markus Lüpertz, des Américains Joseph Kosuth et Peter Halley, du Danois Per Kirkeby, du Britannique Tony Cragg, du Chinois Zao Wou-Ki, de l'Italien Michelangelo Pistoletto, de l'Islandais Erro, etc. Deux photographes américains étaient également représentés : trois photos en couleurs de Nan Goldin prises dans les années 90, et quatre photos en noir et blanc de Robert Mapplethorpe prises dans les années 80. Bref, loin de se concentrer sur ses deux pays de cœur, cette collection était bien internationale.

Combien d'oeuvres comptait la collection de la grande-duchesse, en dehors des 108 présentées en 2003? Sont-elles toutes aujourd'hui au château de Colmar-Berg? Y a-t-il eu de nouveaux achats par les actuels souverains?  On l'ignore, car conformément à la discrétion de Joséphine-Charlotte, la Cour grand-ducale n'a jamais rien communiqué à ce sujet, en dehors de l'exposition de 2003. 

Il faut aussi ajouter que dans la vente de ses bijoux annulée en 2006,  se trouvait un collier en or créé par l'artiste française Claude Lalanne, et porté par Joséphine-Charlotte lors des 75 ans de son époux. L'estimation du collier oscillait entre 3.000 euros et 5.000 euros. On ignore ce qu'il est devenu.

8° Son décès

La grande-duchesse Joséphine-Charlotte décède le 10 janvier 2005 à 5h55 au château de Fischbach où elle habitait depuis 2002 (le château de Colmar-Berg étant réservé au souverain régnant). Le lendemain, son cerceuil est amené à la salle de la Balance du palais grand-ducal de Luxembourg, où la famille grand-ducale, le gouvernement, les députés, les ministres d'Etat honoraires, le Conseil d'Etat et le corps diplomatique viennent lui rendre hommage. Les trois jours suivants, c'est au tour de la population luxembourgeoise de pouvoir s'incliner devant son cerceuil recouvert du drapeau de la Maison grand-ducale.

Les funérailles sont célébrées le 15 janvier par l'archevêque de Luxembourg, Mgr Fernand Franck, en la cathédrale Notre-Dame de Luxembourg. Sur son passage, la foule jette des roses blanches, fleurs qu'affectionnait la défunte. La famille grand-ducale et toutes les autorités du pays sont, bien entendu, présentes. La Belgique est le pays étranger le plus représenté avec le Roi, les reines Paola et Fabiola, Philippe, Mathilde, Astrid, Lorenz, Laurent, Claire, Léa, la présidente du Sénat Anne-Marie Lizin et le premier ministre Guy Verhofstadt.

Tout le Gotha est là :  la reine Marghrete de Danemark, le roi Carl-Gustav et la reine Silvia de Suède, la reine Béatrix des Pays-Bas, la reine Sophie d'Espagne, la reine Sonja de Norvège, le prince héritier Aloïs et la princesse Sophie de Liechtenstein, le prince héritier Albert de Monaco, le prince Andrew de Grande-Bretagne, le prince Moulay Rachid du Maroc, le prince Hassan et la princesse Sarwath de Jordanie, le prince et la princesse Akishino du Japon, l'ex-roi Constantin et l'ex-reine Anne-Marie de Grèce, le comte Henri et la comtesse Michaela de Paris, le prince Carlos Hugo de Bourbon-Parme, le duc Duarte et la duchesse Isabel de Bragance, etc. Selon ses volontés, la grande-duchesse a ensuite été incinérée.

9° Conclusion

Aujourd'hui, que reste-t-il de la défunte? Elle laisse le souvenir d'une élégante Grande Dame qui a toujours rempli avec sérieux ses devoirs de princesse de Belgique, puis de grande-duchesse de Luxembourg. Son union avec le grand-duc Jean a été heureuse mais, femme de caractère, elle a eu des relations difficiles avec certains membres de sa famille.

Comme les autres souverains grand-ducaux, diverses institutions sociales portent son nom, mais elle n'a pas de réalisation concrète à son actif. La grande-duchesse Maria Teresa lui a succédé à la présidence de la Croix-Rouge luxembourgeoise. Sa passion pour l'art contemporain est désormais connue, ce qui n'était pas le cas au cours de son règne.

Peu de temps après son décès, un album-photos est sorti en son hommage, mais il n'existe pas de biographie sur sa vie.

Une salle de concert Grande-Duchesse Joséphine-Charlotte a été inaugurée à Luxembourg quelques mois après son décès, et un concert y est organisé chaque année en sa mémoire en présence de la famille grand-ducale. Lors de l'inauguration, le ministre luxembourgeois de la Culture s'adressa au grand-duc Jean dans son discours :  "Je sais que votre épouse, grande amoureuse de l'art sous toutes ses formes, grande collectionneuse d'art contemporain, appelait de tous ses vœux, et la construction du Musée d'Art Moderne (MUDAM), et celle de la Philharmonie. Nous sommes heureux que SAR la Grande-Duchesse Joséphine-Charlotte ait accepté de donner son nom à cette belle salle de concerts".

On a souvent dit qu'elle était respectée des Luxembourgeois, mais pas réellement populaire car distante en public. Cependant, lorsque ses héritiers ont voulu vendre aux enchères ses bijoux personnels en 2006, de nombreuses critiques se sont élevées et ont réussi à faire annuler la vente publique. La plupart de ses bijoux sont désormais portés par la grande-duchesse Maria Teresa, qui était très émue et au bord des larmes lors des funérailles de sa belle-mère ; se sont-elles réconciliées peu de temps avant sa mort?   La princesse Marie-Astrid a porté, à plusieurs reprises, des tenues ayant appartenu à sa mère.

En 2008, la Croix-Rouge de Luxembourg a inauguré le CIPA Grande-Duchesse Joséphine-Charlotte de la Croix-Rouge, un centre pour personnes âgées à Junglister qui porte le nom de son ancienne présidente.

Si on ne peut associer les deux grandes-duchesses au style totalement opposé, le souvenir de la grande-duchesse Joséphine-Charlotte de Luxembourg est bien vivace en cette année 2012 grâce au mariage de son petit-fils le grand-duc héritier Guillaume avec la comtesse Stéphanie de Lannoy. Joséphine-Charlotte et Stéphanie sont toutes les deux belges et nobles, ont étudié à l'Institut de la Vierge Fidèle à Bruxelles, et présentent le même profil sérieux, calme et discret. Sans doute aurait-elle été profondément ravie par cette nouvelle union belgo-luxembourgeoise...