lundi 21 octobre 2019

La reine Elisabeth et Alfred Courtens

Je vous ai déjà parlé de l'excellente revue "Museum Dynasticum" publiée par l'Asbl Dynastie et Patrimoine Culturel. Dans un long et documenté article de 27 pages, intitulé "La reine Elisabeth et le mécénat artistique :  l'entre-deux-guerres, une période phare" ,  Barbara de Muyser Lantwyck revient sur les liens entre la souveraine et l'artiste belge Alfred Courtens :

"Homme discret, courtois et modeste, le sculpteur Alfred Courtens a les faveurs de la famille royale, comme son père le paysagiste Franz Courtens que quatre générations de souverains encouragèrent. C'est à Albert et Elisabeth que Franz Courtens devait la chance de bénéficier d'un atelier dans le parc de Laeken, où le Roi lui faisait de fréquentes visites, partageant avec lui son amour de la nature et des arbres en particulier. Le peintre s'en souviendra lors du décès du Roi, affirmant :   "J'ai eu l'honneur d'être son hôte pendant de nombreuses années. Le Roi était simple et doté de grandes qualités morales. Il avait en outre des compétences artistiques incontestables et ses remarques judicieuses m'enchantaient".

Quand à Alfred, c'est après la Grande Guerre qu'il rentre en contact avec la Cour, peut-être par l'intermédiaire de Jules Ingenbleek, intendant de la Liste Civile, dont il a réalisé le buste en 1923. Alfred Courtens consacrera une partie de son énergie à réaliser des bustes ou des monuments royaux. Dans l'entre-deux-guerres, il ne réalise pas moins d'une dizaine de groupes commémoratifs commandés par l'Etat ou les communes :  citons notamment Arendonk, St-Gillis-Waas, La Louvière, Virton, Sombreffe, Termonde et Dixmude. La postérité retient surtout de lui la grande statuaire royale, répondant parfaitement au sentiment national très vif en cette période, comme la statue en pied de la reine Elisabeth à Eisden, la statue équestre de Léopold II à Ostende ou encore celle d'Albert Ier au Mont des Arts qui lui valurent des jugements mitigés, mais mirent sa carrière sous le coup des projecteurs.

Ses œuvres sont en tout cas parfaitement exécutées, lisses, de facture classique voire académique, sans grande audace mais toutefois pleines de sensibilité. C'est la raison pour laquelle ses bustes plaisent à de nombreuses personnalités et que les distinctions honorifiques pleuvent. La Reine sera séduite elle aussi et lui accordera plusieurs séances de pose pour le buste que Jules Ingenbleek a commandé pour le cabinet du Roi. C'est l'occasion de longues discussions passionnantes où ils abordent mille sujets, à commencer par les techniques artistiques.

C'est Alfred Courtens qui dans l'ombre de l'atelier, apporte sa précieuse collaboration à l'activité sculpturale d'Elisabeth. Plusieurs photographies assez informelles le montrent en plein travail à Laeken, parfois sous l'œil vigilant de la Reine et de la princesse Joséphine-Charlotte. Elisabeth lui rendra visite en 1936 puis en 1943 dans son atelier de la rue Washington, où il aime se faire photographier au milieu des effigies royales…

Lorsqu'en 1936, sa situation matérielle se dégrade, la Reine ne l'abandonne pas et lui fait payer d'avance les 10.000 francs requis pour le buste commémoratif de la reine Astrid qu'elle veut offrir à son fils le roi Léopold.  Mais l'artiste en pleine dépression envoie plusieurs lettres exaltées à Willy de Grunne :   "La Reine si artiste et si clairvoyante a bien voulu me prendre par la main pour mener à bien les bustes commencés".  Plus tard, en mai 1937, il écrit à Elisabeth :  "C'est émerveillé de la si grande bonté de Votre Majesté, de sa vision si juste et si profonde de l'art, des œuvres qu'il m'a été donné d'admirer chez elle que je suis rentré à l'atelier avec un nouveau courage".

Lors de l'élaboration de la statue équestre du roi Albert au Mont des Arts, la Reine permet même à Alfred Courtens de disposer d'un cheval dans les écuries royales. Elle suivra avec attention ce long chantier et assistera même à la coulée de bronze de la statue. Par l'intermédiaire de son secrétaire, elle intercédera auprès du ministre des Travaux publics pour éviter l'expropriation de l'atelier de l'artiste. La Reine et le sculpteur échangeront compliments, lettres et bouquets, sur un ton affectueux, presque intime, jusqu'en 1965".


 
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