° Les origines italiennes du roi Philippe
Grâce à sa mère, le roi Philippe descend d'une des familles les plus prestigieuses d'Italie : les Ruffo di Calabria. Il est difficile d'en déterminer avec certitude les origines car les différentes sources sont contradictoires. Les archives italiennes mentionnent cependant le nom "Ruffo" ou "Rufus" avant l'an 1000 : Bérénice Ruffo épouse l'empereur byzantin Basileios Ier le Macédonien et son père, Giovanni Fulcone, est nommé gouverneur de la Calabre dans le sud de l'Italie.
Au fil des siècles, les Ruffo di Calabria font construire, entre autres, le couvent et l'église des Dominicains à Naples, le monastère de l'Annonciation à Noceto, le sanctuaire de Saint-Dominique à Altomonte et le monastère de Sainte-Marie à Scilla. On trouve les chapelles et monuments funéraires de la famille dans la cathédrale de Capoue, dans l'église Saint-Laurent de Rome, dans l'église des Capucins de Bagnara et dans cinq églises de Naples. Plusieurs Ruffo di Calabria ont été nommés cardinaux. En 1661, Fabrizio Ruffo, qui était à la fois le supérieur d'un couvent et le capitaine de l'escadre de Malte, bat les Turcs à la tête de ses galères. La famille de Paola posséda en Italie dix-neuf comtés, un vicomté, dix marquisats, dix duchés et quinze principautés. Sa puissance se termine au début du 19ème siècle lorsque la Calabre est soumise à Napoléon Bonaparte.
En 1877, Benianimo Ruffo di Calabria, maire de Naples, épouse Laure Mosselman du Chenoy, une jeune Bruxelloise. Le couple a trois enfants : Eleonora, Fulco et Ludovico (surnommé Luigi). Ce dernier épouse une Belge : Agnès Orban de Xivry en 1909 à La Roche-en-Ardenne.
Né en 1884, Fulco devient le chef de famille en 1901 suite au décès de son père Beniamino. Il est directeur d'une société belgo-italienne de bateaux à vapeur au Sénégal, mais ses activités professionnelles sont compromises avec la première guerre mondiale. Il rejoint d'abord son régiment de cavalerie où il avait effectué son service militaire. A sa demande, il est ensuite envoyé dans des écoles de pilotage à Turin et Pise, et reçoit ses ailes de pilote le 15 août 1915. Fulco est muté en 1916 à l'Ecole de pilotage de Coscina Costa et devient le compagnon attitré de Francesco Baracca. Le 25 octobre 1917, il affronte seul une escadrille de six avions autrichiens. Il réussit à en abattre deux, pendant que les autres prennent la fuite. On le surnomme "le baron rouge" ou "le chevalier du ciel".
Fulco Ruffo di Calabria termine la première guerre mondiale avec vingt victoires et le grade de capitaine. Il est le cinquième as de l'aviation italienne, derrière le major Baracca (34), le lieutenant Scaroni (26), le lieutenant-colonel Piccio (24) et le lieutenant Barachini (21). Les récompenses pleuvent. Le roi Albert Ier le fait chevalier de l'Ordre de Léopold sur l'aéroport de Padoue et la Belgique lui décerne plus tard la Croix de Guerre 1914-1918. A la Scala de Milan, Fulco reçoit la Medaglia d'Oro et Valore Militare, un honneur que seuls sept pilotes ont reçu durant ce conflit. Le roi Victor-Emmanuel III le nomme sénateur et chevalier de l'Ordre militaire de Savoie.
En 1919, Fulco épouse à Turin la comtesse Luisa Gazelli di Rossana e di Sebastiano, de douze ans sa cadette. Fille du comte Augusto Gazelli di Rossana e di Sebastiano et de la comtesse Maria-Cristina Rignon, elle appartient à une famille de la noblesse piémontaise des Alpes et descend par sa mère du marquis de la Fayette (1757-1834), qui est devenu célèbre pour sa participation à la guerre d'Indépendance aux Etats-Unis aux côtés des insurgés.
Le couple s'installa d'abord à Turin, la ville natale de Luisa, avant de déménager ensuite à la via Jacopo Peri à Rome, non loin de la célèbre Villa Borghèse. L'été, ils louent chaque année durant plusieurs mois la Villa Claudia dans la petite station balnéaire de Forte dei Marmi (où naît la reine Paola en 1937).
Le couple a sept enfants, dont seule la reine Paola est toujours en vie : Maria-Cristina (1920-2003), Laura (1921-1972), Fabrizio (1922-2005), Augusto (1925-1943), Giovanella (1927-1941), Antonello (1930-2017) et Paola (1937).
Mais leur existence paisible est perturbée par la deuxième guerre mondiale. Dans l'émission "Paola : paroles de reine" diffusée en 2006, la souveraine a confié :
"Nous étions quatre filles et trois garçons à la maison. Mon grand-père maternel est décédé en 1937 et l'une de mes sœurs est morte à l'âge de 14 ans. Elle était très belle. Ce fut un drame pour mes parents. Durant la guerre, l'un de mes frères est parti rejoindre les partisans dans le nord. Un autre voulait rejoindre les Alliés. Son idéal était de combattre les Allemands. Je me souviens quand un officier est venu prévenir ma mère qu'il avait été tué alors qu'il portait secours à son commandant blessé. Il avait 18 ans. J'ai encore sa photo quand il est parti avec son sac à dos. En 1944, ma mère a dû se cacher car elle était contre les fascistes. Cela me faisait drôle de la voir agir de la sorte alors qu'elle était, à mes yeux, l'image de la justice. Elle a même dû changer de nom".
Revenons sur tous ces événements dont parle la reine Paola. Sa sœur Giovanella décède en 1941 d'un empoisonnement alimentaire. Deux ans plus tard, son frère Augusto s'engage comme volontaire aux côtés des Alliés. Il participe à la bataille de Pescara dans la mer Adriatique à bord d'un contre-torpilleur. Selon l'armée britannique, il serait mort en se plaçant sur la trajectoire d'un tir allemand destiné au commandant Lee. Le corps d'Augusto ne sera jamais retrouvé.
Durant la guerre, Luisa et sa fille Paola se cachent à l'Istituto Villa Pacis en compagnie d'autres femmes qui s'étaient opposées au régime faciste de Mussolini. Ce couvent tenu par des sœurs augustines était sous la protection du Vatican. Paola y a fait sa première communion et y a appris à lire.
Les épreuves ne sont pas terminées pour les Ruffo di Calabria. Lors de la Bataille des Ardennes, Agnès Orban de Xivry-Ruffo di Calabria (belle-soeur de Fulco et Luisa) et sa fille séjournent au château "Les Agelires" à La Roche-en-Ardenne. Malheureusement, un violent bombardement de l'aviation américaine détruit, le 26 décembre 1944, plus de 300 maisons et le château où Agnès et sa fille Yolande trouvent la mort.
En Italie, Fulco décède d'un arrêt du cœur le 26 août 1946 à Marina di Massa. Il avait 62 ans. Son fils Fabrizio devient le nouveau chef de famille. L'Italie étant devenue une république en 1946, il met fin à sa carrière d'officier car il refuse de rompre le serment de fidélité au Roi qu'il avait prononcé. Il se lance dans les affaires.
De son côté, devenue veuve, l'énergique Luisa ne se laisse pas abattre. Sa grande maison de la via Jacopo Peri à Rome étant devenue trop grande pour elle et ses deux derniers enfants, elle loue un étage au réalisateur Jean Renoir, le fils du peintre impressionniste Auguste Renoir. Mariana Poswick, une amie de Paola, confie à Mario Danneels :
"C'était quelqu'un d'exceptionnel qui n'a pas eu une vie facile. Trois de ses enfants sont décédés de son vivant et, après la mort prématurée de son mari, elle s'est retrouvée toute seule. Pourtant, elle était toujours très aimable et très sympathique. Et elle avait beaucoup de personnalité. Paola adorait sa mère. Elles s'entendaient particulièrement bien".
Mais après tous ces malheurs, la famille de Paola retrouve une place prestigieuse au sein du Gotha européen : suite à l'absence d'héritiers du roi Baudouin et de la reine Fabiola, toute la famille royale belge (dont le roi Philippe) descend désormais des Ruffo di Calabria…
Bibliographie : - DANNEELS Mario, "Paola : de la dolce vita à la couronne", éditions Luc Pire, 2000
- LEROY Vincent, "Les 75 ans de la reine Paola", éditions Imprimages, 2012
2° Les relations diplomatiques entre l'Italie et nos souveains actuels
Quelques mois après leur accession au trône, le roi Philippe et la reine Mathilde effectuent une visite officielle de courtoisie d'une journée en février 2014 à Rome. Ils sont accompagnés par le premier ministre belge Elio Di Rupo et le ministre des Affaires étrangères Didier Reynders. La délégation belge est reçue à déjeuner par le président italien Giorgio Napolitano au Quirinal (voir photo ci-dessus), puis rencontre dans l'après-midi le premier ministre et le président du Sénat.
En mars 2015, le Roi reçoit en audience le nouveau président de la République italienne Sergio Mattarella, de passage à Bruxelles.
Depuis la visite officielle de courtoisie au début de leur règne en 2014, la reine Mathilde s'est rendue trois fois en Italie : pour l'Exposition Universelle de Milan en 2015, et les Biennales d'art contemporain à Venise en 2017 et 2019.
Vingt-trois ans après le roi Albert II et la reine Paola, nos souverains effectuent un voyage d'Etat de trois jours en Italie en décembre 2021.