16 audiences pour le Roi : le premier ministre sortant Yves Leterme, le nouveau premier ministre Elio Di Rupo (reçu 4 fois), le lieutenant-colonel Fernand Rouvroi, ainsi que les ambassadeurs de Malaisie, Philippines, Nouvelle-Zélande, Tunisie, Guinée, Djibouti, Colombie, Turquie, Luxembourg et Suède.
4 activités officielles pour le Roi : prestation de serment du nouveau gouvernement, réception pour les 10 ans de la Déclaration de Laeken, visite sur les lieux de la tragédie de Liège, concert de Noël au palais royal.
5 activités officielles pour la reine Paola : inauguration de la nouvelle école hôtelière de Wemmel, concert de Noël de la Fondation Reine Paola, visite sur les lieux de la tragédie de Liège, 125ème anniversaire de la Société Royale Le Cheval de Trait Belge, concert de Noël au palais royal.
0 activité officielle pour la reine Fabiola.
20 activités officielles pour le prince Philippe : clôture de l'Année Internationale de la Chimie, funérailles de l'ancien président tchèque Vaclav Havel, remise des Prix Belgodyssée 2011, hommage officiel aux victimes de la tragédie de Liège, visite aux victimes hospitalisées de la tragédie de Liège, remise du Trophée National du Mérite Sportif 2011, réception pour les 40 ans de relations diplomatiques belgo-chinoises, 120ème anniversaire de l'entreprise Vivaqua, audience de l'ambassadeur du Chili à Bruxelles, conférence à Anvers sur la logistique dans la zone belgo-néerlandaise du delta + 10 activités officielles lors de la mission économique au Chili (visite de la tour Titanium, découverte des deux camions de pompiers fournis par la Belgique, visite de l'observatoire ESO, déjeuner offert par la Fédération des Entreprises Chiliennes, rencontre avec le président de la République, visite de la Fondation Perez contre le cancer, signature de contrats belgo-chiliens, remise de l'Ordre de la Couronne à deux patrons chiliens, dépôt de fleurs devant la statue du libérateur du Chili, visite du télescope de Paranale).
5 activités officielles pour la princesse Mathilde : Journée Nationale Info-Familles, découverte de projets intergénérationnels à Gedinne, visite aux victimes hospitalisées de la tragédie de Liège, hommage officiel aux victimes de la tragédie de Liège, 25ème anniversaire de l'Hôpital Universitaire pour Enfants Reine Fabiola.
4 activités officielles pour la princesse Astrid : colloque à Anvers sur la pauvreté, 150ème anniversaire des pompiers volontaires de Lichtervelde au profit de l'asbl Pinocchio, visite de l'entreprise de travail adapté Optimat à Lichtervelde, concert de Noël au palais royal.
1 activité officielle pour le prince Lorenz : concert de Noël au palais royal.
1 activité officielle pour le prince Laurent : présentation du projet d'hébergement de SDF et de leur animal de compagnie à Bruxelles par la Fondation Prince Laurent.
2 activités officielles pour la princesse Claire : concert de la Brussels Chorale Society au palais des Beaux-Arts, présentation du projet d'hébergement de SDF et de leur animal de compagnie à Bruxelles par la Fondation Prince Laurent.
Récapitulatif des activités officielles de l'année 2011 :
Roi : 181 audiences + 50 activités officielles
Prince Philippe : 220 activités officielles
Princesse Mathilde : 166 activités officielles
Princesse Astrid : 90 activités officielles
Reine Paola : 70 activités officielles
Prince Laurent : 31 activités officielles
Prince Lorenz : 30 activités officielles
Princesse Claire : 23 activités officielles
Reine Fabiola : 19 activités officielles
Que peut-on conclure?
Comme l'an dernier, le classement des cinq membres les plus actifs est le même : le Roi, puis le prince Philippe, la princesse Mathilde, la princesse Astrid et la reine Paola. Pour cette dernière, on notera une hausse importante : 42 en 2010 et 70 en 2011. Le record d'audiences du Roi de l'an passé n'a pas été battu : 145 en 2009, 197 en 2010 et 181 en 2011.
Parmi les quatre membres moins actifs de la famille royale, on rappellera que le prince Lorenz continue de travailler à temps plein dans une banque. Stabilité pour la reine Fabiola : 16 activités officielles en 2009, 21 en 2010 et 19 en 2011. Par contre, suite au voyage au Congo et à leur mise à l'écart temporaire de la Cour, le nombre d'activités officielles du prince Laurent et de la princesse Claire est en baisse : 30 en 2009, 40 en 2010 et 31 en 2011 pour le prince Laurent ; 30 en 2009, 41 en 2010 et 23 en 2011 pour la princesse Claire.
jeudi 29 décembre 2011
lundi 19 décembre 2011
Le rôle politique du roi Albert II en 1999
Le Roi consacre son discours de Nouvel An 1999 aux autorités du pays au passage du franc belge à l'euro :
"Il y a près d'un mois, onze des quinze pays de l'Union Européenne ont franchi une nouvelle étape historique dans la construction de l'Europe en adoptant une monnaie unique : l'euro. L'événement est remarquable et constitue l'aboutissement d'une longue aventure, commencée il y a plus de trente ans avec le plan Werner. Ce parcours a connu des hauts et des bas, des moments difficiles, puis des périodes de progrès comme en 1972 lors de la création du serpent monétaire, après l'effondrement du système de Bretton Woods. En 1978, le système monétaire européen a consolidé les progrès réalisés. Quatorze ans plus tard, le traité de Maastricht instaurait une union économique et monétaire et en décembre 1995, le conseil européen de Madrid confirmait le passage à la monnaie unique à la date du 1er janvier 1999.
Tout au long de ce cheminement, notre pays a joué un rôle très constructif, un rôle moteur. Nos premiers ministres, nos ministres des finances et nos gouverneurs de la Banque Nationale, sans oublier le premier président de l'Institut Monétaire Européen, tous ont contribué avec intelligence, imagination et persévérance à la réalisation de ce vaste objectif : la création d'une monnaie commune. Mais il ne suffisait pas de contribuer à l'architecture de ce grand projet, il importait surtout d'y participer dès le début. Au cours de ces dernières années, notre pays s'est efforcé d'atteindre les normes de convergence économique et financière requises pour participer effectivement à l'euro.
Un effort budgétaire remarquable a été réalisé, puisque notre déficit exprimé en % du PIB a été ramené à 1,3 % en 1998, après avoir atteint 12,8 % en 1981. Notre dette, exprimée également en % du PIB, a été réduite substantiellement. Notre inflation est inférieure à 1% et nous avons un surplus important sur notre balance des paiements courants. L'emploi s'est amélioré même si le chômage demeure encore important dans certaines sous-régions. Dans le cadre des lignes directrices européennes pour l'emploi, le récent accord interprofessionnel est avantageux pour notre emploi et pour le maintien de notre compétitivité. Il faut s'en réjouir et il est bon de rappeler ces différentes réalisations, tout comme l'ont fait récemment aussi plusieurs institutions internationales. Cela nous donne confiance pour l'avenir".
Il évoque ensuite l'élargissement de l'Union Européenne : "Pour les nouveaux membres et en particulier ceux de l'Europe centrale et orientale, cet élargissement renforcera leur démocratie nouvelle. Quant à l'Europe, elle évoluera vers une dimension supérieure en comptant à terme plus de 500 millions d'habitants. L'adhésion du citoyen européen à ce projet d'envergure est un défi quasi permanent. Pour lui, l'euro sera sans nul doute une des preuves les plus tangibles de la réalité européenne. Néanmoins, certaines politiques européennes incomplètes provoquent encore trop souvent la méfiance de nos populations. Il appartient donc à tous les niveaux de pouvoir d'expliquer que ce n'est pas la politique poursuivie qu'il faut mettre en cause mais bien la lenteur de sa réalisation intégrale".
Et termine par un nouvel appel au civisme fédéral : "Si nous voulons que les efforts européens de la Belgique restent crédibles, nous aurons à démontrer qu'à l'intérieur même de notre pays, nous pouvons réaliser l'union dans la diversité. Il serait illusoire de nous croire un moteur de la construction européenne et donc de l'entente entre des populations aussi différentes que celles de la Méditerranée et de la Baltique, si nous ne parvenons pas à gérer harmonieusement les différences entre nos régions et communautés, pourtant si voisines. Mes nombreux contacts avec la population m'ont donné la certitude que la toute grande majorité de nos compatriotes veulent cette entente. Pour terminer, j'aimerais souligner que Bruxelles est non seulement la capitale de la Belgique et de nos deux grandes communautés, mais qu'elle est devenue aussi la capitale de l'Europe. C'est une chance unique pour Bruxelles et en fait pour tout notre pays. Saisissons donc cette chance en nous montrant ouverts et accueillants".
Le 7 février 1999, le roi Hussein de Jordanie (63 ans) décède à Amman des suites d'un cancer. Monté sur le trône en 1953, il était très aimé de son peuple et s'était beaucoup impliqué dans le processus de paix au Proche-Orient au cours de ses dernières années. En compagnie de nombreux chefs d'Etat et de gouvernement étrangers, le roi Albert et la reine Paola assistent aux funérailles. Le week-end suivant, la reine Fabiola prend à son tour le chemin de la Jordanie pour présenter ses condoléances à sa veuve la reine Noor. Toutes deux s'étaient engagées ensemble pour la promotion des femmes rurales.
Lors du voyage d'Etat du grand-duc Jean et de la grande-duchesse Joséphine-Charlotte dans notre pays en mars 1999, notre souverain déclare : "Terres d'accueil situées au carrefour des cultures latine et germanique, le grand-duché de Luxembourg et la Belgique sont aussi des démocraties pluriculturelles. Chez vous comme chez nous, la société multiculturelle n'est pas une abstraction. C'est une réalité vécue tous les jours, un dialogue fructueux entre cultures, un effort continu d'intégration qui est requis de tous, ceux établis depuis longtemps et ceux nouvellement installés dans le pays. Avec plus d'un tiers de sa population d'origine étrangère, le grand-duché est bien conscient de la nécessité de promouvoir cette intégration. Il la réalise avec succès. Ce faisant, il fournit la preuve qu'une société pluriculturelle et solidaire représente l'avenir et est à même de garantir le bien-être et la prospérité de tous ses citoyens".
Un mois plus tard, le Roi inaugure à Bruxelles la 101ème Conférence Interparlementaire. Il en profite pour avertir les représentants du monde entier : "Même dans nos démocraties bien établies, nous devons rester vigilants. Les valeurs démocratiques ne sont jamais acquises une fois pour toutes. Gardons bien à l'esprit l'expérience douloureuse des années 30 et rejetons l'intolérance, le racisme et toutes les formes d'extrémisme". Entre les lignes, il se prononce contre les partis d'extrême-droite à quelques semaines des élections régionales, législatives et européennes. Une visite du couple royal au Centre pour l'Egalité des Chances et la Lutte contre le Racisme a également lieu en 1999.
Sur le plan international, Javier Solana, secrétaire général de l'Otan, donne l'ordre au commandant suprême des forces alliées en Europe de lancer des opérations aériennes en ex-Yougoslavie. Le régime de Slobodan Milosevic persécutait depuis plusieurs mois les très nombreux Albanais vivant dans la province du Kosovo et avait quitté les pourparlers de paix à Rambouillet (France). L'Otan - dont fait partie la Belgique - ne pouvait continuer à fermer les yeux...
A l'occasion de la 101ème Conférence Interparlementaire à Bruxelles, le Roi fait, le 11 avril 1999, sa première déclaration sur les événements du Kosovo : "Non loin d'ici, au Kosovo, une horrible épuration ethnique est organisée systématiquement et à grande échelle. Les démocraties ne peuvent tolérer de tels crimes contre l'humanité". Le lendemain, nos souverains assistent au siège de la Croix-Rouge à une réunion d'information sur l'action humanitaire belge en faveur des réfugiés du Kosovo. Accompagnés par le secrétaire d'Etat à la Coopération au Développement Réginald Moreels, ils visitent ensuite le centre logistique, où étaient rassemblés les nombreux dons personnels des Belges pour les réfugiés.
Toute la famille royale se mobilise. Le 20 avril, le Roi reçoit en audience le général Klaus Naumann, président du comité militaire de l'Otan, pendant que la princesse Astrid, présidente nationale de la Croix-Rouge de Belgique, assiste à une réunion sur les événements du Kosovo entre le Bureau Humanitaire de la Commission Européenne et les Sociétés Nationales de la Croix-Rouge des quinze pays de l'U.E. Après son fils aîné, c'est au tour d'Albert II de se rendre le 22 avril à l'état-major général des forces armées pour une réunion de travail sur les opérations militaires belges en cours au Kosovo. Le lendemain, notre souverain est à la caserne de Flawinne pour encourager les 530 soldats belges, qui allaient prendre la direction de Dürres sur l'Adriatique et y effectuer des missions humanitaires. Jan Peeters, le secrétaire d'Etat responsable notamment de l'accueil des réfugiés kosovars en Belgique, est reçu le 27 avril en audience par le Roi. Deux jours plus tard, la reine Paola rencontre les familles des militaires belges participant à l'opération "Allied Force" de l'Otan et basés à Amendola en Italie. Dans l'après-midi du 4 mai, la princesse Astrid s'entretient avec des réfugiés kosovars installés dans les centres de Fraipont et Anvers. Le 6 mai, le prince Philippe se rend à l'aéroport de Melsbroek pour y saluer les militaires qui partaient en Albanie dans le cadre de l'opération "Albalodge".
Lors de son voyage d'Etat en Pologne, Albert II rappelle que "l'Alliance se voit confrontée à une crise grave au Kosovo. Le ferme soutien de la Pologne pour l'effort solidaire des Alliés fut fortement apprécié. En effet, les démocraties ne peuvent tolérer les crimes contre l'humanité inspirés par un nationalisme débridé qui n'a pas sa place sur notre continent".
Le 19 mai, le prince héritier, le ministre de la Défense Jean-Pol Poncelet et le secrétaire d'Etat à la Coopération Réginald Moreels inaugurent le camp construit par des militaires belges à Dürres en Albanie, afin d'y accueillir 2.500 réfugiés du Kosovo. Le Roi souhaitait, lui aussi, soutenir nos soldats engagés dans les opérations de l'Otan et se rend le 27 mai à la base aérienne d'Amendola en Italie. Le 3 juin, Slobodan Milosevic signe le plan de paix proposé par les huit pays les plus industrialisés de la planète. L'Otan arrête ses bombardements sept jours plus tard.
Le conflit du Kosovo est au centre du discours royal de la fête nationale 1999 : "Chacun de nous a pu suivre, grâce aux médias, la tragédie des réfugiés kosovars. Nous gardons à la mémoire ces visages ravagés par la douleur et la fatigue, ces vieillards épuisés et ces jeunes enfants terrorisés, franchissant la frontière de l'Albanie ou de la Macédoine. Des centaines de milliers de personnes persécutées et chassées de chez elles à cause de leur différence ethnique. Nous avons vu les conséquences d'un nationalisme débridé qui rappelle à beaucoup d'entre nous les tragédies de la seconde guerre mondiale. Nous ne pensions pas que de telles atrocités pourraient encore se dérouler sur notre continent, si près de chez nous.
Confrontée à ce drame, la communauté internationale ne pouvait rester passive. Je voudrais évoquer maintenant les réactions de notre pays et de différentes organisations internationales dont nous faisons partie.
Sur le plan militaire, notre force aérienne a participé à l'action de coercition internationale qui a fini par plier le régime de Belgrade. Nous pouvons rendre hommage à nos pilotes qui, chaque jour, risquaient leur vie. Lorsque j'ai été les voir à Amendola, j'ai été frappé par leur sang-froid et leur détermination. Avec le personnel au sol, ils ont formé une équipe efficace qui mérite toute notre admiration. Sur le plan humanitaire, nos forces armées ont aidé et escorté les réfugiés. Elles ont aussi construit des camps pour les accueillir. En évoquant ces différents engagements de nos militaires, je pense également à leurs familles qui restent ici au pays. Elles doivent faire face à une absence parfois longue et surmonter nombre d'appréhensions. Leur contribution peu visible n'en est pas moins indispensable.
Toute notre population a fait preuve d'un remarquable élan de solidarité pour soutenir des personnes complètement démunies. Diverses organisations non gouvernementales comme la Croix-Rouge, Médecins Sans Frontières, Unicef, Caritas, Oxfam, Balkanactie et d'autres furent d'une très grande générosité et efficacité. J'ai eu l'occasionn d'en féliciter certaines, mais je voudrais aujourd'hui rendre publiquement hommage à toutes. Je me dois aussi de rappeler l'action efficace des autorités pour accueillir des réfugiés kosovars dans notre pays.
Enfin, sur le plan diplomatique, la Belgique s'est efforcée de favoriser le retour à la paix. Elle contribue à maintenir cette paix en participant à l'effort international par l'envoi d'un important détachement belge au Kosovo. Dans tous ces domaines, nous pouvons être fiers de notre action. Une bonne partie de nos interventions se sont effectuées au sein de l'Union Européenne et de l'Otan. L'Union Européenne a joué un rôle actif aussi bien sur le plan de l'aide humanitaire que sur le plan diplomatique. L'expérience de ce conflit montrera, je l'espère, d'une part la nécessité d'une politique étrangère commune et d'autre part l'urgence d'une politique de sécurité commune. Dans ces deux domaines, le chemin à parcourir est encore long. L'Otan a fait preuve d'une cohésion et d'une détermination remarquables. Les démocraties unies et décidées peuvent faire battre en retraite ceux qui commettent des crimes contre l'humanité. Ceci est un signal essentiel pour décourager à l'avenir toute tentative d'épuration ethnique et conforter notre devoir d'ingérence humanitaire".
Quelques semaines avant les élections législatives, régionales et européennes du 13 juin 1999, le scandale de la dioxine éclate. Diverses analyses concluent qu'il y a un risque de contamination de certaines farines animales par PCB. De nombreux produits sont retirés provisoirement de la vente. Mais l'affaire prend un tournant politique lorsqu'on apprend que le gouvernement Dehaene II était au courant de ces analyses depuis plusieurs semaines et n'avait rien rendu public. Le ministre de la Santé Publique Marcel Colla (CVP) et le ministre de l'Agriculture Karel Pinxten (CVP) démissionnent le 1er juin. Vu l'approche de la fin de la législature, ils ne sont pas remplacés et leurs compétences sont partagées entre les autres ministres. Afin de s'informer de la situation, le Roi reçoit en juin de nombreuses personnes impliquées dans le domaine agricole.
Les élections se déroulent en pleine "crise des poulets et des oeufs à la dioxine". Aussi n'est-il pas étonnant que les partis de la majorité (CVP, SP, PS et PSC) accusent un net recul au profit d'Ecolo et d'Agalev. Le PRL-FDF-MCC (au sud) et le VLD (au nord) consolident leurs résultats de 1995. L'extrême-droite baisse en Wallonie, se stabilise à Bruxelles, mais devient le troisième parti de Flandre. Les partis issus du mouvement blanc (notamment le PNPB de Paul Marchal) ne recueillent même pas 1% des votes.
Le lendemain, Jean-Luc Dehaene présente au Roi la démission de son gouvernement et lui annonce qu'il renonce à toute fonction ministérielle. Albert II reçoit ensuite les présidents de la Chambre et du Sénat, les vice-premiers ministres et les présidents des partis démocratiques. Le 15 juin, il nomme informateur Louis Michel, le président du PRL-FDF-MCC. Une semaine plus tard, celui-ci apporte au Roi une note d'une vingtaine de pages prônant une coalition des partis libéraux, socialistes et écologistes du nord et du sud du pays.
Albert II nomme ensuite formateur Guy Verhofstadt, le président du VLD, le parti possédant le plus de sièges à la Chambre. Lors de la composition du futur gouvernement fédéral, on sait que le Roi a imposé deux de ses idées. Premièrement, il a mis son veto à la nomination du socialiste Michel Daerden, car il estimait que ses problèmes d'alcoolisme ne donnaient pas une image positive de notre pays. Aussi Michel Daerden a reçu un ministère à la région wallonne, où le souverain n'a rien à dire. Deuxièmement, lors de la campagne électorale, le libéral Louis Michel n'avait pas caché qu'il souhaitait devenir ministre de l'Intérieur et réaliser le grand défi qu'était la réforme des polices. Mais Albert II réussit à le convaincre d'accepter le ministère des Affaires étrangères, où le Roi souhaitait un "gros calibre de la politique" pour redorer l'image de la Belgique à l'étranger.
En juillet, les ministres et secrétaires d'Etat du gouvernement Verhofstadt Ier (VLD, PRL-FDF-MCC, SP, PS, Ecolo et Agalev), ainsi que les ministres-présidents des régions et communautés, prêtent serment devant le Roi dans la rotonde du château de Laeken.
Avant de partir en vacances, Albert et Paola offrent un déjeuner à l'ancien premier ministre et à son épouse Célie. Afin de montrer leur reconnaissance à Jean-Luc Dehaene (qui reçoit le titre de Ministre d'Etat) pour son soutien au début de leur règne, ils sont reçus exceptionnellement au château du Belvédère, leur résidence privée. D'après Christian Laporte (auteur d' "Albert II, premier roi fédéral" en 2003), le Roi aurait insisté en vain auprès du nouveau gouvernement pour obtenir une "récompense" (le poste de commissaire européen) pour Jean-Luc Dehaene.
Dans son discours de la fête nationale 1999, il évoque la crise de la dioxine : "Ces événements ont démontré une nouvelle fois combien il est nécessaire de moderniser et de gérer efficacement les différents services de l'Etat. Je sais que cette exigence constitue une priorité pour le gouvernement. Le secteur public doit être au service de la population. Sa véritable raison d'être, c'est de rendre aux citoyens les services qu'ils sont en droit d'en attendre, notamment dans les domaines de la sécurité des personnes et de la santé publique. Combattons donc résolument les dysfonctionnements partout où ils se présentent. La population demande avant tout que chaque niveau de pouvoir exerce efficacement les compétences qui sont les siennes. Introduisons dès lors dans les services publics la notion de qualité intégrale. Dans le secteur privé, la lutte pour rester compétitif est souvent ardue. Veillons néanmoins à ce qu'elle ne se réalise jamais aux dépens de la sécurité du travail, ni de la qualité de la vie ou de l'environnement. Enfin, c'est l'image même de la Belgique à l'étranger que nous devons tous ensemble nous efforcer de rétablir".
A l'occasion de son 65ème anniversaire en 1999, la Fondation Roi Baudouin laisse carte blanche au souverain pour choisir le thème et les objectifs d'un de ses programmes. Il exprime le voeu que la Fondation entreprenne une action en vue de soutenir l'enseignement professionnel, la formation en alternance et l'enseignement des classes moyennes. Cette action est intitulée "Un pas de plus". Le 1er février 2000, en l'absence d'Albert II en convalescence, la reine Paola et les autres membres de la famille royale assistent au Heysel au spectacle consacré à la réalisation de cette action et visitent les stands de présentation de la centaine de projets choisis et soutenus par la Fondation Roi Baudouin.
"Il y a près d'un mois, onze des quinze pays de l'Union Européenne ont franchi une nouvelle étape historique dans la construction de l'Europe en adoptant une monnaie unique : l'euro. L'événement est remarquable et constitue l'aboutissement d'une longue aventure, commencée il y a plus de trente ans avec le plan Werner. Ce parcours a connu des hauts et des bas, des moments difficiles, puis des périodes de progrès comme en 1972 lors de la création du serpent monétaire, après l'effondrement du système de Bretton Woods. En 1978, le système monétaire européen a consolidé les progrès réalisés. Quatorze ans plus tard, le traité de Maastricht instaurait une union économique et monétaire et en décembre 1995, le conseil européen de Madrid confirmait le passage à la monnaie unique à la date du 1er janvier 1999.
Tout au long de ce cheminement, notre pays a joué un rôle très constructif, un rôle moteur. Nos premiers ministres, nos ministres des finances et nos gouverneurs de la Banque Nationale, sans oublier le premier président de l'Institut Monétaire Européen, tous ont contribué avec intelligence, imagination et persévérance à la réalisation de ce vaste objectif : la création d'une monnaie commune. Mais il ne suffisait pas de contribuer à l'architecture de ce grand projet, il importait surtout d'y participer dès le début. Au cours de ces dernières années, notre pays s'est efforcé d'atteindre les normes de convergence économique et financière requises pour participer effectivement à l'euro.
Un effort budgétaire remarquable a été réalisé, puisque notre déficit exprimé en % du PIB a été ramené à 1,3 % en 1998, après avoir atteint 12,8 % en 1981. Notre dette, exprimée également en % du PIB, a été réduite substantiellement. Notre inflation est inférieure à 1% et nous avons un surplus important sur notre balance des paiements courants. L'emploi s'est amélioré même si le chômage demeure encore important dans certaines sous-régions. Dans le cadre des lignes directrices européennes pour l'emploi, le récent accord interprofessionnel est avantageux pour notre emploi et pour le maintien de notre compétitivité. Il faut s'en réjouir et il est bon de rappeler ces différentes réalisations, tout comme l'ont fait récemment aussi plusieurs institutions internationales. Cela nous donne confiance pour l'avenir".
Il évoque ensuite l'élargissement de l'Union Européenne : "Pour les nouveaux membres et en particulier ceux de l'Europe centrale et orientale, cet élargissement renforcera leur démocratie nouvelle. Quant à l'Europe, elle évoluera vers une dimension supérieure en comptant à terme plus de 500 millions d'habitants. L'adhésion du citoyen européen à ce projet d'envergure est un défi quasi permanent. Pour lui, l'euro sera sans nul doute une des preuves les plus tangibles de la réalité européenne. Néanmoins, certaines politiques européennes incomplètes provoquent encore trop souvent la méfiance de nos populations. Il appartient donc à tous les niveaux de pouvoir d'expliquer que ce n'est pas la politique poursuivie qu'il faut mettre en cause mais bien la lenteur de sa réalisation intégrale".
Et termine par un nouvel appel au civisme fédéral : "Si nous voulons que les efforts européens de la Belgique restent crédibles, nous aurons à démontrer qu'à l'intérieur même de notre pays, nous pouvons réaliser l'union dans la diversité. Il serait illusoire de nous croire un moteur de la construction européenne et donc de l'entente entre des populations aussi différentes que celles de la Méditerranée et de la Baltique, si nous ne parvenons pas à gérer harmonieusement les différences entre nos régions et communautés, pourtant si voisines. Mes nombreux contacts avec la population m'ont donné la certitude que la toute grande majorité de nos compatriotes veulent cette entente. Pour terminer, j'aimerais souligner que Bruxelles est non seulement la capitale de la Belgique et de nos deux grandes communautés, mais qu'elle est devenue aussi la capitale de l'Europe. C'est une chance unique pour Bruxelles et en fait pour tout notre pays. Saisissons donc cette chance en nous montrant ouverts et accueillants".
Le 7 février 1999, le roi Hussein de Jordanie (63 ans) décède à Amman des suites d'un cancer. Monté sur le trône en 1953, il était très aimé de son peuple et s'était beaucoup impliqué dans le processus de paix au Proche-Orient au cours de ses dernières années. En compagnie de nombreux chefs d'Etat et de gouvernement étrangers, le roi Albert et la reine Paola assistent aux funérailles. Le week-end suivant, la reine Fabiola prend à son tour le chemin de la Jordanie pour présenter ses condoléances à sa veuve la reine Noor. Toutes deux s'étaient engagées ensemble pour la promotion des femmes rurales.
Lors du voyage d'Etat du grand-duc Jean et de la grande-duchesse Joséphine-Charlotte dans notre pays en mars 1999, notre souverain déclare : "Terres d'accueil situées au carrefour des cultures latine et germanique, le grand-duché de Luxembourg et la Belgique sont aussi des démocraties pluriculturelles. Chez vous comme chez nous, la société multiculturelle n'est pas une abstraction. C'est une réalité vécue tous les jours, un dialogue fructueux entre cultures, un effort continu d'intégration qui est requis de tous, ceux établis depuis longtemps et ceux nouvellement installés dans le pays. Avec plus d'un tiers de sa population d'origine étrangère, le grand-duché est bien conscient de la nécessité de promouvoir cette intégration. Il la réalise avec succès. Ce faisant, il fournit la preuve qu'une société pluriculturelle et solidaire représente l'avenir et est à même de garantir le bien-être et la prospérité de tous ses citoyens".
Un mois plus tard, le Roi inaugure à Bruxelles la 101ème Conférence Interparlementaire. Il en profite pour avertir les représentants du monde entier : "Même dans nos démocraties bien établies, nous devons rester vigilants. Les valeurs démocratiques ne sont jamais acquises une fois pour toutes. Gardons bien à l'esprit l'expérience douloureuse des années 30 et rejetons l'intolérance, le racisme et toutes les formes d'extrémisme". Entre les lignes, il se prononce contre les partis d'extrême-droite à quelques semaines des élections régionales, législatives et européennes. Une visite du couple royal au Centre pour l'Egalité des Chances et la Lutte contre le Racisme a également lieu en 1999.
Sur le plan international, Javier Solana, secrétaire général de l'Otan, donne l'ordre au commandant suprême des forces alliées en Europe de lancer des opérations aériennes en ex-Yougoslavie. Le régime de Slobodan Milosevic persécutait depuis plusieurs mois les très nombreux Albanais vivant dans la province du Kosovo et avait quitté les pourparlers de paix à Rambouillet (France). L'Otan - dont fait partie la Belgique - ne pouvait continuer à fermer les yeux...
A l'occasion de la 101ème Conférence Interparlementaire à Bruxelles, le Roi fait, le 11 avril 1999, sa première déclaration sur les événements du Kosovo : "Non loin d'ici, au Kosovo, une horrible épuration ethnique est organisée systématiquement et à grande échelle. Les démocraties ne peuvent tolérer de tels crimes contre l'humanité". Le lendemain, nos souverains assistent au siège de la Croix-Rouge à une réunion d'information sur l'action humanitaire belge en faveur des réfugiés du Kosovo. Accompagnés par le secrétaire d'Etat à la Coopération au Développement Réginald Moreels, ils visitent ensuite le centre logistique, où étaient rassemblés les nombreux dons personnels des Belges pour les réfugiés.
Toute la famille royale se mobilise. Le 20 avril, le Roi reçoit en audience le général Klaus Naumann, président du comité militaire de l'Otan, pendant que la princesse Astrid, présidente nationale de la Croix-Rouge de Belgique, assiste à une réunion sur les événements du Kosovo entre le Bureau Humanitaire de la Commission Européenne et les Sociétés Nationales de la Croix-Rouge des quinze pays de l'U.E. Après son fils aîné, c'est au tour d'Albert II de se rendre le 22 avril à l'état-major général des forces armées pour une réunion de travail sur les opérations militaires belges en cours au Kosovo. Le lendemain, notre souverain est à la caserne de Flawinne pour encourager les 530 soldats belges, qui allaient prendre la direction de Dürres sur l'Adriatique et y effectuer des missions humanitaires. Jan Peeters, le secrétaire d'Etat responsable notamment de l'accueil des réfugiés kosovars en Belgique, est reçu le 27 avril en audience par le Roi. Deux jours plus tard, la reine Paola rencontre les familles des militaires belges participant à l'opération "Allied Force" de l'Otan et basés à Amendola en Italie. Dans l'après-midi du 4 mai, la princesse Astrid s'entretient avec des réfugiés kosovars installés dans les centres de Fraipont et Anvers. Le 6 mai, le prince Philippe se rend à l'aéroport de Melsbroek pour y saluer les militaires qui partaient en Albanie dans le cadre de l'opération "Albalodge".
Lors de son voyage d'Etat en Pologne, Albert II rappelle que "l'Alliance se voit confrontée à une crise grave au Kosovo. Le ferme soutien de la Pologne pour l'effort solidaire des Alliés fut fortement apprécié. En effet, les démocraties ne peuvent tolérer les crimes contre l'humanité inspirés par un nationalisme débridé qui n'a pas sa place sur notre continent".
Le 19 mai, le prince héritier, le ministre de la Défense Jean-Pol Poncelet et le secrétaire d'Etat à la Coopération Réginald Moreels inaugurent le camp construit par des militaires belges à Dürres en Albanie, afin d'y accueillir 2.500 réfugiés du Kosovo. Le Roi souhaitait, lui aussi, soutenir nos soldats engagés dans les opérations de l'Otan et se rend le 27 mai à la base aérienne d'Amendola en Italie. Le 3 juin, Slobodan Milosevic signe le plan de paix proposé par les huit pays les plus industrialisés de la planète. L'Otan arrête ses bombardements sept jours plus tard.
Le conflit du Kosovo est au centre du discours royal de la fête nationale 1999 : "Chacun de nous a pu suivre, grâce aux médias, la tragédie des réfugiés kosovars. Nous gardons à la mémoire ces visages ravagés par la douleur et la fatigue, ces vieillards épuisés et ces jeunes enfants terrorisés, franchissant la frontière de l'Albanie ou de la Macédoine. Des centaines de milliers de personnes persécutées et chassées de chez elles à cause de leur différence ethnique. Nous avons vu les conséquences d'un nationalisme débridé qui rappelle à beaucoup d'entre nous les tragédies de la seconde guerre mondiale. Nous ne pensions pas que de telles atrocités pourraient encore se dérouler sur notre continent, si près de chez nous.
Confrontée à ce drame, la communauté internationale ne pouvait rester passive. Je voudrais évoquer maintenant les réactions de notre pays et de différentes organisations internationales dont nous faisons partie.
Sur le plan militaire, notre force aérienne a participé à l'action de coercition internationale qui a fini par plier le régime de Belgrade. Nous pouvons rendre hommage à nos pilotes qui, chaque jour, risquaient leur vie. Lorsque j'ai été les voir à Amendola, j'ai été frappé par leur sang-froid et leur détermination. Avec le personnel au sol, ils ont formé une équipe efficace qui mérite toute notre admiration. Sur le plan humanitaire, nos forces armées ont aidé et escorté les réfugiés. Elles ont aussi construit des camps pour les accueillir. En évoquant ces différents engagements de nos militaires, je pense également à leurs familles qui restent ici au pays. Elles doivent faire face à une absence parfois longue et surmonter nombre d'appréhensions. Leur contribution peu visible n'en est pas moins indispensable.
Toute notre population a fait preuve d'un remarquable élan de solidarité pour soutenir des personnes complètement démunies. Diverses organisations non gouvernementales comme la Croix-Rouge, Médecins Sans Frontières, Unicef, Caritas, Oxfam, Balkanactie et d'autres furent d'une très grande générosité et efficacité. J'ai eu l'occasionn d'en féliciter certaines, mais je voudrais aujourd'hui rendre publiquement hommage à toutes. Je me dois aussi de rappeler l'action efficace des autorités pour accueillir des réfugiés kosovars dans notre pays.
Enfin, sur le plan diplomatique, la Belgique s'est efforcée de favoriser le retour à la paix. Elle contribue à maintenir cette paix en participant à l'effort international par l'envoi d'un important détachement belge au Kosovo. Dans tous ces domaines, nous pouvons être fiers de notre action. Une bonne partie de nos interventions se sont effectuées au sein de l'Union Européenne et de l'Otan. L'Union Européenne a joué un rôle actif aussi bien sur le plan de l'aide humanitaire que sur le plan diplomatique. L'expérience de ce conflit montrera, je l'espère, d'une part la nécessité d'une politique étrangère commune et d'autre part l'urgence d'une politique de sécurité commune. Dans ces deux domaines, le chemin à parcourir est encore long. L'Otan a fait preuve d'une cohésion et d'une détermination remarquables. Les démocraties unies et décidées peuvent faire battre en retraite ceux qui commettent des crimes contre l'humanité. Ceci est un signal essentiel pour décourager à l'avenir toute tentative d'épuration ethnique et conforter notre devoir d'ingérence humanitaire".
Quelques semaines avant les élections législatives, régionales et européennes du 13 juin 1999, le scandale de la dioxine éclate. Diverses analyses concluent qu'il y a un risque de contamination de certaines farines animales par PCB. De nombreux produits sont retirés provisoirement de la vente. Mais l'affaire prend un tournant politique lorsqu'on apprend que le gouvernement Dehaene II était au courant de ces analyses depuis plusieurs semaines et n'avait rien rendu public. Le ministre de la Santé Publique Marcel Colla (CVP) et le ministre de l'Agriculture Karel Pinxten (CVP) démissionnent le 1er juin. Vu l'approche de la fin de la législature, ils ne sont pas remplacés et leurs compétences sont partagées entre les autres ministres. Afin de s'informer de la situation, le Roi reçoit en juin de nombreuses personnes impliquées dans le domaine agricole.
Les élections se déroulent en pleine "crise des poulets et des oeufs à la dioxine". Aussi n'est-il pas étonnant que les partis de la majorité (CVP, SP, PS et PSC) accusent un net recul au profit d'Ecolo et d'Agalev. Le PRL-FDF-MCC (au sud) et le VLD (au nord) consolident leurs résultats de 1995. L'extrême-droite baisse en Wallonie, se stabilise à Bruxelles, mais devient le troisième parti de Flandre. Les partis issus du mouvement blanc (notamment le PNPB de Paul Marchal) ne recueillent même pas 1% des votes.
Le lendemain, Jean-Luc Dehaene présente au Roi la démission de son gouvernement et lui annonce qu'il renonce à toute fonction ministérielle. Albert II reçoit ensuite les présidents de la Chambre et du Sénat, les vice-premiers ministres et les présidents des partis démocratiques. Le 15 juin, il nomme informateur Louis Michel, le président du PRL-FDF-MCC. Une semaine plus tard, celui-ci apporte au Roi une note d'une vingtaine de pages prônant une coalition des partis libéraux, socialistes et écologistes du nord et du sud du pays.
Albert II nomme ensuite formateur Guy Verhofstadt, le président du VLD, le parti possédant le plus de sièges à la Chambre. Lors de la composition du futur gouvernement fédéral, on sait que le Roi a imposé deux de ses idées. Premièrement, il a mis son veto à la nomination du socialiste Michel Daerden, car il estimait que ses problèmes d'alcoolisme ne donnaient pas une image positive de notre pays. Aussi Michel Daerden a reçu un ministère à la région wallonne, où le souverain n'a rien à dire. Deuxièmement, lors de la campagne électorale, le libéral Louis Michel n'avait pas caché qu'il souhaitait devenir ministre de l'Intérieur et réaliser le grand défi qu'était la réforme des polices. Mais Albert II réussit à le convaincre d'accepter le ministère des Affaires étrangères, où le Roi souhaitait un "gros calibre de la politique" pour redorer l'image de la Belgique à l'étranger.
En juillet, les ministres et secrétaires d'Etat du gouvernement Verhofstadt Ier (VLD, PRL-FDF-MCC, SP, PS, Ecolo et Agalev), ainsi que les ministres-présidents des régions et communautés, prêtent serment devant le Roi dans la rotonde du château de Laeken.
Avant de partir en vacances, Albert et Paola offrent un déjeuner à l'ancien premier ministre et à son épouse Célie. Afin de montrer leur reconnaissance à Jean-Luc Dehaene (qui reçoit le titre de Ministre d'Etat) pour son soutien au début de leur règne, ils sont reçus exceptionnellement au château du Belvédère, leur résidence privée. D'après Christian Laporte (auteur d' "Albert II, premier roi fédéral" en 2003), le Roi aurait insisté en vain auprès du nouveau gouvernement pour obtenir une "récompense" (le poste de commissaire européen) pour Jean-Luc Dehaene.
Dans son discours de la fête nationale 1999, il évoque la crise de la dioxine : "Ces événements ont démontré une nouvelle fois combien il est nécessaire de moderniser et de gérer efficacement les différents services de l'Etat. Je sais que cette exigence constitue une priorité pour le gouvernement. Le secteur public doit être au service de la population. Sa véritable raison d'être, c'est de rendre aux citoyens les services qu'ils sont en droit d'en attendre, notamment dans les domaines de la sécurité des personnes et de la santé publique. Combattons donc résolument les dysfonctionnements partout où ils se présentent. La population demande avant tout que chaque niveau de pouvoir exerce efficacement les compétences qui sont les siennes. Introduisons dès lors dans les services publics la notion de qualité intégrale. Dans le secteur privé, la lutte pour rester compétitif est souvent ardue. Veillons néanmoins à ce qu'elle ne se réalise jamais aux dépens de la sécurité du travail, ni de la qualité de la vie ou de l'environnement. Enfin, c'est l'image même de la Belgique à l'étranger que nous devons tous ensemble nous efforcer de rétablir".
A l'occasion de son 65ème anniversaire en 1999, la Fondation Roi Baudouin laisse carte blanche au souverain pour choisir le thème et les objectifs d'un de ses programmes. Il exprime le voeu que la Fondation entreprenne une action en vue de soutenir l'enseignement professionnel, la formation en alternance et l'enseignement des classes moyennes. Cette action est intitulée "Un pas de plus". Le 1er février 2000, en l'absence d'Albert II en convalescence, la reine Paola et les autres membres de la famille royale assistent au Heysel au spectacle consacré à la réalisation de cette action et visitent les stands de présentation de la centaine de projets choisis et soutenus par la Fondation Roi Baudouin.
mercredi 14 décembre 2011
Activités royales en novembre 2011
17 audiences pour le Roi : le premier ministre Yves Leterme (reçu 2 fois), le président du PS Elio Di Rupo (reçu 4 fois), la vice-première ministre Laurette Onkelinx, le président du SPA Bruno Tobback, le président du CD&V Wouter Beke, le président du CDH Benoît Lutgen, le président du MR Charles Michel, le président du VLD Alexander De Croo, ainsi que les ambassadeurs d'Israël, de Cuba, d'Arabie Saoudite, de Maurice et de Bahreïn.
4 activités officielles pour la reine Paola lors de son voyage culturel en Russie : 3ème festival international Etoiles Montantes au Kremlin à Moscou, visite d'un monastère, visite d'une galerie d'art, ballet au théâtre du Bolchoï.
1 activité officielle pour la reine Fabiola : Te Deum de la fête du Roi.
11 activités officielles pour le prince Philippe : commémoration de l'Armistice à Bruxelles, Te Deum de la fête du Roi, réception au Parlement pour la fête du Roi, visite de la Ferme du Monceau à Vaux-sur-Sûre, visite de l'entreprise de transport Charlier à Neufchâteau, réception à l'hôtel de ville de Neufchâteau, 130ème anniversaire du journal L'Echo, audience pour la Confédération Nationale des Prisonniers Politiques et la Fraternelle des Amicales de Camps de Concentration et Prisons Nazis, conférence du Club de Rome à la bibliothèque Solvay à Bruxelles, cérémonie militaire à Beauvechain pour la fin des opération en Libye, visite de l'exposition sur les miniatures flamandes à Bruxelles.
14 activités officielles pour la princesse Mathilde : visite de la Maison de la Parentalité à Péruwelz, visite de l'asbl De Bakermat à Leuven, commémoration de l'Armistice à Ypres, Te Deum de la fête du Roi, réception au Parlement pour la fête du Roi, visite de la Ferme du Monceau à Vaux-sur-Sûre, visite de l'entreprise de transport Charlier à Neufchâteau, réception à l'hôtel de ville de Neufchâteau, projet d'alphabétisation "A tot Z" à Molenbeek-Saint-Jean, lancement à Bruges de la Semaine de la lecture à voix haute, visite de l'Athénée Royal d'Eupen avec Unicef-Belgique, visite de l'Ecole communale de Transinne avec Unicef-Belgique, table ronde à Liège sur le trafic d'êtres humains, visite de l'exposition sur les miniatures flamandes à Bruxelles.
9 activités officielles pour la princesse Astrid : Te Deum de la fête du Roi, réception au Parlement pour la fête du Roi, visite d'un projet de recherche sur la tuberculose à l'Hôpital Erasme, 50ème anniversaire de l'Espace Social Télé-Service à Bruxelles, concert de gala du Service Médical de l'armée belge, remise des prix 2011 des fonds scientifiques de la Fondation Roi Baudouin, voyage aux Emirats Arabes Unis pour parler avec les autorités de la malaria, voyage au Qatar pour parler avec les autorités de la malaria, voyage au Koweït pour parler avec les autorités de la malaria (impossible de trouver un programme plus détaillé de cette tournée au Moyen-Orient).
2 activités officielles pour le prince Lorenz : Te Deum de la fête du Roi et réception au Parlement pour la fête du Roi.
2 activités officielles pour le prince Laurent : Te Deum de la fête du Roi et réception au Parlement pour la fête du Roi.
3 activités officielles pour la princesse Claire : Te Deum de la fête du Roi, réception au Parlement pour la fête du Roi, visite du centre Nos Pilifs pour enfant autistes à Bruxelles.
Résumé des activités officielles de janvier à novembre 2011 (source : www.monarchie.be) :
Roi : 165 audiences + 46 activités officielles
Prince Philippe : 200 activités officielles
Princesse Mathilde : 161 activités officielles
Princesse Astrid : 86 activités officielles
Reine Paola : 65 activités officielles
Prince Laurent : 30 activités officielles
Prince Lorenz : 29 activités officielles
Princesse Claire : 21 activités officielles
Reine Fabiola : 19 activités officielles
4 activités officielles pour la reine Paola lors de son voyage culturel en Russie : 3ème festival international Etoiles Montantes au Kremlin à Moscou, visite d'un monastère, visite d'une galerie d'art, ballet au théâtre du Bolchoï.
1 activité officielle pour la reine Fabiola : Te Deum de la fête du Roi.
11 activités officielles pour le prince Philippe : commémoration de l'Armistice à Bruxelles, Te Deum de la fête du Roi, réception au Parlement pour la fête du Roi, visite de la Ferme du Monceau à Vaux-sur-Sûre, visite de l'entreprise de transport Charlier à Neufchâteau, réception à l'hôtel de ville de Neufchâteau, 130ème anniversaire du journal L'Echo, audience pour la Confédération Nationale des Prisonniers Politiques et la Fraternelle des Amicales de Camps de Concentration et Prisons Nazis, conférence du Club de Rome à la bibliothèque Solvay à Bruxelles, cérémonie militaire à Beauvechain pour la fin des opération en Libye, visite de l'exposition sur les miniatures flamandes à Bruxelles.
14 activités officielles pour la princesse Mathilde : visite de la Maison de la Parentalité à Péruwelz, visite de l'asbl De Bakermat à Leuven, commémoration de l'Armistice à Ypres, Te Deum de la fête du Roi, réception au Parlement pour la fête du Roi, visite de la Ferme du Monceau à Vaux-sur-Sûre, visite de l'entreprise de transport Charlier à Neufchâteau, réception à l'hôtel de ville de Neufchâteau, projet d'alphabétisation "A tot Z" à Molenbeek-Saint-Jean, lancement à Bruges de la Semaine de la lecture à voix haute, visite de l'Athénée Royal d'Eupen avec Unicef-Belgique, visite de l'Ecole communale de Transinne avec Unicef-Belgique, table ronde à Liège sur le trafic d'êtres humains, visite de l'exposition sur les miniatures flamandes à Bruxelles.
9 activités officielles pour la princesse Astrid : Te Deum de la fête du Roi, réception au Parlement pour la fête du Roi, visite d'un projet de recherche sur la tuberculose à l'Hôpital Erasme, 50ème anniversaire de l'Espace Social Télé-Service à Bruxelles, concert de gala du Service Médical de l'armée belge, remise des prix 2011 des fonds scientifiques de la Fondation Roi Baudouin, voyage aux Emirats Arabes Unis pour parler avec les autorités de la malaria, voyage au Qatar pour parler avec les autorités de la malaria, voyage au Koweït pour parler avec les autorités de la malaria (impossible de trouver un programme plus détaillé de cette tournée au Moyen-Orient).
2 activités officielles pour le prince Lorenz : Te Deum de la fête du Roi et réception au Parlement pour la fête du Roi.
2 activités officielles pour le prince Laurent : Te Deum de la fête du Roi et réception au Parlement pour la fête du Roi.
3 activités officielles pour la princesse Claire : Te Deum de la fête du Roi, réception au Parlement pour la fête du Roi, visite du centre Nos Pilifs pour enfant autistes à Bruxelles.
Résumé des activités officielles de janvier à novembre 2011 (source : www.monarchie.be) :
Roi : 165 audiences + 46 activités officielles
Prince Philippe : 200 activités officielles
Princesse Mathilde : 161 activités officielles
Princesse Astrid : 86 activités officielles
Reine Paola : 65 activités officielles
Prince Laurent : 30 activités officielles
Prince Lorenz : 29 activités officielles
Princesse Claire : 21 activités officielles
Reine Fabiola : 19 activités officielles
vendredi 9 décembre 2011
Opinion de Corentin de Salle sur le prince Laurent
Cette semaine, le journal Le Soir a publié une carte blanche de Corentin de Salle, juriste et docteur en philosophie, qui apporte un éclairage inédit sur les polémiques qui entourent le prince Laurent de Belgique :
"Rien ne peut justifier le fait de frapper une femme. Rien non plus n'excuse les excès de vitesse en agglomération à l'origine d'un nombre important de victimes chaque année. On peut également s'interroger sur la légitimité d'une dotation mensuelle de 25.500 euros financée par les citoyens, dont certains éprouvent des difficultés à honorer leur facture de chauffage, surtout lorsque cet argent sert à jouer à l'homme d'affaire. Le manque d'amour, d'attention et de considération dont le prince Laurent a pu souffrir dans ses jeunes années ne l'exonère nullement de la responsabilité morale de ses actes. Même s'il a tendance à l'oublier, c'est un justiciable comme un autre.
Ceci étant dit, j'aimerais défendre, malgré tout, Laurent contre une accusation - commune aux monarchistes et antimonarchistes - qui me semble foncièrement injuste. Laquelle? Celle-ci : par ses écarts répétés, le prince jette le discrédit sur l'institution monarchique et en lézarde les fondements. Je pense tout le contraire : Laurent est - peut-être à son insu - une pièce essentielle du dispositif monarchique. Personne ne l'a vraiment forcé à jouer ce rôle mais ce dernier est nécessaire. Ce qui rend fascinante l'étude des institutions séculaires, c'est qu'elles engendrent spontanément les forces antagonistes nécessaires à leur équilibre et à leur pérennité.
La monarchie est d'abord l'exercice d'une représentation qui implique une distribution des rôles. Les circonstances de son existence ont fait que, progressivement, Laurent en soit venu à incarner l'envers complémentaire des valeurs monarchiques. On dit de la ponctualité qu'elle est la politesse des rois. Laurent est toujours en retard. Le protocole royal est majestueux, statique et hiératique. Laurent ne tient pas en place. La monarchie est fondamentalement lente et sert d'amortisseur aux secousses de la vie politique. Laurent est un passionné de vitesse. La royauté rayonne, va constamment du centre à la périphérie. Elle donne et se répand. Laurent, lui, aspire à la reconnaissance, accumule et va constamment chercher à l'extérieur ce qui lui paraît nécessaire. On retrouve ici, sous une forme miniaturisée, les forces centrifuges et centripèdes du régime monarchique : d'une part, le Roi qui centralise et d'autre part, la noblesse turbulente qui veut s'enrichir et conquérir des privilèges. Dans la saga des "Rois Maudits", Robert d'Artois, personnage encombrant et haut en couleur, se livre à mille manoeuvres douteuses pour accroître sa fortune et exige que lui soit restitué le droit vassalique de battre sa propre monnaie. Il y a quelque chose de cela, chez Laurent, dans les combines un peu troubles autour de ses fondations et dans sa volonté, très féodale, de ne pas devoir payer ou du moins d'exiger une ristourne de 30% sur ses notes de restaurant.
La royauté ne peut faire l'économie du scandale qui, paradoxalement et indirectement, alimente sa légitimité. En Belgique, la monarchie s'appuie simultanément sur le scandale (excentricités de Léopold II, mésalliance de Léopold III, infidélités diverses, enfants illégitimes, etc.) et le déni persistant de cette réalité scandaleuse. Ces rôles peuvent d'ailleurs être assurés par les mêmes personnes à diverses périodes de leurs vies. Ces deux dimensions sont inséparables : le protocole, le faste, la grandeur d'une part, la transgression et l'anticonformisme d'autre part.
Pourquoi le scandale est-il nécessaire? Parce que la monarchie repose sur une ambiguïté fondamentale : d'une part, on fait tout pour convaincre la population que le Roi est un être d'une nature supérieure (il existe un protocole, une étiquette, des préséances, on ne peut directement poser une question au Roi, c'est une puissance anoblissante, etc.) et, d'autre part, on fait tout pour montrer qu'il est simple, débonnaire, moderne, réconfortant, consolateur et proche des gens. "Proche" mais pas identique. Toute la nuance est là. L'activité même de rapprochement - à laquelle se résume la majeure partie de ses apparitions publiques - serait impossible s'il y avait identité entre le Roi et ses sujets. Pour que cette bonne volonté de rapprochement soit appréciée, il faut que les sujets restent imprégnés du sentiment de la grandeur du souverain. Il faut qu'ils attribuent le comportement du souverain à la possession de qualités humaines. Le souverain doit donc être avantageusement comparé à des anti-modèles. Dans chaque famille royale, il a toujours existé une personnalité capricieuse, rebelle et excentrique : Stéphanie Grimaldi dans la famille monégasque, lady Diana chez les Windsor, p.ex. Baudouin statufiait la morale mais son beau-frère le flamboyant Jaime de Mora y Aragon, surnommé "Fabiolo", fut successivement taximan, acteur, chanteur de cabaret, toréador et lutteur argentin. Les frasques du prince Laurent permettent paradoxalement à son père Albert II d'incarner, en contrepoint, son rôle de roi. Tout comme l'actuel roi, trente ans plus tôt, consolidait lui-même par ses écarts l'autorité morale de son frère Baudouin.
Le scandale a une autre fonction : il alimente le débat et assure la popularité de la royauté. Qu'on le veuille ou non, la légitimité d'une monarchie constitutionnelle dépend de sa popularité. Mais le faste et l'étiquette ne sont pas suffisants pour assurer cette popularité. Le protocole est fait pour être rompu, y compris de temps à autre par le souverain. Les Belges ont apprécié que le Roi sorte de ses gonds le temps d'un discours très critique contre le caractère interminable de la crise politique. Le respect inconditionnel du protocole fabrique des automates. Une monarchie qui ne scandalise plus est une monarchie qui se dévitalise. Il y a deux types de profils : ceux qui, par leur respect des usages, (re)constituent le capital de respectabilité indispensable à la monarchie et ceux qui, plus rares, transforment par leurs transgressions cette respectabilité en popularité. Chez les Windsor, on trouvait cette belle mécanique entre Elisabeth II et lady Diana. Elles ont contribué, à part égale, à la solidité de la monarchie britannique : lady Diana rendait la monarchie populaire mais ses frasques n'auraient suscité aucun intérêt si Elisabeth II n'avait pas été simultanément la gardienne de la grandeur et de l'étiquette.
Le prince Laurent ne met pas la monarchie en péril. Il la vivifie. Philippe jouera probablement le rôle de gardien du protocole. Oscar Wilde estimait que les seules fautes réellement impardonnables, ce sont les fautes de goût. Se défaire de la monarchie, ce serait un crime esthétique. Une république ne serait-elle pas plus commode? Peut-être. Mais si l'on raisonne de manière utilitaire, pourquoi ne pas débaptiser toutes les rues et les remplacer par des numéros? Ce serait plus "pratique", non? Ne sous-estimons pas la difficulté à construire des symboles de légitimité. Cela fait des décennies que, en dépit des sommes colossales dépensées à des fins de marketing, l'Union Européenne échoue à susciter l'adhésion citoyenne. Ces choses-là prennent du temps à construire et sont dès lors précieuses..."
Corentin de Salle, juriste et docteur en philosphie, publié dans "Le Soir", décembre 2011.
"Rien ne peut justifier le fait de frapper une femme. Rien non plus n'excuse les excès de vitesse en agglomération à l'origine d'un nombre important de victimes chaque année. On peut également s'interroger sur la légitimité d'une dotation mensuelle de 25.500 euros financée par les citoyens, dont certains éprouvent des difficultés à honorer leur facture de chauffage, surtout lorsque cet argent sert à jouer à l'homme d'affaire. Le manque d'amour, d'attention et de considération dont le prince Laurent a pu souffrir dans ses jeunes années ne l'exonère nullement de la responsabilité morale de ses actes. Même s'il a tendance à l'oublier, c'est un justiciable comme un autre.
Ceci étant dit, j'aimerais défendre, malgré tout, Laurent contre une accusation - commune aux monarchistes et antimonarchistes - qui me semble foncièrement injuste. Laquelle? Celle-ci : par ses écarts répétés, le prince jette le discrédit sur l'institution monarchique et en lézarde les fondements. Je pense tout le contraire : Laurent est - peut-être à son insu - une pièce essentielle du dispositif monarchique. Personne ne l'a vraiment forcé à jouer ce rôle mais ce dernier est nécessaire. Ce qui rend fascinante l'étude des institutions séculaires, c'est qu'elles engendrent spontanément les forces antagonistes nécessaires à leur équilibre et à leur pérennité.
La monarchie est d'abord l'exercice d'une représentation qui implique une distribution des rôles. Les circonstances de son existence ont fait que, progressivement, Laurent en soit venu à incarner l'envers complémentaire des valeurs monarchiques. On dit de la ponctualité qu'elle est la politesse des rois. Laurent est toujours en retard. Le protocole royal est majestueux, statique et hiératique. Laurent ne tient pas en place. La monarchie est fondamentalement lente et sert d'amortisseur aux secousses de la vie politique. Laurent est un passionné de vitesse. La royauté rayonne, va constamment du centre à la périphérie. Elle donne et se répand. Laurent, lui, aspire à la reconnaissance, accumule et va constamment chercher à l'extérieur ce qui lui paraît nécessaire. On retrouve ici, sous une forme miniaturisée, les forces centrifuges et centripèdes du régime monarchique : d'une part, le Roi qui centralise et d'autre part, la noblesse turbulente qui veut s'enrichir et conquérir des privilèges. Dans la saga des "Rois Maudits", Robert d'Artois, personnage encombrant et haut en couleur, se livre à mille manoeuvres douteuses pour accroître sa fortune et exige que lui soit restitué le droit vassalique de battre sa propre monnaie. Il y a quelque chose de cela, chez Laurent, dans les combines un peu troubles autour de ses fondations et dans sa volonté, très féodale, de ne pas devoir payer ou du moins d'exiger une ristourne de 30% sur ses notes de restaurant.
La royauté ne peut faire l'économie du scandale qui, paradoxalement et indirectement, alimente sa légitimité. En Belgique, la monarchie s'appuie simultanément sur le scandale (excentricités de Léopold II, mésalliance de Léopold III, infidélités diverses, enfants illégitimes, etc.) et le déni persistant de cette réalité scandaleuse. Ces rôles peuvent d'ailleurs être assurés par les mêmes personnes à diverses périodes de leurs vies. Ces deux dimensions sont inséparables : le protocole, le faste, la grandeur d'une part, la transgression et l'anticonformisme d'autre part.
Pourquoi le scandale est-il nécessaire? Parce que la monarchie repose sur une ambiguïté fondamentale : d'une part, on fait tout pour convaincre la population que le Roi est un être d'une nature supérieure (il existe un protocole, une étiquette, des préséances, on ne peut directement poser une question au Roi, c'est une puissance anoblissante, etc.) et, d'autre part, on fait tout pour montrer qu'il est simple, débonnaire, moderne, réconfortant, consolateur et proche des gens. "Proche" mais pas identique. Toute la nuance est là. L'activité même de rapprochement - à laquelle se résume la majeure partie de ses apparitions publiques - serait impossible s'il y avait identité entre le Roi et ses sujets. Pour que cette bonne volonté de rapprochement soit appréciée, il faut que les sujets restent imprégnés du sentiment de la grandeur du souverain. Il faut qu'ils attribuent le comportement du souverain à la possession de qualités humaines. Le souverain doit donc être avantageusement comparé à des anti-modèles. Dans chaque famille royale, il a toujours existé une personnalité capricieuse, rebelle et excentrique : Stéphanie Grimaldi dans la famille monégasque, lady Diana chez les Windsor, p.ex. Baudouin statufiait la morale mais son beau-frère le flamboyant Jaime de Mora y Aragon, surnommé "Fabiolo", fut successivement taximan, acteur, chanteur de cabaret, toréador et lutteur argentin. Les frasques du prince Laurent permettent paradoxalement à son père Albert II d'incarner, en contrepoint, son rôle de roi. Tout comme l'actuel roi, trente ans plus tôt, consolidait lui-même par ses écarts l'autorité morale de son frère Baudouin.
Le scandale a une autre fonction : il alimente le débat et assure la popularité de la royauté. Qu'on le veuille ou non, la légitimité d'une monarchie constitutionnelle dépend de sa popularité. Mais le faste et l'étiquette ne sont pas suffisants pour assurer cette popularité. Le protocole est fait pour être rompu, y compris de temps à autre par le souverain. Les Belges ont apprécié que le Roi sorte de ses gonds le temps d'un discours très critique contre le caractère interminable de la crise politique. Le respect inconditionnel du protocole fabrique des automates. Une monarchie qui ne scandalise plus est une monarchie qui se dévitalise. Il y a deux types de profils : ceux qui, par leur respect des usages, (re)constituent le capital de respectabilité indispensable à la monarchie et ceux qui, plus rares, transforment par leurs transgressions cette respectabilité en popularité. Chez les Windsor, on trouvait cette belle mécanique entre Elisabeth II et lady Diana. Elles ont contribué, à part égale, à la solidité de la monarchie britannique : lady Diana rendait la monarchie populaire mais ses frasques n'auraient suscité aucun intérêt si Elisabeth II n'avait pas été simultanément la gardienne de la grandeur et de l'étiquette.
Le prince Laurent ne met pas la monarchie en péril. Il la vivifie. Philippe jouera probablement le rôle de gardien du protocole. Oscar Wilde estimait que les seules fautes réellement impardonnables, ce sont les fautes de goût. Se défaire de la monarchie, ce serait un crime esthétique. Une république ne serait-elle pas plus commode? Peut-être. Mais si l'on raisonne de manière utilitaire, pourquoi ne pas débaptiser toutes les rues et les remplacer par des numéros? Ce serait plus "pratique", non? Ne sous-estimons pas la difficulté à construire des symboles de légitimité. Cela fait des décennies que, en dépit des sommes colossales dépensées à des fins de marketing, l'Union Européenne échoue à susciter l'adhésion citoyenne. Ces choses-là prennent du temps à construire et sont dès lors précieuses..."
Corentin de Salle, juriste et docteur en philosphie, publié dans "Le Soir", décembre 2011.
lundi 28 novembre 2011
Les 60 ans de la princesse Léa de Belgique
Née le 2 décembre 1951 à Etterbeek, Léa Wolman effectue dans notre capitale ses études secondaires, suivies d'un brevet commercial. Divorcée, elle a deux enfants : Laetitia Spetschinsky (née en 1976) et Renaud Bichara (né en 1983). Elle rencontre le prince Alexandre de Belgique en 1986 à la côte belge chez un ami commun avec le ministre Mundeleer. Ce qui l'a séduit? "Sa modestie, son intelligence hors du commun, sa gentillesse et son extrême courtoisie. J'avais l'impression de le connaître depuis toujours" m'a-t-elle confié. Plus d'infos sur le prince : http://familleroyalebelge.blogspot.com/2010/11/le-prince-alexandre-de-belgique.html
Le couple se marie en toute discrétion le 14 mars 1991 près de Londres et part en voyage de noces en Inde. Leur union n'est pas rendue publique à la demande du prince. La princesse Léa expliquera en 2008 au magazine "Point de Vue" : "Je crois que mon mari n'a pas osé avouer à sa mère qu'il m'avait rencontrée. Il pensait que les questions se résolvent avec le temps. Lourde erreur. Notre union a été officialisée lors du mariage de ma belle-soeur Marie-Esméralda. Je n'en ai jamais voulu à ma belle-mère. Elle adorait son fils. Je n'ai pas de regrets. Je ne regarde pas en arrière. Il faut en finir avec le malheur. C'est le présent et l'avenir qui m'interpellent. Je sais que le roi Baudouin avait écrit à son frère une lettre magnifique où il se réjouissait de faire bientôt ma connaissance. Seule la mort l'en a empêché".
Surprise en octobre 1996 dans la nécrologie de plusieurs quotidiens : le nom du prince figure aux côtés de Léa Wolman sur le faire-part de décès de la mère de cette dernière. Discrètement, il tient à faire savoir qu'il n'était plus célibataire et que Mme Wolman est la femme qui partage sa vie dans leur maison de Rhode-Saint-Genèse qui a autrefois appartenu au premier ministre Paul-Emile Janson.
Nouvelle surprise en juillet 1998 : l'hebdomadaire satirique "Pan" révèle que le prince avait épousé Léa Wolman en 1991. Le Palais confirme l'information. Le 4 septembre 1998, le couple pose ensemble pour la presse et organise un dîner pour 150 convives (dont le prince Laurent) au château de Corroy-le-Château de leur ami le marquis Olivier de Trazegnies. La princesse Lilian n'y assiste pas.
Alexandre et Léa apparaissent aux côtés de toute la famille royale belge en 1999 lors des 65 ans du roi Albert II et lors du mariage du prince Philippe. Ils accompagnent le Roi et la Reine à une exposition de photos de leur père en 2000, et à l'inauguration de la Salle Léopold III au Musée de la Dynastie en 2001. La princesse Léa est une femme charmante, élégante et intelligente qui a incontestablement apporté le bonheur et la sérénité à son mari discret et réservé. Ce dernier s'est beaucoup occupé de ses beaux-enfants Laetitia et Renaud.
Le couple princier débute son action sociale publique en organisant un dîner de bienfaisance au profit de l'hôpital belge Rosales, fondé il y a cent ans au Salvador, puis un autre dîner au profit d'Aide Info Sida. La princesse accepte d'accorder son Haut Patronage à l'Association des Femmes d'Amérique Latine et à la soirée annuelle de bienfaisance "La Nuit des Neiges" à Crans-Montana. C'est dans cette station suisse que sa fille Laetitia épouse en 2006 Didier Nagant de Deuxchaines, ancien conseiller du prince Philippe.
Le Fonds d'Entraide Prince et Princesse Alexandre est créé en 2006. Léa le présente à "La Libre Match" : "Cela fait de longues années et en toute discrétion que le prince et moi-même apportons notre contribution personnelle à des causes qui nous sont chères. En Belgique, beaucoup de personnes sont trop bien élevées pour faire parler d'elles mais nombreuses sont celles qui possèdent une valeur inestimable. Je porte leurs oeuvres dans mon coeur et je les soutiens dans la mesure de mes possibilités. J'aimerais citer à ce titre l'association La Fontaine qui accueille les sans abris, Aide Info Sida dont nous sommes un maillon de la chaîne de solidarité, et l'association Trempoline avec laquelle Mr Vanderstraeten s'occupe de la réinsertion sociale d'anciens toxicomanes. Puis j'ajouterai l'Association des Femmes d'Amérique Latine, le Zeepreventorium, L'Accueil, Kid's Hope et d'autres encore dont la liste devient de plus en plus longue, tant les gens que nous rencontrons sont extraordinaires dans leur dévouement. Il convient notamment de briser le tabou qui entoure le sida. A ce titre, nous avons organisé un dîner précédé d'un concert donné par la pianiste russe Irina Lankova au profit d'Aide Info Sida dont l'objectif est d'accompagner les personnes atteintes de cette maladie et de prévenir de nouvelles contaminations. L'importance de cette mission et le formidable dévouement de nombreux bénévoles m'ont beaucoup émue.
J'ai toujours considéré le dévouement social comme l'une des missions de ma vie. Or si ma devise que j'ai inscrite dans la vigne à Farinet en Suisse selon la coutume locale, est "Ne jamais dire, faire", il devenait utile d'avoir une structure ad hoc afin de respecter ce principe de transparence qui est important pour moi. Elle est réduite à sa plus simple expression car formée de quatre membres : mon époux le prince Alexandre, ma fille, mon fils et moi-même. Pour ce qui est de l'administration, nous avons un bureau comptable et un secrétariat bénévoles que je remercie par la même occasion. Cela diminue considérablement les frais de fonctionnement et permet d'intervenir au plus vite sans avoir un nombre considérable d'intermédiaires. Nous vivons dans un monde de solitude dans lequel la solidarité et le contact humain sont plus importants que jamais. Notre fonds d'entraide se veut une main tendue et chaleureuse à tous ceux que la vie a malmenés".
Le premier dîner au profit du Fonds d'Entraide Prince et Princesse Alexandre a lieu en novembre au Musée Ferrari de Bruxelles sur le thème "Léopold III et Ferrari, l'histoire d'une passion". 30.000 euros sont distribués en 2006 par le Fonds, notamment à l'opération Télévie au profit de la recherche contre la leucémie, et au projet de transformation de l'ancienne villa royale d'Ostende en centre de revalidation pour patients cancéreux.
En mars 2007, la princesse confie au magazine "Royals" : "Nous ne sommes pas des Mère Térésa ou des Abbé Pierre, nous sommes des gens ordinaires qui essaient de faire le bien autour d'eux. J'ai été éduquée dans l'esprit d'aider les autres, si du moins vous en avez la possibilité. Ma mère s'est fortement mais discrètement engagée dans la lutte contre la lèpre. Donc, je me suis toujours engagée aussi. Et maintenant que mon mariage avec un prince de Belgique me permet d'aider plus de gens, il serait dommage que je ne le fasse pas. Ce sont surtout les personnes qui se trouvent derrière les projets qui me convainquent ou non de soutenir leur projet. Lorsque quelqu'un me demande de l'aide, je vais voir sur le terrain, parfois à deux ou trois reprises. Mais dès que je suis persuadée du bien-fondé du projet, je fonce".
Elle évoque aussi son mari : "Je trouve malheureux de devoir souvent me déplacer seule dans le cadre de mes activités. Je préférerais accompagner mon époux plutôt que l'inverse. Mais vous savez, le prince est très discret. Il n'aime pas attirer l'attention. C'est d'ailleurs là un autre de mes chevaux de bataille : faire en sorte que les Belges n'oublient pas le prince Alexandre. Je fais de mon mieux, mais il préfère rester le nez dans ses bouquins, surtout les ouvrages scientifiques et littéraires, deux domaines qui le passionnent. Nous sommes vraiment à l'opposé l'un de l'autre. Ne dit-on pas que les contraires s'attirent?".
Et ses enfants : "Laetitia, mon petit rayon de soleil, a quitté la maison. Heureusement, mon fils Renaud est toujours là, ce qui n'est bien sûr pas pareil qu'une relation mère-fille. Il est davantage le compagnon de mon époux ; ils sont vraiment très liés. Mais comme ma fille habite dans les environs, cela nous permet de nous voir encore régulièrement".
A l'occasion du 65ème anniversaire du prince Alexandre en 2007, son épouse lui fait la surprise de faire publier un album-photos racontant sa vie et paru aux Editions de l'Arbre. Elle confie à "Point de Vue" : "Voici un an ou deux, à l'occasion d'une soirée, j'ai rencontré une dame d'un certain âge qui m'a dit dans un sourire : "Ah bon, votre mari est donc toujours vivant?". Ma réaction fut immédiate. Il fallait d'urgence le lui prouver, et montrer à tous que nous étions en effet toujours vivants. Avec mon éditrice, nous avons sélectionné des photos, ouvrant les malles du grenier et cherchant les documents qui pourraient le mieux traduire mon message. Il fallait sortir le livre très vite pour le 65ème anniversaire de mon mari. Nous publions ainsi des documents totalement inédits. Mon souhait n'a jamais été de prendre une place que je n'ai pas. Je voulais simplement restituer à mon mari sa place dans l'histoire. C'est un homme discret et modeste. J'ai souvent été triste de constater qu'il ne bénéficiait pas d'une véritable reconnaissance de ce qu'il était. Mais je dois dire aussi que les enfants du second lit du roi Léopold ont été élevés d'une manière bien particulière : prince et princesses de Belgique, bénéficiant du prédicat d'altesse royale, mais écartés de la succession au trône. Ils ont mené une vie discrète. Je lis chez mon mari une certaine nostalgie, même s'il ne l'exprime jamais. Alexandre a reçu une très solide formation intellectuelle. C'est un scientifique, doué d'une prodigieuse mémoire, d'un sens de l'analyse éminemment brillant. Lisant au minimum un livre par jour, capable de passer d'un ouvrage sur la physique quantique à un recueil de poésie. Il me stupéfie. Il attendait assumer des responsabilités officielles mais elles ne sont pas venues. Il voulait servir mieux encore son pays, mettre cette masse de connaissances et d'expériences au service du peuple belge. Les enfants ne sont pas responsables des choix de leurs parents. Ils sont libres d'être, d'assumer leur identité propre. Mon mari a été élevé en fils de roi ; il n'était pas prévu qu'il travaille. On peut juger cela absurde, rétrograde, mais c'est ainsi. Il est possible qu'un jour les mentalités évoluent dans une direction plus moderne. Son intelligence est très vive mais elle n'a pas été suffisamment utilisée". Plus d'infos sur cet album-photos : http://familleroyalebelge.blogspot.com/2009/11/le-prince-alexandre-de-belgique-lea-de.html
Un an plus tard, la princesse Léa sort "Les amis de Valdi et Rush", un livre de contes qu'elle a écrits et qui sont illustrés par Vincent Wauthier. Un CD trilingue l'accompagne : Stéphane Bern a enregistré les contes en français, Helmut Lotti en néerlandais et la princesse en allemand. Les droits d'auteurs seront versés au Fonds d'Entraide Prince et Princesse Alexandre. Léa confie à la presse : "Ces contes correspondent aux histoires que je racontais à mes enfants. Je n'avais jamais rien osé publier, puis je me suis dit que j'aimerais en faire un livre dans les trois langues nationales, car çà manquait. Le CD qui accompagne le livre s'adresse aux enfants non voyants, mais aussi aux enfants qui n'ont pas de maman ou de papa pour leur lire des contes. Il y a sept contes, des histoires d'animaux qui racontent aussi les problèmes que les enfants peuvent connaître".
Le 29 novembre 2009, alors qu'il faisait sa gymnastique comme tous les jours dans leur résidence de Rhode-Saint-Genèse, le prince Alexandre (67 ans) est terrassé par une embolie pulmonaire foudroyante. C'est son beau-fils Renaud qui l'a retrouvé, allongé au sol entre le vélo d'appartement et le tapis roulant. Ayant reçu une formation de secouriste, il lui pratique immédiatement un massage cardiaque. Les secours arrivent rapidement, mais rien n'y fait. Ses funérailles ont lieu en l'église Notre-Dame de Laeken. Plus d'infos sur ce décès : http://familleroyalebelge.blogspot.com/2009/12/le-deces-du-prince-alexandre-de.html
Que devient la princesse Léa depuis deux ans? Après deux mois et demi de deuil, elle réapparaît aux côtés de toute la famille royale belge lors de la messe annuelle pour les défunts de la dynastie, puis reprend ses nombreuses activités. Elle poursuit le travail du Fonds d'Entraide Prince et Princesse Alexandre qui se consacre à un thème différent chaque année (le cancer en 2006, le handicap en 2007, les enfants hospitalisés et l'anorexie en 2008, la toxicomanie et Alzheimer en 2009, les sans abris en 2010, la maltraitance en 2011). Un exemple concret : sensibilisés par leurs amis le peintre verviétois Léopold Baijot et son épouse qui ont un fils dans le centre pour handicapés "Le Chèvrefeuille" à Spa, le fonds d'entraide verse 5.000 euros au centre. La princesse continue d'assister à des soirées de bienfaisance en Belgique, mais aussi à l'étranger au profit de "La Nuit des Neiges" en Suisse et de l'Association pour la Vie-Espoir contre le Cancer du professeur David Khayat. En 2010, on l'a également vue servir bénévolement de la soupe aux sans abris de l'asbl La Maraude à Bruxelles et rencontrer des sinistrés des inondations à Tubize. Dans le domaine culturel, Léa est la présidente d'honneur du nouveau Musée des Lettres et Manuscrits à Bruxelles qu'elle a inauguré en septembre 2011.
La princesse entretient toujours de bonnes relations avec sa belle-soeur la princesse Marie-Esméralda qui revient très souvent en Belgique, mais aussi avec les autres membres de la famille royale. Elle a confié que la reine Fabiola prenait très souvent de ses nouvelles, ce qui explique pourquoi elle a tenu à être présente à ses côtés pour la messe célébrée pour le 18ème anniversaire du décès du roi Baudouin. Léa soutient depuis de nombreuses années le travail de la Fondation Prince Laurent. Et cet automne, on l'a vue inaugurer avec la princesse Astrid le centre de revalidation pour patients cancéreux installé dans l'ancienne villa royale d'Ostende. Ces deux dernières années, la princesse Léa est également apparue aux côtés des familles non régnantes d'Albanie, de Roumanie et d'Autriche, ainsi qu'avec la cousine de son mari la princesse Marie-Gabrielle de Savoie pour faire les vendanges dans la plus petite vigne du monde dans le Valais suisse.
Défendre la mémoire du prince Alexandre est un autre de ses combats, notamment dans les interviews qu'elle donne. Pour marquer le premier anniversaire de son décès en 2010, elle organise une petite exposition en son honneur à Waterloo (photos de l'inauguration : www.noblesseetroyautes.com/nr01/2010/12/vernissage-de-lexposition-consacree-au-prince-alexandre-de-belgique-a-waterloo) et sort un petit livret intitulé "Une année sans toi" qu'elle dédicace à la Foire du Livre de Bruxelles (photos de cette séance : www.noblesseetroyautes.com/nr01/2011/02/la-princesse-lea-de-belgique-a-la-foire-du-livre-de-bruxelles).
Enfin, la princesse a la joie d'être deux fois grand-mère mais elle n'a jusqu'à présent pas posé avec ses petits-enfants afin de préserver leur anonymat.
Le couple se marie en toute discrétion le 14 mars 1991 près de Londres et part en voyage de noces en Inde. Leur union n'est pas rendue publique à la demande du prince. La princesse Léa expliquera en 2008 au magazine "Point de Vue" : "Je crois que mon mari n'a pas osé avouer à sa mère qu'il m'avait rencontrée. Il pensait que les questions se résolvent avec le temps. Lourde erreur. Notre union a été officialisée lors du mariage de ma belle-soeur Marie-Esméralda. Je n'en ai jamais voulu à ma belle-mère. Elle adorait son fils. Je n'ai pas de regrets. Je ne regarde pas en arrière. Il faut en finir avec le malheur. C'est le présent et l'avenir qui m'interpellent. Je sais que le roi Baudouin avait écrit à son frère une lettre magnifique où il se réjouissait de faire bientôt ma connaissance. Seule la mort l'en a empêché".
Surprise en octobre 1996 dans la nécrologie de plusieurs quotidiens : le nom du prince figure aux côtés de Léa Wolman sur le faire-part de décès de la mère de cette dernière. Discrètement, il tient à faire savoir qu'il n'était plus célibataire et que Mme Wolman est la femme qui partage sa vie dans leur maison de Rhode-Saint-Genèse qui a autrefois appartenu au premier ministre Paul-Emile Janson.
Nouvelle surprise en juillet 1998 : l'hebdomadaire satirique "Pan" révèle que le prince avait épousé Léa Wolman en 1991. Le Palais confirme l'information. Le 4 septembre 1998, le couple pose ensemble pour la presse et organise un dîner pour 150 convives (dont le prince Laurent) au château de Corroy-le-Château de leur ami le marquis Olivier de Trazegnies. La princesse Lilian n'y assiste pas.
Alexandre et Léa apparaissent aux côtés de toute la famille royale belge en 1999 lors des 65 ans du roi Albert II et lors du mariage du prince Philippe. Ils accompagnent le Roi et la Reine à une exposition de photos de leur père en 2000, et à l'inauguration de la Salle Léopold III au Musée de la Dynastie en 2001. La princesse Léa est une femme charmante, élégante et intelligente qui a incontestablement apporté le bonheur et la sérénité à son mari discret et réservé. Ce dernier s'est beaucoup occupé de ses beaux-enfants Laetitia et Renaud.
Le couple princier débute son action sociale publique en organisant un dîner de bienfaisance au profit de l'hôpital belge Rosales, fondé il y a cent ans au Salvador, puis un autre dîner au profit d'Aide Info Sida. La princesse accepte d'accorder son Haut Patronage à l'Association des Femmes d'Amérique Latine et à la soirée annuelle de bienfaisance "La Nuit des Neiges" à Crans-Montana. C'est dans cette station suisse que sa fille Laetitia épouse en 2006 Didier Nagant de Deuxchaines, ancien conseiller du prince Philippe.
Le Fonds d'Entraide Prince et Princesse Alexandre est créé en 2006. Léa le présente à "La Libre Match" : "Cela fait de longues années et en toute discrétion que le prince et moi-même apportons notre contribution personnelle à des causes qui nous sont chères. En Belgique, beaucoup de personnes sont trop bien élevées pour faire parler d'elles mais nombreuses sont celles qui possèdent une valeur inestimable. Je porte leurs oeuvres dans mon coeur et je les soutiens dans la mesure de mes possibilités. J'aimerais citer à ce titre l'association La Fontaine qui accueille les sans abris, Aide Info Sida dont nous sommes un maillon de la chaîne de solidarité, et l'association Trempoline avec laquelle Mr Vanderstraeten s'occupe de la réinsertion sociale d'anciens toxicomanes. Puis j'ajouterai l'Association des Femmes d'Amérique Latine, le Zeepreventorium, L'Accueil, Kid's Hope et d'autres encore dont la liste devient de plus en plus longue, tant les gens que nous rencontrons sont extraordinaires dans leur dévouement. Il convient notamment de briser le tabou qui entoure le sida. A ce titre, nous avons organisé un dîner précédé d'un concert donné par la pianiste russe Irina Lankova au profit d'Aide Info Sida dont l'objectif est d'accompagner les personnes atteintes de cette maladie et de prévenir de nouvelles contaminations. L'importance de cette mission et le formidable dévouement de nombreux bénévoles m'ont beaucoup émue.
J'ai toujours considéré le dévouement social comme l'une des missions de ma vie. Or si ma devise que j'ai inscrite dans la vigne à Farinet en Suisse selon la coutume locale, est "Ne jamais dire, faire", il devenait utile d'avoir une structure ad hoc afin de respecter ce principe de transparence qui est important pour moi. Elle est réduite à sa plus simple expression car formée de quatre membres : mon époux le prince Alexandre, ma fille, mon fils et moi-même. Pour ce qui est de l'administration, nous avons un bureau comptable et un secrétariat bénévoles que je remercie par la même occasion. Cela diminue considérablement les frais de fonctionnement et permet d'intervenir au plus vite sans avoir un nombre considérable d'intermédiaires. Nous vivons dans un monde de solitude dans lequel la solidarité et le contact humain sont plus importants que jamais. Notre fonds d'entraide se veut une main tendue et chaleureuse à tous ceux que la vie a malmenés".
Le premier dîner au profit du Fonds d'Entraide Prince et Princesse Alexandre a lieu en novembre au Musée Ferrari de Bruxelles sur le thème "Léopold III et Ferrari, l'histoire d'une passion". 30.000 euros sont distribués en 2006 par le Fonds, notamment à l'opération Télévie au profit de la recherche contre la leucémie, et au projet de transformation de l'ancienne villa royale d'Ostende en centre de revalidation pour patients cancéreux.
En mars 2007, la princesse confie au magazine "Royals" : "Nous ne sommes pas des Mère Térésa ou des Abbé Pierre, nous sommes des gens ordinaires qui essaient de faire le bien autour d'eux. J'ai été éduquée dans l'esprit d'aider les autres, si du moins vous en avez la possibilité. Ma mère s'est fortement mais discrètement engagée dans la lutte contre la lèpre. Donc, je me suis toujours engagée aussi. Et maintenant que mon mariage avec un prince de Belgique me permet d'aider plus de gens, il serait dommage que je ne le fasse pas. Ce sont surtout les personnes qui se trouvent derrière les projets qui me convainquent ou non de soutenir leur projet. Lorsque quelqu'un me demande de l'aide, je vais voir sur le terrain, parfois à deux ou trois reprises. Mais dès que je suis persuadée du bien-fondé du projet, je fonce".
Elle évoque aussi son mari : "Je trouve malheureux de devoir souvent me déplacer seule dans le cadre de mes activités. Je préférerais accompagner mon époux plutôt que l'inverse. Mais vous savez, le prince est très discret. Il n'aime pas attirer l'attention. C'est d'ailleurs là un autre de mes chevaux de bataille : faire en sorte que les Belges n'oublient pas le prince Alexandre. Je fais de mon mieux, mais il préfère rester le nez dans ses bouquins, surtout les ouvrages scientifiques et littéraires, deux domaines qui le passionnent. Nous sommes vraiment à l'opposé l'un de l'autre. Ne dit-on pas que les contraires s'attirent?".
Et ses enfants : "Laetitia, mon petit rayon de soleil, a quitté la maison. Heureusement, mon fils Renaud est toujours là, ce qui n'est bien sûr pas pareil qu'une relation mère-fille. Il est davantage le compagnon de mon époux ; ils sont vraiment très liés. Mais comme ma fille habite dans les environs, cela nous permet de nous voir encore régulièrement".
A l'occasion du 65ème anniversaire du prince Alexandre en 2007, son épouse lui fait la surprise de faire publier un album-photos racontant sa vie et paru aux Editions de l'Arbre. Elle confie à "Point de Vue" : "Voici un an ou deux, à l'occasion d'une soirée, j'ai rencontré une dame d'un certain âge qui m'a dit dans un sourire : "Ah bon, votre mari est donc toujours vivant?". Ma réaction fut immédiate. Il fallait d'urgence le lui prouver, et montrer à tous que nous étions en effet toujours vivants. Avec mon éditrice, nous avons sélectionné des photos, ouvrant les malles du grenier et cherchant les documents qui pourraient le mieux traduire mon message. Il fallait sortir le livre très vite pour le 65ème anniversaire de mon mari. Nous publions ainsi des documents totalement inédits. Mon souhait n'a jamais été de prendre une place que je n'ai pas. Je voulais simplement restituer à mon mari sa place dans l'histoire. C'est un homme discret et modeste. J'ai souvent été triste de constater qu'il ne bénéficiait pas d'une véritable reconnaissance de ce qu'il était. Mais je dois dire aussi que les enfants du second lit du roi Léopold ont été élevés d'une manière bien particulière : prince et princesses de Belgique, bénéficiant du prédicat d'altesse royale, mais écartés de la succession au trône. Ils ont mené une vie discrète. Je lis chez mon mari une certaine nostalgie, même s'il ne l'exprime jamais. Alexandre a reçu une très solide formation intellectuelle. C'est un scientifique, doué d'une prodigieuse mémoire, d'un sens de l'analyse éminemment brillant. Lisant au minimum un livre par jour, capable de passer d'un ouvrage sur la physique quantique à un recueil de poésie. Il me stupéfie. Il attendait assumer des responsabilités officielles mais elles ne sont pas venues. Il voulait servir mieux encore son pays, mettre cette masse de connaissances et d'expériences au service du peuple belge. Les enfants ne sont pas responsables des choix de leurs parents. Ils sont libres d'être, d'assumer leur identité propre. Mon mari a été élevé en fils de roi ; il n'était pas prévu qu'il travaille. On peut juger cela absurde, rétrograde, mais c'est ainsi. Il est possible qu'un jour les mentalités évoluent dans une direction plus moderne. Son intelligence est très vive mais elle n'a pas été suffisamment utilisée". Plus d'infos sur cet album-photos : http://familleroyalebelge.blogspot.com/2009/11/le-prince-alexandre-de-belgique-lea-de.html
Un an plus tard, la princesse Léa sort "Les amis de Valdi et Rush", un livre de contes qu'elle a écrits et qui sont illustrés par Vincent Wauthier. Un CD trilingue l'accompagne : Stéphane Bern a enregistré les contes en français, Helmut Lotti en néerlandais et la princesse en allemand. Les droits d'auteurs seront versés au Fonds d'Entraide Prince et Princesse Alexandre. Léa confie à la presse : "Ces contes correspondent aux histoires que je racontais à mes enfants. Je n'avais jamais rien osé publier, puis je me suis dit que j'aimerais en faire un livre dans les trois langues nationales, car çà manquait. Le CD qui accompagne le livre s'adresse aux enfants non voyants, mais aussi aux enfants qui n'ont pas de maman ou de papa pour leur lire des contes. Il y a sept contes, des histoires d'animaux qui racontent aussi les problèmes que les enfants peuvent connaître".
Le 29 novembre 2009, alors qu'il faisait sa gymnastique comme tous les jours dans leur résidence de Rhode-Saint-Genèse, le prince Alexandre (67 ans) est terrassé par une embolie pulmonaire foudroyante. C'est son beau-fils Renaud qui l'a retrouvé, allongé au sol entre le vélo d'appartement et le tapis roulant. Ayant reçu une formation de secouriste, il lui pratique immédiatement un massage cardiaque. Les secours arrivent rapidement, mais rien n'y fait. Ses funérailles ont lieu en l'église Notre-Dame de Laeken. Plus d'infos sur ce décès : http://familleroyalebelge.blogspot.com/2009/12/le-deces-du-prince-alexandre-de.html
Que devient la princesse Léa depuis deux ans? Après deux mois et demi de deuil, elle réapparaît aux côtés de toute la famille royale belge lors de la messe annuelle pour les défunts de la dynastie, puis reprend ses nombreuses activités. Elle poursuit le travail du Fonds d'Entraide Prince et Princesse Alexandre qui se consacre à un thème différent chaque année (le cancer en 2006, le handicap en 2007, les enfants hospitalisés et l'anorexie en 2008, la toxicomanie et Alzheimer en 2009, les sans abris en 2010, la maltraitance en 2011). Un exemple concret : sensibilisés par leurs amis le peintre verviétois Léopold Baijot et son épouse qui ont un fils dans le centre pour handicapés "Le Chèvrefeuille" à Spa, le fonds d'entraide verse 5.000 euros au centre. La princesse continue d'assister à des soirées de bienfaisance en Belgique, mais aussi à l'étranger au profit de "La Nuit des Neiges" en Suisse et de l'Association pour la Vie-Espoir contre le Cancer du professeur David Khayat. En 2010, on l'a également vue servir bénévolement de la soupe aux sans abris de l'asbl La Maraude à Bruxelles et rencontrer des sinistrés des inondations à Tubize. Dans le domaine culturel, Léa est la présidente d'honneur du nouveau Musée des Lettres et Manuscrits à Bruxelles qu'elle a inauguré en septembre 2011.
La princesse entretient toujours de bonnes relations avec sa belle-soeur la princesse Marie-Esméralda qui revient très souvent en Belgique, mais aussi avec les autres membres de la famille royale. Elle a confié que la reine Fabiola prenait très souvent de ses nouvelles, ce qui explique pourquoi elle a tenu à être présente à ses côtés pour la messe célébrée pour le 18ème anniversaire du décès du roi Baudouin. Léa soutient depuis de nombreuses années le travail de la Fondation Prince Laurent. Et cet automne, on l'a vue inaugurer avec la princesse Astrid le centre de revalidation pour patients cancéreux installé dans l'ancienne villa royale d'Ostende. Ces deux dernières années, la princesse Léa est également apparue aux côtés des familles non régnantes d'Albanie, de Roumanie et d'Autriche, ainsi qu'avec la cousine de son mari la princesse Marie-Gabrielle de Savoie pour faire les vendanges dans la plus petite vigne du monde dans le Valais suisse.
Défendre la mémoire du prince Alexandre est un autre de ses combats, notamment dans les interviews qu'elle donne. Pour marquer le premier anniversaire de son décès en 2010, elle organise une petite exposition en son honneur à Waterloo (photos de l'inauguration : www.noblesseetroyautes.com/nr01/2010/12/vernissage-de-lexposition-consacree-au-prince-alexandre-de-belgique-a-waterloo) et sort un petit livret intitulé "Une année sans toi" qu'elle dédicace à la Foire du Livre de Bruxelles (photos de cette séance : www.noblesseetroyautes.com/nr01/2011/02/la-princesse-lea-de-belgique-a-la-foire-du-livre-de-bruxelles).
Enfin, la princesse a la joie d'être deux fois grand-mère mais elle n'a jusqu'à présent pas posé avec ses petits-enfants afin de préserver leur anonymat.
lundi 21 novembre 2011
Le rôle politique du roi Albert II en 1998
Dans son discours de Nouvel An aux autorités du pays, le Roi déclare : "Il importe de faire évoluer et de moderniser la justice. Les progrès de cette opération pourront être observés très concrètement. Ainsi la victime ou sa famille devront effectivement avoir accès au dossier. Un autre exemple : la mise en place d'une gestion efficace devrait avoir pour effet que justice soit rendue dans des délais raisonnables, même dans les grandes villes. C'est important, car une trop longue attente constitue en fin de compte un déni de justice. Développer le système des peines alternatives, veiller au suivi dans les cas de liberté conditionnelle, sont deux autres éléments indispensables à une bonne gestion de la justice. Enfin, l'évaluation régulière des résultats obtenus est nécessaire et favorisera, par ailleurs, la poursuite des efforts entrepris. Stimulons le changement des mentalités. A cet égard, les contacts que j'ai eus à Courtrai, lors de ma visite à la nouvelle Maison de la Justice et ma rencontre avec les magistrats, m'ont encouragé".
Le 30 mars, le couple royal et le premier ministre Jean-Luc Dehaene inaugurent à Bruxelles Child Focus, le centre européen pour enfants disparus et sexuellement exploités, où travaillera Jean-Denis Lejeune (le papa de Julie). La reine Paola s'y rend à nouveau le 11 mai avec la reine Silvia de Suède, ainsi qu'avec l'épouse du président allemand, Mme Roman Herzog, lors de leur voyage d'Etat en Belgique en juillet 1998.
Alors qu'il consulte son dossier au palais de justice de Neufchâteau le 23 avril, Marc Dutroux profite de la négligence des deux gendarmes qui le surveillent pour s'échapper dans la nature. Heureusement, le prisonnier le plus connu du royaume est interpellé quelques heures plus tard dans la forêt d'Herbeumont grâce à la perspicacité et au sang-froid d'un garde-forrestier. Marc Dutroux provoque une nouvelle crise dans le pays...
En vacances à Châteauneuf-de-Grasse, le Roi rentre d'urgence en Belgique pour rencontrer le premier ministre, venu lui remettre les lettres de démission du ministre de l'Intérieur Johan Vande Lanotte et du ministre de la Justice Stefaan De Clerck. Le lendemain, leurs successeurs Louis Tobback et Tony Van Parijs prêtent serment devant Albert II. Avec la Reine, il reçoit en audience le garde-forrestier Stéphane Michaux afin de le féliciter. L'évasion avortée de Marc Dutroux provoque l'accélération des réformes de la justice et de la police, réclamées depuis un an et demi.
Le 23 juin 1998, notre souverain consacre une grande partie de son allocution devant le Conseil de l'Europe à Strasbourg au combat qui lui tient très à coeur : "La dignité de l'être humain ne souffre aucun compromis. Il est intolérable qu'elle soit bafouée. Elle est un fondement de notre civilisation européenne millénaire. Les plus faibles au sein de notre société ont le plus de difficultés à faire admettre leur droit au respect de la personne et à la protection de leur dignité. C'est le cas, tout particulièrement, des sans travail, des pauvres, des enfants, des femmes maltraitées.
En Belgique, nous avons vécu des moments douloureux lorsque des crimes horribles, perpétrés contre des enfants, furent découverts. Une intense émotion et une grande solidarité ont uni la population aux parents et aux familles durement éprouvées par cette malfaisance. De cette solidarité marquée, mon pays a tiré les conclusions tant au niveau national qu'international. Fin mars, j'ai eu l'occasion d'inaugurer à Bruxelles le nouveau centre européen pour enfants disparus ou sexuellement exploités. Travaillant sous le vocable "Child Focus", cette institution fournit une assistance précieuse aux familles des victimes par la mise sur pied d'un important réseau de contacts à l'échelle nationale et internationale.
Le Conseil de l'Europe a, me semble-t-il, un rôle très concret à jouer dans l'élaboration de normes juridiques internationales contraignantes et pénales en cette matière. Ce sont là des instruments indispensables pour réprimer les abus contre des enfants et lutter contre la pornographie enfantine. Le congrès mondial contre l'exploitation sexuelle des enfants, qui eut lieu à Stockholm en 1996, fut considéré dans mon pays comme une étape cruciale dans la prise de conscience internationale de ce fléau de notre société.
Je tiens à remercier les autorités allemandes (présidence sortante du Conseil de l'Europe) d'avoir bien voulu prendre l'initiative d'organiser, fin avril, ici à Strasbourg, une conférence européenne de suivi du congrès mondial de Stockholm. Nous sommes heureux que cette conférence ait produit des résultats positifs et qu'elle ait confirmé l'engagement de la communauté internationale d'intensifier la lutte contre ces méfaits. Lors de cette réunion, mon pays a proposé d'élaborer une nouvelle convention au niveau du Conseil de l'Europe. Elle devrait définir des normes communes internationales et des règles de compétence extraterritoriale et renforcer la coopération judiciaire internationale dans le combat pour sauvegarder l'intégrité physique et morale des enfants.
La lutte contre la traite des êtres humains doit pouvoir bénéficier d'une même solidarité internationale. L'exploitation de jeunes femmes, venues de pays en voie de développement, mais récemment de plus en plus d'Europe de l'Est, est un phénomène qui a pris une ampleur terrifiante. C'est donc aussi à l'échelle européenne qu'il faut combattre cette nouvelle forme d'esclavage moderne. Il convient de renforcer et d'harmoniser nos législations réprimant ce trafic, d'organiser l'accueil des victimes et de mieux coordonner l'action de nos polices pour combattre ces phénomènes".
Grand partisan de l'ancrage belge de nos entreprises, Albert II utilise en 1998 tout son pouvoir d'influence dans la lutte pour le rachat de la Générale de Banque, filiale de la Société Générale et principale banque du pays. Président du géant financier belgo-néerlandais Fortis, Maurice Lippens envisageait une fusion de sa banque avec la Générale de Banque et vint présenter ses projets au Roi, qui lui apporta son soutien.
Le conseil d'administration de la Générale de Banque avait des réticences vis-à-vis de l'offre de Fortis. Sous l'impulsion de Fred Chaffart (président du comité de direction), la banque voulait devenir elle-même un groupe bancaire européen. Pendant les vacances de Pâques 1998, le Roi appelle Paul-Emmanuel Janssen, le président de la Générale de Banque.
Cette conversation est relatée en détail dans le livre "Le bal des empires : les dessous du capitalisme" de Stefan Michielsen et Béatrice Delvaux : "Au beau milieu d'une réunion du comité de direction, le téléphone sonne. Hubert Simonart, secrétaire général de la banque, décroche à contrecoeur. Mais son visage devient soudain sérieux. Il se tourne vers Janssen : "C'est pour vous. Le Roi". Incrédule, Janssen prend le téléphone. Devant les regards interrogateurs des autres, il hoche la tête. En effet, c'est bien le Roi. Tous les assistants peuvent entendre le roi Albert II exhorter le conseil d'administration à trouver un compromis avec Fortis, dans l'intérêt du pays. Sous le coup de la surprise, Paul-Emmanuel Janssen parvient tout de même à répliquer : "Majesté, les choses ne sont pas si simples. Nous n'avons rien contre Fortis, mais nous estimons que leur proposition n'est pas bonne pour notre banque, parce que...". Mais le Roi l'interrompt : "Excusez-moi, mais je n'ai pas beaucoup de temps. Je téléphone avec mon GSM depuis ma résidence de vacances. Nous parlerons de cette affaire plus longuement dès mon retour à Bruxelles". Puis, la communication est coupée".
Malgré leurs demandes, Paul-Emmanuel Janssen et Fred Chaffart ne sont pas conviés au palais royal pour défendre leur point de vue.
Lassé d'attendre, Maurice Lippens annonce une offre publique sur toutes les actions de la Générale de Banque, mais il lui manque l'aval de la Commission Bancaire et Financière. Son président, Jean-Louis Duplat, fait savoir que le transfert des actions vers Fortis serait gelé trois mois si le conseil d'administration donnait un avis partagé. C'est ce qui se produit : 9 administrateurs sont pour, 8 sont contre et 11 demandent un complément d'information. Suite aux coups de téléphone de Jacques van Ypersele de Strihou, du gouverneur de la Banque Nationale Alfons Verplaetse et du ministre des Finances Philippe Maystadt, la proposition de Jean-Louis Duplat de geler temporairement l'affaire est rejetée par la Commission Bancaire et Financière.
Quelques jours plus tard, la banque néerlandaise ABN-AMRO fait une contre-proposition : elle offre 15% de plus pour les actions de la Générale de Banque à condition de pouvoir acheter 60% du capital. Aussitôt Albert II convoque le premier ministre, le gouverneur de la Banque Nationale et le ministre des Finances pour leur exprimer son inquiétude face à cette offre. De son côté, Jacques van Ypersele de Strihou refuse de parler à Jan Kalff, président d'ABN-AMRO.
Les membres du conseil d'administration de la Générale de Banque sont partagés entre les offres de Fortis et ABN-AMRO. Proche d'Albert II, Etienne Davignon entre en scène et présente un plan diabolique : statutairement, la Générale de Banque a la possibilité de créer 10% de nouvelles actions. Si Fortis les achetait, sa participation atteindrait 43% et ABN-AMRO ne pourrait jamais détenir les 60% nécessaires. Discrètement, Etienne Davignon et le baron Georges Jacobs (actionnaire indépendant de la Générale et président du groupe chimique UCB) préviennent la plupart des membres de ce qui allait se passer. Le Palais était probablement, lui aussi, au courant. Seuls Paul-Emmanuel Janssen et Fred Chaffart ne sont pas informés.
Le conseil d'administration décisif est convoqué le 5 juin 1998. Malgré les propos choqués du président Paul-Emmanuel Janssen, le scénario minutieusement préparé se déroule comme prévu. L'offre d'ABN-AMRO jugée défavorable, il reste à signer le mariage entre la Générale de Banque et Fortis. Certains évoquent un "coup d'Etat" monté par les proches d'Albert II. Interpellé à la Chambre, le premier ministre Jean-Luc Dehaene balaie les accusations de partialité adressées à la Cour et au gouvernement...
Même si l'opération lui coûte très cher (525 milliards de francs belges), Maurice Lippens savoure son triomphe et n'hésite pas à parler de "cadeau d'anniversaire pour le Roi" sur un plateau de télévision. Ce dernier ne sera pas ingrat : il lui octroie le titre héréditaire de comte lors de la fête nationale 1998.
Autres soucis d'Albert II : le racisme et la xénophobie. Plusieurs activités ont lieu à ce sujet en 1998 : audience d'Anne Morelli (vice-présidente du Mouvement contre le racisme, l'antisémistime et la xénophobie), rencontre avec une délégation du Groupe Mémoire à l'occasion du 65ème anniversaire de l'ouverture du premier camp de concentration nazi, cérémonie au Mémorial des Martyrs Juifs à Anderlecht, séance de clôture des "Rencontres de la Mémoire" organisées à l'occasion des 50 ans de la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme. Et il en parle en juin dans son discours devant le Conseil de l'Europe :
"Le Conseil de l'Europe fut instauré à la fin d'une guerre où l'intolérance raciale avait abouti à des crimes horribles contre des millions de personnes. Malgré les leçons de l'Histoire, le racisme, l'intolérance, les nationalismes et sous-nationalismes extrêmes ont repris vigueur dans notre pays et y trouvent même une expression politique. Il est logique, dès lors, que la lutte contre le racisme, la xénophobie et l'intolérance demeure au centre de nos préoccupations.
En Belgique, nous avons créé il y a quelques années un Centre pour l'Egalité des Chances et la Lutte contre le Racisme. Il joue un rôle précieux. Le centre entend les plaintes des citoyens et se constitue souvent partie civile lors de procédures judiciaires. Il contribue à la formation de fonctionnaires et de membres des forces de l'ordre. Il suggère des initiatives législatives ou gouvernementales, dans le cadre de la conférence interministérielle à la politique des immigrés. Le travail du Conseil de l'Europe dans ce domaine est crucial et sert de référence pour l'action de nos pays et des autres organisations européennes. Je me réjouis que le sommet de Strasbourg de novembre dernier ait décidé de renforcer les activités de la commission contre le racisme et l'intolérance".
Un mois plus tard, le Roi évoque à nouveau ce sujet lors du voyage d'Etat du président allemand Roman Herzog en Belgique : "L'intégration des émigrés requiert également de nous tous des efforts décidés où la tolérance doit l'emporter sur le rejet. Tous nos pays doivent faire face à des tendances nationalistes et à des sentiments d'intolérance. Bannir les préjugés est donc une entreprise qui nous concerne tous. Eliminer la discrimination au sein de la société et dans le travail reste un souci permanent pour nos dirigeants et nos groupes de pression".
L'unité de la Belgique revient également régulièrement dans ses discours, comme celui de la fête nationale 1998 : "Je voudrais évoquer un défi permanent, mais qui constitue aussi une grande chance, je veux parler de notre diversité. Apprenons tous, responsables politiques ou citoyens, à vivre harmonieusement ensemble chaque jour et à juger nos diversités culturelles et régionales non comme des difficultés à surmonter, mais comme des richesses. Si nous le voulons, nous pouvons devenir un exemple pour cette Europe en pleine expansion, dont Bruxelles, et en fait tout notre pays, constitue la capitale. Ceci représente un énorme atout tant sur le plan humain que sur le plan économique, social ou culturel. Je m'en rends compte chaque jour à l'occasion de mes nombreux contacts que j'ai aussi bien avec des compatriotes qu'avec des visiteurs étrangers. Apprenons à connaître mieux et à respecter la culture et la langue des autres communautés. Employons-nous à éviter les provocations et à être tolérants, non seulement en paroles mais aussi dans notre comportement quotidien. J'exhorte en particulier les jeunes à apprendre les langues et à se familiariser avec les autres cultures de notre pays. C'est une opportunité qu'il vous est vraiment facile de saisir et qui vous donnera des atouts supplémentaires pour votre avenir".
Dans ce discours, il évoque aussi la situation économique de notre pays :
"Nous avons réussi l'admission de la Belgique au nombre des pays qui utiliseront l'euro dès janvier prochain, grâce à un effort budgétaire considérable, maintenu pendant des années et qui a demandé à la population bien des sacrifices. Ce succès nous démontre que lorsque nous le voulons vraiment, nous sommes parfaitement capables, tous ensemble, de surmonter des obstacles apparemment infranchissables. C'est un encouragement de taille pour d'autres questions qui nous préoccupent.
Participer à l'Union Monétaire était essentiel pour la Belgique. Dans le domaine de l'emploi, par exemple, l'introduction de l'euro aura des effets bénéfiques. En effet, l'euro réduira considérablement les coûts et les risques de change que nos entreprises devaient supporter. Par ailleurs, les dévaluations compétitives ne seront plus possibles au sein de la zone euro. Cette évolution est importante pour nous, car nous savons qu'environ 2/3 de nos exportations ont la zone euro pour destination et que plus de la moitié de nos importations proviennent de cette même zone. Pensons aussi à nos nombreuses petites et moyennes entreprises que la transparence des prix encouragera à exporter davantage.
Notre pays se prépare donc bien à l'euro. Je remercie tous les acteurs économiques, y compris les responsables de PME, des efforts déjà accomplis et les encourage à poursuivre. Pour l'Europe aussi, l'Union Monétaire est essentielle. La monnaie commune sera incontestablement le moteur qui fera progresser l'intégration.
Un autre défi est celui de l'emploi. Des progrès ont été réalisés puisque durant les 12 derniers mois, le chômage a baissé de façon significative. Cette tendance devrait se poursuivre. Pour cela, continuons à donner la priorité à l'emploi par rapport à l'accroissement des rénumérations individuelles. Au cours de mes nombreuses visites d'entreprises et de mes contacts avec les responsables économiques et sociaux, j'ai pu constater un nouveau dynamisme dans nos trois régions. Il devrait nous permettre de bénéficier pleinement de la reprise économique.
Reconnaissons néanmoins que le chômage reste important, surtout dans certaines sous-régions. Pour le réduire, une approche coordonnée s'impose. Elle comportera, parmi d'autres, un volet consensus social qui favorisera le dynamisme économique, un volet formation des moins qualifiés et un soutien aux entreprises d'économie sociale. Gardons aussi à l'esprit l'importance de la recherche scientifique. Une attitude volontariste, soutenant dans la durée des projets précis et novateurs est un élément non négligeable pour le développement de notre emploi".
Albert II lance la première frappe des pièces en euros à son effigie le 7 septembre à la Monnaie Royale de Belgique.
Le 22 septembre, Semira Adamu, une Nigérienne de 20 ans, expulsée du territoire belge, trouve la mort suite à une intervention policière musclée et inhumaine ("la technique du coussin"). Beaucoup de personnes réclament la démission du ministre de l'Intérieur Louis Tobback. La goutte d'eau qui fait déborder le vase est la couronne de fleurs entourée d'un ruban aux prénoms d'Albert et Paola et déposée en évidence à l'entrée de la cathédrale Saints Michel-et-Gudule. C'est interprété comme un désavoeu public du souverain de la politique du droit d'asile du gouvernement fédéral, et du ministre de l'Intérieur en particulier. Furieux contre l'initiative royale, Louis Tobback démissionne le 26 septembre et est remplacé par Luc Van den Bossche.
Au cours de l'année 1998, Albert II accorde le titre de Ministre d'Etat à une seconde volée d'hommes politiques : Gaston Geens, Philippe Maystadt, Robert Urbain, François-Xavier de Donnéa, Antoine Duquesne et Mark Eyskens.
En novembre, le Roi se rend à la Maison Communale de Tubize afin d'assister à la signature d'une charte de coopération entre 14 communes voisines, situées de part et d'autre de la frontière linguistique, qui ont décidé de collaborer dans une série de matières d'intérêt commun (sécurité routière, culture, économie, environnement, échanges linguistiques, p.ex.). C'est le président de la Chambre et bourgmestre de Tubize Raymond Langendries qui avait présenté l'initiative au souverain lors d'une audience et l'avait convaincu d'apporter son soutien public à la charte "Vivre ensemble-Samen leven".
Albert II assiste aussi à Bruxelles à la séance d'ouverture de la première rencontre européenne des personnes engagées dans la lutte contre le tourisme sexuel des enfants. Au cours de l'année 1998, il a reçu en audience Peter Roose (président de la commission de la Chambre sur la traite des êtres humains), Marc Verwilghen (président de la commission de la Chambre sur les disparitions d'enfants), Véronique Grossi (coordinatrice de l'asbl Payoke à Anvers), Patsy Sörensen (échevine d'Anvers qui lutte contre la traite des êtres humains), Marleen Schepers (coordinatrice belge de la Marche Mondiale contre le travail des enfants), Ankie Vandekerckhove (commissaire aux droits de l'enfant en communauté flamande) et Lieve Stappers (directrice de Child Focus), afin d'être informé de l'évolution de la situation. De son côté, la Fondation Reine Paola finance, en 1998, l'achat de matériel informatique pour l'asbl Passeport pour le Non, qui informe les enfants sur la maltraitance ou la pédophilie.
En politique étrangère, comme son frère défunt, Albert II s'intéresse beaucoup à nos anciennes colonies d'Afrique centrale. Lors du décès du roi Baudouin en 1993, les relations entre la Belgique et le Zaïre étaient difficiles. Le général Mobutu décréta le deuil national dans son pays et souhaita se rendre aux funérailles à Bruxelles, mais le Palais et le gouvernement s'y opposèrent. Quelques années plus tard, Laurent-Désiré Kabila renversa le général Mobutu, prit le pouvoir et décida le retour au nom original du pays.
En novembre 1998, Laurent-Désiré Kabila est de passage à Bruxelles pour la première fois en tant que président de la République du Congo. Les autorités belges sont embarrassées, car même s'il a chassé un dictateur, Kabila n'est pas non plus un enfant de choeur. Albert II accepte de le recevoir en audience, mais fait cependant bien comprendre qu'il ne soutient pas tout à fait le nouveau régime congolais. La presse voit les deux chefs d'Etat entrer dans le bureau du souverain. Contrairement à son habitude, le Roi a le visage grave et sérieux, sans aucun sourire. Il refuse de poser côte à côte et de serrer la main de Kabila publiquement devant les photographes présents.
A quelques mois des élections législatives et régionales de juin 1999, certains hommes politiques (surtout au nord du pays) ne cessent de revendiquer la régionalisation de nouvelles compétences. Le Roi rappelle tout le monde à l'ordre dans son discours de Noël 1998 :
"Le souci de conserver et de promouvoir des relations pacifiques entre nos communautés et régions doit nous habiter en permanence, de même que la défense de nos valeurs démocratiques qu'il ne faut jamais considérer comme acquises une fois pour toutes. A chacun d'entre nous de garder en mémoire ce qui s'est passé dans les années 30. Nous devons maintenir ces relations harmonieuses entre communautés par notre volonté d'ouverture et de compréhension des autres, ce qui implique la connaissance de leur langue.
En effet, la langue parlée par un homme détermine grandement sa façon de raisonner, de voir les choses ou de ne pas les voir. Cette langue dans laquelle il pense est comme une fenêtre par laquelle il observe la réalité autour de lui. Elle lui donne une vision spécifique du monde et ce qu'il ne peut pas formuler avec des mots risque de lui échapper définitivement. Chaque langue a son génie propre qui imprègne tous ceux qui la pratiquent et connaître une langue permet non seulement de communiquer, mais aussi de saisir une sensibilité, une culture, bref de comprendre vraiment l'autre.
Dans notre pays, nous avons la chance de pratiquer plusieurs langues. Nos communautés linguistiques possèdent chacune, comme je viens de le souligner, un génie propre. Notre véritable richesse réside donc bien là : conjuger harmonieusement, au service de ce pays que nous aimons, les qualités spécifiques de chaque communauté. La diversité bien vécue, je continuerai toujours à le rappeler, c'est l'avenir pour notre pays. Par contre, exalter la différence signifierait pour nous tous, non seulement un appauvrissement humain et culturel, mais conduirait aussi, à terme, à une sérieuse diminution de notre niveau de vie. Prenons chacun notre responsabilité et rejetons résolument tout ce qui divise ou sépare, refusons la voie de l'intolérance, du racisme et de l'exclusion de l'autre".
Le 30 mars, le couple royal et le premier ministre Jean-Luc Dehaene inaugurent à Bruxelles Child Focus, le centre européen pour enfants disparus et sexuellement exploités, où travaillera Jean-Denis Lejeune (le papa de Julie). La reine Paola s'y rend à nouveau le 11 mai avec la reine Silvia de Suède, ainsi qu'avec l'épouse du président allemand, Mme Roman Herzog, lors de leur voyage d'Etat en Belgique en juillet 1998.
Alors qu'il consulte son dossier au palais de justice de Neufchâteau le 23 avril, Marc Dutroux profite de la négligence des deux gendarmes qui le surveillent pour s'échapper dans la nature. Heureusement, le prisonnier le plus connu du royaume est interpellé quelques heures plus tard dans la forêt d'Herbeumont grâce à la perspicacité et au sang-froid d'un garde-forrestier. Marc Dutroux provoque une nouvelle crise dans le pays...
En vacances à Châteauneuf-de-Grasse, le Roi rentre d'urgence en Belgique pour rencontrer le premier ministre, venu lui remettre les lettres de démission du ministre de l'Intérieur Johan Vande Lanotte et du ministre de la Justice Stefaan De Clerck. Le lendemain, leurs successeurs Louis Tobback et Tony Van Parijs prêtent serment devant Albert II. Avec la Reine, il reçoit en audience le garde-forrestier Stéphane Michaux afin de le féliciter. L'évasion avortée de Marc Dutroux provoque l'accélération des réformes de la justice et de la police, réclamées depuis un an et demi.
Le 23 juin 1998, notre souverain consacre une grande partie de son allocution devant le Conseil de l'Europe à Strasbourg au combat qui lui tient très à coeur : "La dignité de l'être humain ne souffre aucun compromis. Il est intolérable qu'elle soit bafouée. Elle est un fondement de notre civilisation européenne millénaire. Les plus faibles au sein de notre société ont le plus de difficultés à faire admettre leur droit au respect de la personne et à la protection de leur dignité. C'est le cas, tout particulièrement, des sans travail, des pauvres, des enfants, des femmes maltraitées.
En Belgique, nous avons vécu des moments douloureux lorsque des crimes horribles, perpétrés contre des enfants, furent découverts. Une intense émotion et une grande solidarité ont uni la population aux parents et aux familles durement éprouvées par cette malfaisance. De cette solidarité marquée, mon pays a tiré les conclusions tant au niveau national qu'international. Fin mars, j'ai eu l'occasion d'inaugurer à Bruxelles le nouveau centre européen pour enfants disparus ou sexuellement exploités. Travaillant sous le vocable "Child Focus", cette institution fournit une assistance précieuse aux familles des victimes par la mise sur pied d'un important réseau de contacts à l'échelle nationale et internationale.
Le Conseil de l'Europe a, me semble-t-il, un rôle très concret à jouer dans l'élaboration de normes juridiques internationales contraignantes et pénales en cette matière. Ce sont là des instruments indispensables pour réprimer les abus contre des enfants et lutter contre la pornographie enfantine. Le congrès mondial contre l'exploitation sexuelle des enfants, qui eut lieu à Stockholm en 1996, fut considéré dans mon pays comme une étape cruciale dans la prise de conscience internationale de ce fléau de notre société.
Je tiens à remercier les autorités allemandes (présidence sortante du Conseil de l'Europe) d'avoir bien voulu prendre l'initiative d'organiser, fin avril, ici à Strasbourg, une conférence européenne de suivi du congrès mondial de Stockholm. Nous sommes heureux que cette conférence ait produit des résultats positifs et qu'elle ait confirmé l'engagement de la communauté internationale d'intensifier la lutte contre ces méfaits. Lors de cette réunion, mon pays a proposé d'élaborer une nouvelle convention au niveau du Conseil de l'Europe. Elle devrait définir des normes communes internationales et des règles de compétence extraterritoriale et renforcer la coopération judiciaire internationale dans le combat pour sauvegarder l'intégrité physique et morale des enfants.
La lutte contre la traite des êtres humains doit pouvoir bénéficier d'une même solidarité internationale. L'exploitation de jeunes femmes, venues de pays en voie de développement, mais récemment de plus en plus d'Europe de l'Est, est un phénomène qui a pris une ampleur terrifiante. C'est donc aussi à l'échelle européenne qu'il faut combattre cette nouvelle forme d'esclavage moderne. Il convient de renforcer et d'harmoniser nos législations réprimant ce trafic, d'organiser l'accueil des victimes et de mieux coordonner l'action de nos polices pour combattre ces phénomènes".
Grand partisan de l'ancrage belge de nos entreprises, Albert II utilise en 1998 tout son pouvoir d'influence dans la lutte pour le rachat de la Générale de Banque, filiale de la Société Générale et principale banque du pays. Président du géant financier belgo-néerlandais Fortis, Maurice Lippens envisageait une fusion de sa banque avec la Générale de Banque et vint présenter ses projets au Roi, qui lui apporta son soutien.
Le conseil d'administration de la Générale de Banque avait des réticences vis-à-vis de l'offre de Fortis. Sous l'impulsion de Fred Chaffart (président du comité de direction), la banque voulait devenir elle-même un groupe bancaire européen. Pendant les vacances de Pâques 1998, le Roi appelle Paul-Emmanuel Janssen, le président de la Générale de Banque.
Cette conversation est relatée en détail dans le livre "Le bal des empires : les dessous du capitalisme" de Stefan Michielsen et Béatrice Delvaux : "Au beau milieu d'une réunion du comité de direction, le téléphone sonne. Hubert Simonart, secrétaire général de la banque, décroche à contrecoeur. Mais son visage devient soudain sérieux. Il se tourne vers Janssen : "C'est pour vous. Le Roi". Incrédule, Janssen prend le téléphone. Devant les regards interrogateurs des autres, il hoche la tête. En effet, c'est bien le Roi. Tous les assistants peuvent entendre le roi Albert II exhorter le conseil d'administration à trouver un compromis avec Fortis, dans l'intérêt du pays. Sous le coup de la surprise, Paul-Emmanuel Janssen parvient tout de même à répliquer : "Majesté, les choses ne sont pas si simples. Nous n'avons rien contre Fortis, mais nous estimons que leur proposition n'est pas bonne pour notre banque, parce que...". Mais le Roi l'interrompt : "Excusez-moi, mais je n'ai pas beaucoup de temps. Je téléphone avec mon GSM depuis ma résidence de vacances. Nous parlerons de cette affaire plus longuement dès mon retour à Bruxelles". Puis, la communication est coupée".
Malgré leurs demandes, Paul-Emmanuel Janssen et Fred Chaffart ne sont pas conviés au palais royal pour défendre leur point de vue.
Lassé d'attendre, Maurice Lippens annonce une offre publique sur toutes les actions de la Générale de Banque, mais il lui manque l'aval de la Commission Bancaire et Financière. Son président, Jean-Louis Duplat, fait savoir que le transfert des actions vers Fortis serait gelé trois mois si le conseil d'administration donnait un avis partagé. C'est ce qui se produit : 9 administrateurs sont pour, 8 sont contre et 11 demandent un complément d'information. Suite aux coups de téléphone de Jacques van Ypersele de Strihou, du gouverneur de la Banque Nationale Alfons Verplaetse et du ministre des Finances Philippe Maystadt, la proposition de Jean-Louis Duplat de geler temporairement l'affaire est rejetée par la Commission Bancaire et Financière.
Quelques jours plus tard, la banque néerlandaise ABN-AMRO fait une contre-proposition : elle offre 15% de plus pour les actions de la Générale de Banque à condition de pouvoir acheter 60% du capital. Aussitôt Albert II convoque le premier ministre, le gouverneur de la Banque Nationale et le ministre des Finances pour leur exprimer son inquiétude face à cette offre. De son côté, Jacques van Ypersele de Strihou refuse de parler à Jan Kalff, président d'ABN-AMRO.
Les membres du conseil d'administration de la Générale de Banque sont partagés entre les offres de Fortis et ABN-AMRO. Proche d'Albert II, Etienne Davignon entre en scène et présente un plan diabolique : statutairement, la Générale de Banque a la possibilité de créer 10% de nouvelles actions. Si Fortis les achetait, sa participation atteindrait 43% et ABN-AMRO ne pourrait jamais détenir les 60% nécessaires. Discrètement, Etienne Davignon et le baron Georges Jacobs (actionnaire indépendant de la Générale et président du groupe chimique UCB) préviennent la plupart des membres de ce qui allait se passer. Le Palais était probablement, lui aussi, au courant. Seuls Paul-Emmanuel Janssen et Fred Chaffart ne sont pas informés.
Le conseil d'administration décisif est convoqué le 5 juin 1998. Malgré les propos choqués du président Paul-Emmanuel Janssen, le scénario minutieusement préparé se déroule comme prévu. L'offre d'ABN-AMRO jugée défavorable, il reste à signer le mariage entre la Générale de Banque et Fortis. Certains évoquent un "coup d'Etat" monté par les proches d'Albert II. Interpellé à la Chambre, le premier ministre Jean-Luc Dehaene balaie les accusations de partialité adressées à la Cour et au gouvernement...
Même si l'opération lui coûte très cher (525 milliards de francs belges), Maurice Lippens savoure son triomphe et n'hésite pas à parler de "cadeau d'anniversaire pour le Roi" sur un plateau de télévision. Ce dernier ne sera pas ingrat : il lui octroie le titre héréditaire de comte lors de la fête nationale 1998.
Autres soucis d'Albert II : le racisme et la xénophobie. Plusieurs activités ont lieu à ce sujet en 1998 : audience d'Anne Morelli (vice-présidente du Mouvement contre le racisme, l'antisémistime et la xénophobie), rencontre avec une délégation du Groupe Mémoire à l'occasion du 65ème anniversaire de l'ouverture du premier camp de concentration nazi, cérémonie au Mémorial des Martyrs Juifs à Anderlecht, séance de clôture des "Rencontres de la Mémoire" organisées à l'occasion des 50 ans de la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme. Et il en parle en juin dans son discours devant le Conseil de l'Europe :
"Le Conseil de l'Europe fut instauré à la fin d'une guerre où l'intolérance raciale avait abouti à des crimes horribles contre des millions de personnes. Malgré les leçons de l'Histoire, le racisme, l'intolérance, les nationalismes et sous-nationalismes extrêmes ont repris vigueur dans notre pays et y trouvent même une expression politique. Il est logique, dès lors, que la lutte contre le racisme, la xénophobie et l'intolérance demeure au centre de nos préoccupations.
En Belgique, nous avons créé il y a quelques années un Centre pour l'Egalité des Chances et la Lutte contre le Racisme. Il joue un rôle précieux. Le centre entend les plaintes des citoyens et se constitue souvent partie civile lors de procédures judiciaires. Il contribue à la formation de fonctionnaires et de membres des forces de l'ordre. Il suggère des initiatives législatives ou gouvernementales, dans le cadre de la conférence interministérielle à la politique des immigrés. Le travail du Conseil de l'Europe dans ce domaine est crucial et sert de référence pour l'action de nos pays et des autres organisations européennes. Je me réjouis que le sommet de Strasbourg de novembre dernier ait décidé de renforcer les activités de la commission contre le racisme et l'intolérance".
Un mois plus tard, le Roi évoque à nouveau ce sujet lors du voyage d'Etat du président allemand Roman Herzog en Belgique : "L'intégration des émigrés requiert également de nous tous des efforts décidés où la tolérance doit l'emporter sur le rejet. Tous nos pays doivent faire face à des tendances nationalistes et à des sentiments d'intolérance. Bannir les préjugés est donc une entreprise qui nous concerne tous. Eliminer la discrimination au sein de la société et dans le travail reste un souci permanent pour nos dirigeants et nos groupes de pression".
L'unité de la Belgique revient également régulièrement dans ses discours, comme celui de la fête nationale 1998 : "Je voudrais évoquer un défi permanent, mais qui constitue aussi une grande chance, je veux parler de notre diversité. Apprenons tous, responsables politiques ou citoyens, à vivre harmonieusement ensemble chaque jour et à juger nos diversités culturelles et régionales non comme des difficultés à surmonter, mais comme des richesses. Si nous le voulons, nous pouvons devenir un exemple pour cette Europe en pleine expansion, dont Bruxelles, et en fait tout notre pays, constitue la capitale. Ceci représente un énorme atout tant sur le plan humain que sur le plan économique, social ou culturel. Je m'en rends compte chaque jour à l'occasion de mes nombreux contacts que j'ai aussi bien avec des compatriotes qu'avec des visiteurs étrangers. Apprenons à connaître mieux et à respecter la culture et la langue des autres communautés. Employons-nous à éviter les provocations et à être tolérants, non seulement en paroles mais aussi dans notre comportement quotidien. J'exhorte en particulier les jeunes à apprendre les langues et à se familiariser avec les autres cultures de notre pays. C'est une opportunité qu'il vous est vraiment facile de saisir et qui vous donnera des atouts supplémentaires pour votre avenir".
Dans ce discours, il évoque aussi la situation économique de notre pays :
"Nous avons réussi l'admission de la Belgique au nombre des pays qui utiliseront l'euro dès janvier prochain, grâce à un effort budgétaire considérable, maintenu pendant des années et qui a demandé à la population bien des sacrifices. Ce succès nous démontre que lorsque nous le voulons vraiment, nous sommes parfaitement capables, tous ensemble, de surmonter des obstacles apparemment infranchissables. C'est un encouragement de taille pour d'autres questions qui nous préoccupent.
Participer à l'Union Monétaire était essentiel pour la Belgique. Dans le domaine de l'emploi, par exemple, l'introduction de l'euro aura des effets bénéfiques. En effet, l'euro réduira considérablement les coûts et les risques de change que nos entreprises devaient supporter. Par ailleurs, les dévaluations compétitives ne seront plus possibles au sein de la zone euro. Cette évolution est importante pour nous, car nous savons qu'environ 2/3 de nos exportations ont la zone euro pour destination et que plus de la moitié de nos importations proviennent de cette même zone. Pensons aussi à nos nombreuses petites et moyennes entreprises que la transparence des prix encouragera à exporter davantage.
Notre pays se prépare donc bien à l'euro. Je remercie tous les acteurs économiques, y compris les responsables de PME, des efforts déjà accomplis et les encourage à poursuivre. Pour l'Europe aussi, l'Union Monétaire est essentielle. La monnaie commune sera incontestablement le moteur qui fera progresser l'intégration.
Un autre défi est celui de l'emploi. Des progrès ont été réalisés puisque durant les 12 derniers mois, le chômage a baissé de façon significative. Cette tendance devrait se poursuivre. Pour cela, continuons à donner la priorité à l'emploi par rapport à l'accroissement des rénumérations individuelles. Au cours de mes nombreuses visites d'entreprises et de mes contacts avec les responsables économiques et sociaux, j'ai pu constater un nouveau dynamisme dans nos trois régions. Il devrait nous permettre de bénéficier pleinement de la reprise économique.
Reconnaissons néanmoins que le chômage reste important, surtout dans certaines sous-régions. Pour le réduire, une approche coordonnée s'impose. Elle comportera, parmi d'autres, un volet consensus social qui favorisera le dynamisme économique, un volet formation des moins qualifiés et un soutien aux entreprises d'économie sociale. Gardons aussi à l'esprit l'importance de la recherche scientifique. Une attitude volontariste, soutenant dans la durée des projets précis et novateurs est un élément non négligeable pour le développement de notre emploi".
Albert II lance la première frappe des pièces en euros à son effigie le 7 septembre à la Monnaie Royale de Belgique.
Le 22 septembre, Semira Adamu, une Nigérienne de 20 ans, expulsée du territoire belge, trouve la mort suite à une intervention policière musclée et inhumaine ("la technique du coussin"). Beaucoup de personnes réclament la démission du ministre de l'Intérieur Louis Tobback. La goutte d'eau qui fait déborder le vase est la couronne de fleurs entourée d'un ruban aux prénoms d'Albert et Paola et déposée en évidence à l'entrée de la cathédrale Saints Michel-et-Gudule. C'est interprété comme un désavoeu public du souverain de la politique du droit d'asile du gouvernement fédéral, et du ministre de l'Intérieur en particulier. Furieux contre l'initiative royale, Louis Tobback démissionne le 26 septembre et est remplacé par Luc Van den Bossche.
Au cours de l'année 1998, Albert II accorde le titre de Ministre d'Etat à une seconde volée d'hommes politiques : Gaston Geens, Philippe Maystadt, Robert Urbain, François-Xavier de Donnéa, Antoine Duquesne et Mark Eyskens.
En novembre, le Roi se rend à la Maison Communale de Tubize afin d'assister à la signature d'une charte de coopération entre 14 communes voisines, situées de part et d'autre de la frontière linguistique, qui ont décidé de collaborer dans une série de matières d'intérêt commun (sécurité routière, culture, économie, environnement, échanges linguistiques, p.ex.). C'est le président de la Chambre et bourgmestre de Tubize Raymond Langendries qui avait présenté l'initiative au souverain lors d'une audience et l'avait convaincu d'apporter son soutien public à la charte "Vivre ensemble-Samen leven".
Albert II assiste aussi à Bruxelles à la séance d'ouverture de la première rencontre européenne des personnes engagées dans la lutte contre le tourisme sexuel des enfants. Au cours de l'année 1998, il a reçu en audience Peter Roose (président de la commission de la Chambre sur la traite des êtres humains), Marc Verwilghen (président de la commission de la Chambre sur les disparitions d'enfants), Véronique Grossi (coordinatrice de l'asbl Payoke à Anvers), Patsy Sörensen (échevine d'Anvers qui lutte contre la traite des êtres humains), Marleen Schepers (coordinatrice belge de la Marche Mondiale contre le travail des enfants), Ankie Vandekerckhove (commissaire aux droits de l'enfant en communauté flamande) et Lieve Stappers (directrice de Child Focus), afin d'être informé de l'évolution de la situation. De son côté, la Fondation Reine Paola finance, en 1998, l'achat de matériel informatique pour l'asbl Passeport pour le Non, qui informe les enfants sur la maltraitance ou la pédophilie.
En politique étrangère, comme son frère défunt, Albert II s'intéresse beaucoup à nos anciennes colonies d'Afrique centrale. Lors du décès du roi Baudouin en 1993, les relations entre la Belgique et le Zaïre étaient difficiles. Le général Mobutu décréta le deuil national dans son pays et souhaita se rendre aux funérailles à Bruxelles, mais le Palais et le gouvernement s'y opposèrent. Quelques années plus tard, Laurent-Désiré Kabila renversa le général Mobutu, prit le pouvoir et décida le retour au nom original du pays.
En novembre 1998, Laurent-Désiré Kabila est de passage à Bruxelles pour la première fois en tant que président de la République du Congo. Les autorités belges sont embarrassées, car même s'il a chassé un dictateur, Kabila n'est pas non plus un enfant de choeur. Albert II accepte de le recevoir en audience, mais fait cependant bien comprendre qu'il ne soutient pas tout à fait le nouveau régime congolais. La presse voit les deux chefs d'Etat entrer dans le bureau du souverain. Contrairement à son habitude, le Roi a le visage grave et sérieux, sans aucun sourire. Il refuse de poser côte à côte et de serrer la main de Kabila publiquement devant les photographes présents.
A quelques mois des élections législatives et régionales de juin 1999, certains hommes politiques (surtout au nord du pays) ne cessent de revendiquer la régionalisation de nouvelles compétences. Le Roi rappelle tout le monde à l'ordre dans son discours de Noël 1998 :
"Le souci de conserver et de promouvoir des relations pacifiques entre nos communautés et régions doit nous habiter en permanence, de même que la défense de nos valeurs démocratiques qu'il ne faut jamais considérer comme acquises une fois pour toutes. A chacun d'entre nous de garder en mémoire ce qui s'est passé dans les années 30. Nous devons maintenir ces relations harmonieuses entre communautés par notre volonté d'ouverture et de compréhension des autres, ce qui implique la connaissance de leur langue.
En effet, la langue parlée par un homme détermine grandement sa façon de raisonner, de voir les choses ou de ne pas les voir. Cette langue dans laquelle il pense est comme une fenêtre par laquelle il observe la réalité autour de lui. Elle lui donne une vision spécifique du monde et ce qu'il ne peut pas formuler avec des mots risque de lui échapper définitivement. Chaque langue a son génie propre qui imprègne tous ceux qui la pratiquent et connaître une langue permet non seulement de communiquer, mais aussi de saisir une sensibilité, une culture, bref de comprendre vraiment l'autre.
Dans notre pays, nous avons la chance de pratiquer plusieurs langues. Nos communautés linguistiques possèdent chacune, comme je viens de le souligner, un génie propre. Notre véritable richesse réside donc bien là : conjuger harmonieusement, au service de ce pays que nous aimons, les qualités spécifiques de chaque communauté. La diversité bien vécue, je continuerai toujours à le rappeler, c'est l'avenir pour notre pays. Par contre, exalter la différence signifierait pour nous tous, non seulement un appauvrissement humain et culturel, mais conduirait aussi, à terme, à une sérieuse diminution de notre niveau de vie. Prenons chacun notre responsabilité et rejetons résolument tout ce qui divise ou sépare, refusons la voie de l'intolérance, du racisme et de l'exclusion de l'autre".
dimanche 6 novembre 2011
Activités royales en octobre 2011
23 audiences pour le Roi : le premier ministre Yves Leterme (reçu 4 fois), le président du PS Elio Di Rupo (reçu 4 fois), le sous-lieutenant Matthieu De Naeyer (Epée du Roi 2011), la présidente du Brésil Dilma Roussef, le président du parlement de la communauté française Jean-Charles Luperto, le président d'Uruguay José Mujica, ainsi que les ambassadeurs d'Argentine, Rwanda, Emirats Arabes Unis, Tchéquie, Allemagne, Luxembourg, Lettonie, Norvège, Finlande, Suisse et Bosnie-Herzégovine.
4 activités officielles pour le Roi : déjeuner en l'honneur de la présidente du Brésil, inauguration du festival Europalia Brésil, 100ème anniversaire du Conseil de Physique Solvay, concert d'automne au palais royal.
6 activités officielles pour la reine Paola : déjeuner en l'honneur de la présidente du Brésil, inauguration du festival Europalia Brésil, lancement du timbre à son effigie, visite d'une association de soutien aux aveugles et malvoyants à Gand, remise du Prix Terre d'Avenir, concert d'automne au palais royal.
4 activités officielles pour la reine Fabiola : déjeuner en l'honneur de la présidente du Brésil, inauguration du festival Europalia Brésil, concert d'automne au palais royal, inauguration de la Huis van de Polyfonie à Heverlee.
46 activités officielles pour le prince Philippe : déjeuner en l'honneur de la présidente du Brésil, inauguration du festival Europalia Brésil, visite du Centre de Compétence Jeunesse à Kiel, visite du Centre de Compétence Jeunesse à Borgerhout, rencontre avec la Keizerlijke Commanderie der Edele Haspengouwse Fruyteniers en hun gastronomie, rencontre avec des officiers-élèves de l'Ecole Royale Militaire + 40 activités officielles lors de la mission économique en Chine (session d'information sur la mission, rencontre avec le vice-premier ministre Wang Qishan, banquet offert par le gouvernement, déjeuner de travail "Insight in the 12th Five-Year plan the outside", réunion de travail avec les membres du gouvernement de Tianjin, rencontre avec le maire de Tianjin, dîner offert par le maire de Tianjin, visite du Palais d'Eté à Pékin, signature de contrats, forum China-Belgium Education, visite de l'Art Belge à la biennale chinoise, spectacle du Ji-Xing Dance Theatre de Shanghaï, rencontre avec le président du groupe HNA, dîner avec le groupe HNA et le Kingdom Club, déjeuner de travail Innovation Corporation, rencontre avec le président du Zhejiang Geely Holding Group, réunion de travail avec Volvo Car Corporation, rencontre avec Shoo Mingli, cocktaïl conclusif de trois séminaires, dîner organisé par l'Awex, le Btc et le Fit, Diamond Road Show, rencontre avec le vice-président de Chine Xi Jinping, signature de contrats, soirée pour les 40 ans de relations diplomatiques belgo-chinoises, visite du Public Peting House Project à Chongqing, séminaire Go West Policy of Chinese Opportunities in Chongqing, rencontre avec le maire de Chongqing, signature de contrats, banquet offert par le maire de Chongqing, déjeuner-forum Belgium-China Business, rencontre avec le secrétaire du parti de la province de Guangdong, banquet offert par le maire de Guangdong, signature de contrats à Shenzen, dîner Invest in Belgium, rencontre avec le président de China Southern Airlines, récital de piano de Shen Wenyu, rencontre avec le Shanghaï Intend Port Group, breefing à Eden Chocolates de Shanghaï, dîner Shanghaï-Belgium, visite de Xue Long).
25 activités officielles pour la princesse Mathilde : Journée Européenne de l'Emploi au Berlaymont, déjeuner en l'honneur de la présidente du Brésil, inauguration du festival Europalia Brésil, visite du Centre de Compétence Jeunesse à Kiel, visite du Centre de Compétence Jeunesse à Borgerhout, concert d'automne au palais royal, déjeuner de travail avec des femmes entrepreneurs indépendantes + 18 activités officielles lors de la mission économique en Chine (session d'information sur la mission, banquet offert par le gouvernement, rencontre avec les femmes d'affaires de la délégation, visite de l'académie de tennis de Justine Henin, ouverture de l'exposition "Belgian Architectures and Arts in China", visite du Palais d'Eté à Pékin, signature de contrats, forum China-Belgium Education, visite de l'Art Belge à la biennale chinoise, spectacle du Jin Xing Dance Theatre de Shanghaï, dîner avec les Young Global Leaders, visite à Handicap International, visite de One+One Radio Station, visite de l'association China Dolls, déjeuner avec des étudiants belges, inauguration d'un centre sur l'épilepsie, inauguration de l'exposition The Art of Splendors, soirée pour les 40 ans de relations diplomatiques belgo-chinoises).
15 activités officielles pour la princesse Astrid : visite du centre de revalidation oncologique Villa Royale d'Ostende, déjeuner en l'honneur de la présidente du Brésil, inauguration du festival Europalia Brésil, rencontre avec l'ancien président américain Jimmy Carter, rémise des fonds de recherche de la Ligue Flamande contre le Cancer, 30ème anniversaire de la semaine handisport de Fleurus, inauguration du centre de visite du Parlement Européen, 125ème anniversaire de la Société Royale Syndicat d'Initiative Bruxelles Promotion, 75ème anniversaire de l'Orchestre National de Belgique, avant-première mondiale du film "Tintin et le Secret de la Licorne", hommage national au travail et aux travailleurs, inauguration de la nouvelle église danoise de Bruxelles, visite de l'institut de recherche interdisciplinaire en biologie humaine et moléculaire à l'ULB, concert d'automne au palais royal, symposium sur les 20 ans de prévention du sida à la Défense.
3 activités officielles pour le prince Lorenz : déjeuner en l'honneur de la présidente du Brésil, inauguration du festival Europalia Brésil, concert d'automne au palais royal.
1 activité officielle pour le prince Laurent : soirée au profit de la Fondation Prince Laurent.
1 activité officielle pour la princesse Claire : concert au profit de l'Oeuvre Royale des Berceaux Princesse Paola.
Résumé des activités officielles de janvier à octobre 2011 :
Roi : 148 audiences + 46 activités officielles
Prince Philippe : 189 activités officielles
Princesse Mathilde : 147 activités officielles
Princesse Astrid : 77 activités officielles
Reine Paola : 61 activités officielles
Prince Laurent : 28 activités officielles
Prince Lorenz : 27 activités officielles
Princesse Claire : 18 activités officielles
Reine Fabiola : 18 activités officielles
4 activités officielles pour le Roi : déjeuner en l'honneur de la présidente du Brésil, inauguration du festival Europalia Brésil, 100ème anniversaire du Conseil de Physique Solvay, concert d'automne au palais royal.
6 activités officielles pour la reine Paola : déjeuner en l'honneur de la présidente du Brésil, inauguration du festival Europalia Brésil, lancement du timbre à son effigie, visite d'une association de soutien aux aveugles et malvoyants à Gand, remise du Prix Terre d'Avenir, concert d'automne au palais royal.
4 activités officielles pour la reine Fabiola : déjeuner en l'honneur de la présidente du Brésil, inauguration du festival Europalia Brésil, concert d'automne au palais royal, inauguration de la Huis van de Polyfonie à Heverlee.
46 activités officielles pour le prince Philippe : déjeuner en l'honneur de la présidente du Brésil, inauguration du festival Europalia Brésil, visite du Centre de Compétence Jeunesse à Kiel, visite du Centre de Compétence Jeunesse à Borgerhout, rencontre avec la Keizerlijke Commanderie der Edele Haspengouwse Fruyteniers en hun gastronomie, rencontre avec des officiers-élèves de l'Ecole Royale Militaire + 40 activités officielles lors de la mission économique en Chine (session d'information sur la mission, rencontre avec le vice-premier ministre Wang Qishan, banquet offert par le gouvernement, déjeuner de travail "Insight in the 12th Five-Year plan the outside", réunion de travail avec les membres du gouvernement de Tianjin, rencontre avec le maire de Tianjin, dîner offert par le maire de Tianjin, visite du Palais d'Eté à Pékin, signature de contrats, forum China-Belgium Education, visite de l'Art Belge à la biennale chinoise, spectacle du Ji-Xing Dance Theatre de Shanghaï, rencontre avec le président du groupe HNA, dîner avec le groupe HNA et le Kingdom Club, déjeuner de travail Innovation Corporation, rencontre avec le président du Zhejiang Geely Holding Group, réunion de travail avec Volvo Car Corporation, rencontre avec Shoo Mingli, cocktaïl conclusif de trois séminaires, dîner organisé par l'Awex, le Btc et le Fit, Diamond Road Show, rencontre avec le vice-président de Chine Xi Jinping, signature de contrats, soirée pour les 40 ans de relations diplomatiques belgo-chinoises, visite du Public Peting House Project à Chongqing, séminaire Go West Policy of Chinese Opportunities in Chongqing, rencontre avec le maire de Chongqing, signature de contrats, banquet offert par le maire de Chongqing, déjeuner-forum Belgium-China Business, rencontre avec le secrétaire du parti de la province de Guangdong, banquet offert par le maire de Guangdong, signature de contrats à Shenzen, dîner Invest in Belgium, rencontre avec le président de China Southern Airlines, récital de piano de Shen Wenyu, rencontre avec le Shanghaï Intend Port Group, breefing à Eden Chocolates de Shanghaï, dîner Shanghaï-Belgium, visite de Xue Long).
25 activités officielles pour la princesse Mathilde : Journée Européenne de l'Emploi au Berlaymont, déjeuner en l'honneur de la présidente du Brésil, inauguration du festival Europalia Brésil, visite du Centre de Compétence Jeunesse à Kiel, visite du Centre de Compétence Jeunesse à Borgerhout, concert d'automne au palais royal, déjeuner de travail avec des femmes entrepreneurs indépendantes + 18 activités officielles lors de la mission économique en Chine (session d'information sur la mission, banquet offert par le gouvernement, rencontre avec les femmes d'affaires de la délégation, visite de l'académie de tennis de Justine Henin, ouverture de l'exposition "Belgian Architectures and Arts in China", visite du Palais d'Eté à Pékin, signature de contrats, forum China-Belgium Education, visite de l'Art Belge à la biennale chinoise, spectacle du Jin Xing Dance Theatre de Shanghaï, dîner avec les Young Global Leaders, visite à Handicap International, visite de One+One Radio Station, visite de l'association China Dolls, déjeuner avec des étudiants belges, inauguration d'un centre sur l'épilepsie, inauguration de l'exposition The Art of Splendors, soirée pour les 40 ans de relations diplomatiques belgo-chinoises).
15 activités officielles pour la princesse Astrid : visite du centre de revalidation oncologique Villa Royale d'Ostende, déjeuner en l'honneur de la présidente du Brésil, inauguration du festival Europalia Brésil, rencontre avec l'ancien président américain Jimmy Carter, rémise des fonds de recherche de la Ligue Flamande contre le Cancer, 30ème anniversaire de la semaine handisport de Fleurus, inauguration du centre de visite du Parlement Européen, 125ème anniversaire de la Société Royale Syndicat d'Initiative Bruxelles Promotion, 75ème anniversaire de l'Orchestre National de Belgique, avant-première mondiale du film "Tintin et le Secret de la Licorne", hommage national au travail et aux travailleurs, inauguration de la nouvelle église danoise de Bruxelles, visite de l'institut de recherche interdisciplinaire en biologie humaine et moléculaire à l'ULB, concert d'automne au palais royal, symposium sur les 20 ans de prévention du sida à la Défense.
3 activités officielles pour le prince Lorenz : déjeuner en l'honneur de la présidente du Brésil, inauguration du festival Europalia Brésil, concert d'automne au palais royal.
1 activité officielle pour le prince Laurent : soirée au profit de la Fondation Prince Laurent.
1 activité officielle pour la princesse Claire : concert au profit de l'Oeuvre Royale des Berceaux Princesse Paola.
Résumé des activités officielles de janvier à octobre 2011 :
Roi : 148 audiences + 46 activités officielles
Prince Philippe : 189 activités officielles
Princesse Mathilde : 147 activités officielles
Princesse Astrid : 77 activités officielles
Reine Paola : 61 activités officielles
Prince Laurent : 28 activités officielles
Prince Lorenz : 27 activités officielles
Princesse Claire : 18 activités officielles
Reine Fabiola : 18 activités officielles
lundi 31 octobre 2011
Le rôle politique du roi Albert II en 1997
Le 14 janvier, les souverains visitent le Bureau Central de Recherches de la gendarmerie en compagnie des parents de 25 enfants disparus. Deux semaines plus tard, la reine Fabiola remet à la famille de Loubna Ben Aïssa (disparue en 1992 à Ixelles) le Prix des Médias 1996 de la Fondation Roi Baudouin.
Dans son discours de Nouvel An 1997 aux corps constitués, le Roi invite les autorités à l' "humilité et la remise en question", évoque la maltraitance des enfants et se prononce pour un centre européen pour la recherche des enfants disparus, avant de répéter la promesse du couple royal de participer activement à la lutte pour la protection et le respect de la dignité des enfants en mémoire de Julie, Mélissa, An et Eefje.
Dans la nuit du 5 mars, des enquêteurs découvrent dans le sous-sol d'une station-service d'Ixelles les restes de Loubna, disparue et décédée en 1992. La Belgique retombe dans l'horreur et l'indignation : comment le Parquet de Bruxelles n'a-t-il pas enquêté sur Patrick Derochette, un pédophile déjà emprisonné et habitant à 100m du domicile des Ben Aïssa?
Dès le lendemain, le Roi téléphone à la famille de Loubna et les invite à se rendre au château de Laeken pour une nouvelle rencontre avec le couple royal. Le 8 mars, les funérailles ont lieu à la grande mosquée de Bruxelles en présence de parents d'enfants disparus, de Claude Lelièvre, de Marie-France Botte, d'un aide de camp du Roi et de plusieurs responsables politiques. Le corps de Loubna est ensuite inhumé à Tanger au Maroc, d'où est originaire la famille Ben Aïssa, en présence de 10.000 personnes.
En tant que sénateur de droit, le prince Philippe assiste à la séance du 19 mars de la Commission de l'Intérieur et des Affaires Administratives du Sénat sur la création d'un centre pour la recherche des enfants disparus à Bruxelles. Quelques jours plus tôt, le Roi avait reçu en audience le responsable du projet, Pierre-Martin Neirinckx. Ce n'est pas un hasard si ce dernier est un collaborateur de la Fondation Roi Baudouin... Albert II était bien décidé à faire tout ce qui était en son pouvoir pour que ce centre voit le jour.
La reine Paola se rend le 25 avril incognito au domicile des Ben Aïssa à Ixelles pour leur apporter son soutien dans leur recherche de la vérité et pour les féliciter à l'occasion de la naissance du petit Zaccharia. Notre souveraine avait beaucoup de respect et de sympathie pour la dignité de cette famille immigrée (la grande soeur Nabela en particulier).
Le 21 mai, le Roi, la Reine, la princesse Astrid et le prince Lorenz participent à l'inauguration dans le parc royal de Bruxelles de la sculpture de Jean-Michel Folon, "Le messager", dédié aux enfants disparus. Parmi les nombreux élèves venus avec leurs enseignants, on a reconnu Amedeo et Maria-Laura, les enfants de la princesse Astrid. Quatre jours plus tard, le couple royal assiste à la séance d'ouverture du forum national "Les enfants nous interpellent", organisé au palais des Congrès de Bruxelles par la Commission Nationale contre l'exploitation sexuelle des enfants.
Au cours de ce premier semestre de 1997, Albert II suit avec attention les travaux de la commission de la Chambre sur les disparitions d'enfants : il reçoit en audience son président Marc Verwilghen, ses rapporteurs Renaat Landuyt et Nathalie de 't Serclaes, deux autres députés membres Tony Van Parys et Vincent Decroly. Des parents d'enfants disparus sont aussi conviés au palais royal, comme Marie-Noëlle Bouzet, la mère d'Elisabeth, le 23 juin.
Mais le Roi n'oublie cependant pas la politique étrangère de la Belgique : il se rend en mars aux sièges de la Commission Européenne et de l'Otan à Bruxelles. Quelques mois plus tôt, il avait été le premier chef d'Etat à rendre visite à l'Etat-Major de l'Eurocorps à Strasbourg. Dans son discours devant le conseil de l'Otan, Albert déclare notamment :
"Notre continent doit faire face à de nouveaux défis. L'Alliance assume, elle aussi, une responsabilité importante dans les réponses qui y seront apportées. En effet, l'Alliance a non seulement pour mission d'assumer la protection des Etats membres, mais sa responsabilité historique en matière de paix et de prospérité est plus large et s'étend à tout le continent.
L'élargissement de l'Otan est une de ces questions historiques. La solidarité accrue et une coopération plus poussée augmenteront la stabilité de notre continent et le bien-être de nos populations. L'histoire ne nous enseigne-t-elle pas à profusion que les lignes de fracture en Europe furent toujours à l'origine de tensions et de conflits? Par ailleurs, l'Alliance est encore interpellée par une autre sollicitation. Les progrès de l'intégration économique et politique de l'Europe suscitent par eux-mêmes un besoin grandissant d'identité européenne en matière de défense et de sécurité. Au sein de cette organisation également, l'identité européenne peut être renforcée dans un esprit de solidarité transatlantique.
Alors que l'Alliance se trouve au seuil d'une phase nouvelle de son existence, je tiens à répéter ici, solennellement, que la Belgique maintiendra ses efforts pour que l'Otan puisse assumer sans relâche son rôle de garant de la paix. Depuis plus de trente ans, l'Organisation du Traité de l'Atlantique Nord s'est fixée à Bruxelles. Elle y est bien enracinée et une longue tradition de coopération et de dialogue s'est établie entre son secrétariat et mon pays. Lorsque nos amis d'Europe centrale et orientale, avec lesquels nous avons désormais tant d'affinités, auront rejoint l'Alliance, ou auront développé avec elle des liens privilégiés, alors encore mon pays se sentira appelé à accueillir cette Otan renouvelée. En tant que pays hôte, la Belgique, comme par le passé, ne ménagera aucun effort pour assurer le bon fonctionnement de l'Alliance du XXIème siècle".
Dans son discours télévisé du 21 juillet 1997, le Roi évoque les réformes de la justice entreprises par le gouvernement fédéral et les Assises de la Démocratie organisées par le président de la Chambre Raymond Langendries. Il parle aussi de la situation économique de notre pays :
"Dans la lutte pour l'emploi, des changements sont perceptibles et méritent d'être stimulés. Des mesures ont été prises pour diminuer les cotisations de sécurité sociale et donc le coût du travail. Elles devront être renforcées dans la limite des moyens budgétaires disponibles. Par ailleurs, les efforts consentis pour introduire une plus grande flexibilité dans les entreprises doivent être poursuivis. Il en va de même dans la répartition du volume de l'emploi. Exploitons davantage et sans a priori les perspectives offertes par le travail à temps partiel.
Chacun perçoit mieux la priorité à accorder à l'emploi par rapport à l'accroissement des rémunérations. Les opportunités offertes par la société de la connaissance et des communications, de même que notre position centrale dans une Europe en pleine mutation, doivent stimuler notre esprit d'entreprise et d'innovation. Nous devons donc créer des activités nouvelles, en particulier par l'intermédiaire des petites et moyennes entreprises.
Il me semble, par ailleurs, que dans ces différents domaines, des convergences d'opinion se développent chez les partenaires sociaux tant au niveau fédéral que dans chacune de nos régions et je voudrais réitérer ici l'appel au consensus social pour l'emploi que je lançais, il y a quatre ans, lors de ma prestation de serment".
Lors de son voyage d'Etat en Autriche en octobre 1997, le Roi évoque la construction européenne lors du dîner de gala : "Bientôt, l'Union envisagera son élargissement qui correspond d'ailleurs à sa vocation historique. L'Autriche connaît bien nos futurs partenaires d'Europe centrale et de l'Est. Elle pourra donc jouer un rôle de premier plan dans les négociations qui s'annoncent. Mon pays espère que l'étroite coopération avec l'Autriche se poursuivra au sein de cette Union élargie. Dans ces différents domaines, la conférence intergouvernementale a posé des jalons importants, mais l'avenir de l'Union exige davantage. L'Europe ne réussira bien que si elle parvient à répondre en termes simples aux préoccupations des gens, à leurs inquiétudes et à leurs espoirs. Ainsi, nous devons être particulièrement attentifs aux aspirations exprimées lors des funérailles de Mère Térésa et de la princesse de Galles par des millions de personnes. Elles demandent un monde moins technocratique, un monde plus humain, plus chaleureux, plus attentif à la pauvreté et à toutes les détresses. L'Europe réussira bien lorsque nous cesserons de rechercher uniquement nos intérêts propres et immédiats".
Dans ce discours, il déclare également : "Votre pays a récemment, et plus que d'autres sans doute, été le témoin des horribles conflits ethniques dans les Balkans. Nombreux furent ceux qui fuyant la guerre et la dictature dans ces régions bouleversées, trouvèrent un refuge en Autriche. Il est clair que ces immigrants nous font prendre une conscience plus aigüe des droits et des libertés des autres et qu'il ne suffit pas de reconnaître leur altérité mais qu'il faut aussi l'accepter. Des pays comme les nôtres sont appelés à montrer l'exemple en matière de tolérance et de respect de l'autre, car aucun peuple ne peut vivre uniquement pour lui-même". Quelques années après ce discours, l'extrême-droite entre dans le gouvernement autrichien... Au cours de l'année 1997, Albert II a reçu en audience à deux reprises Johan Leman, le directeur du Centre pour l'Egalité des Chances et la Lutte contre le Racisme.
Après avoir à nouveau rencontré quelques parents, le couple royal organise le 23 octobre une seconde table ronde au palais royal, au cours de laquelle la Commission Nationale contre l'exploitation sexuelle des enfants présente son rapport. Les parents trouvent cependant cette réunion moins constructive que la première. Dans son discours de Noël, le Roi évoque de nouveau l'enfance maltraitée, mais la replace dans un contexte plus vaste : celui de la violence qui mine une société en perte de valeurs.
Accompagnés du premier ministre Jean-Luc Dehaene et du ministre des Transports Michel Daerden, le Roi et la Reine rehaussent de leur présence le voyage inaugural du Thalys qui met Paris à 1h18 de la gare de Bruxelles-Midi. Accueillis le 10 décembre par le ministre français des Transports et le président de la SNCF, nos souverains prennent la direction du palais de l'Elysée pour un déjeuner avec le président de la République Jacques Chirac et son épouse Bernadette.
L'unité de la Belgique reste une préoccupation constante pour Albert II qui en parle dans ses deux discours télévisés de l'année 1997. Ainsi le 21 juillet :
"Tout au long de l'année, j'ai perçu chez de très nombreux citoyens, dans chaque région, beaucoup de signes montrant clairement combien notre société multiculturelle, où plusieurs langues sont utilisées, est considérée comme une source de richesse tant sur le plan humain que sur le plan économique et social. Beaucoup, hors de nos frontières, voient en notre pays un modèle possible pour la coexistence harmonieuse des différentes cultures européennes, coexistence basée sur le respect mutuel et le soutien réciproque. Certes, notre histoire nous a appris à nous battre pour l'autonomie de nos cités, de nos provinces et de nos régions, mais cette histoire nous enseigne aussi que les défis importants n'ont été relevés avec succès que dans l'union de nos forces".
Nouvelle allusion dans le discours de Noël : "En reprenant une idée chère à mon frère le roi Baudouin, j'aimerais insister sur le fait que notre pays a la chance de se trouver au confluent des grands courants culturels européens. Chacun de nous peut ainsi, tout en étant enraciné dans sa propre culture, s'enrichir de celle de l'autre. Cela suppose évidemment un effort d'écoute, un esprit curieux, ouvert et tolérant. Encourageons cet enrichissement réciproque. Ses effets bénéfiques se répandront dans tous les aspects de notre vie en commun, qu'ils soient culturels, politiques, économiques ou sociaux. Rejetons ce qui divise et sépare ; encourageons ce qui rassemble et unit".
Dans son discours de Nouvel An 1997 aux corps constitués, le Roi invite les autorités à l' "humilité et la remise en question", évoque la maltraitance des enfants et se prononce pour un centre européen pour la recherche des enfants disparus, avant de répéter la promesse du couple royal de participer activement à la lutte pour la protection et le respect de la dignité des enfants en mémoire de Julie, Mélissa, An et Eefje.
Dans la nuit du 5 mars, des enquêteurs découvrent dans le sous-sol d'une station-service d'Ixelles les restes de Loubna, disparue et décédée en 1992. La Belgique retombe dans l'horreur et l'indignation : comment le Parquet de Bruxelles n'a-t-il pas enquêté sur Patrick Derochette, un pédophile déjà emprisonné et habitant à 100m du domicile des Ben Aïssa?
Dès le lendemain, le Roi téléphone à la famille de Loubna et les invite à se rendre au château de Laeken pour une nouvelle rencontre avec le couple royal. Le 8 mars, les funérailles ont lieu à la grande mosquée de Bruxelles en présence de parents d'enfants disparus, de Claude Lelièvre, de Marie-France Botte, d'un aide de camp du Roi et de plusieurs responsables politiques. Le corps de Loubna est ensuite inhumé à Tanger au Maroc, d'où est originaire la famille Ben Aïssa, en présence de 10.000 personnes.
En tant que sénateur de droit, le prince Philippe assiste à la séance du 19 mars de la Commission de l'Intérieur et des Affaires Administratives du Sénat sur la création d'un centre pour la recherche des enfants disparus à Bruxelles. Quelques jours plus tôt, le Roi avait reçu en audience le responsable du projet, Pierre-Martin Neirinckx. Ce n'est pas un hasard si ce dernier est un collaborateur de la Fondation Roi Baudouin... Albert II était bien décidé à faire tout ce qui était en son pouvoir pour que ce centre voit le jour.
La reine Paola se rend le 25 avril incognito au domicile des Ben Aïssa à Ixelles pour leur apporter son soutien dans leur recherche de la vérité et pour les féliciter à l'occasion de la naissance du petit Zaccharia. Notre souveraine avait beaucoup de respect et de sympathie pour la dignité de cette famille immigrée (la grande soeur Nabela en particulier).
Le 21 mai, le Roi, la Reine, la princesse Astrid et le prince Lorenz participent à l'inauguration dans le parc royal de Bruxelles de la sculpture de Jean-Michel Folon, "Le messager", dédié aux enfants disparus. Parmi les nombreux élèves venus avec leurs enseignants, on a reconnu Amedeo et Maria-Laura, les enfants de la princesse Astrid. Quatre jours plus tard, le couple royal assiste à la séance d'ouverture du forum national "Les enfants nous interpellent", organisé au palais des Congrès de Bruxelles par la Commission Nationale contre l'exploitation sexuelle des enfants.
Au cours de ce premier semestre de 1997, Albert II suit avec attention les travaux de la commission de la Chambre sur les disparitions d'enfants : il reçoit en audience son président Marc Verwilghen, ses rapporteurs Renaat Landuyt et Nathalie de 't Serclaes, deux autres députés membres Tony Van Parys et Vincent Decroly. Des parents d'enfants disparus sont aussi conviés au palais royal, comme Marie-Noëlle Bouzet, la mère d'Elisabeth, le 23 juin.
Mais le Roi n'oublie cependant pas la politique étrangère de la Belgique : il se rend en mars aux sièges de la Commission Européenne et de l'Otan à Bruxelles. Quelques mois plus tôt, il avait été le premier chef d'Etat à rendre visite à l'Etat-Major de l'Eurocorps à Strasbourg. Dans son discours devant le conseil de l'Otan, Albert déclare notamment :
"Notre continent doit faire face à de nouveaux défis. L'Alliance assume, elle aussi, une responsabilité importante dans les réponses qui y seront apportées. En effet, l'Alliance a non seulement pour mission d'assumer la protection des Etats membres, mais sa responsabilité historique en matière de paix et de prospérité est plus large et s'étend à tout le continent.
L'élargissement de l'Otan est une de ces questions historiques. La solidarité accrue et une coopération plus poussée augmenteront la stabilité de notre continent et le bien-être de nos populations. L'histoire ne nous enseigne-t-elle pas à profusion que les lignes de fracture en Europe furent toujours à l'origine de tensions et de conflits? Par ailleurs, l'Alliance est encore interpellée par une autre sollicitation. Les progrès de l'intégration économique et politique de l'Europe suscitent par eux-mêmes un besoin grandissant d'identité européenne en matière de défense et de sécurité. Au sein de cette organisation également, l'identité européenne peut être renforcée dans un esprit de solidarité transatlantique.
Alors que l'Alliance se trouve au seuil d'une phase nouvelle de son existence, je tiens à répéter ici, solennellement, que la Belgique maintiendra ses efforts pour que l'Otan puisse assumer sans relâche son rôle de garant de la paix. Depuis plus de trente ans, l'Organisation du Traité de l'Atlantique Nord s'est fixée à Bruxelles. Elle y est bien enracinée et une longue tradition de coopération et de dialogue s'est établie entre son secrétariat et mon pays. Lorsque nos amis d'Europe centrale et orientale, avec lesquels nous avons désormais tant d'affinités, auront rejoint l'Alliance, ou auront développé avec elle des liens privilégiés, alors encore mon pays se sentira appelé à accueillir cette Otan renouvelée. En tant que pays hôte, la Belgique, comme par le passé, ne ménagera aucun effort pour assurer le bon fonctionnement de l'Alliance du XXIème siècle".
Dans son discours télévisé du 21 juillet 1997, le Roi évoque les réformes de la justice entreprises par le gouvernement fédéral et les Assises de la Démocratie organisées par le président de la Chambre Raymond Langendries. Il parle aussi de la situation économique de notre pays :
"Dans la lutte pour l'emploi, des changements sont perceptibles et méritent d'être stimulés. Des mesures ont été prises pour diminuer les cotisations de sécurité sociale et donc le coût du travail. Elles devront être renforcées dans la limite des moyens budgétaires disponibles. Par ailleurs, les efforts consentis pour introduire une plus grande flexibilité dans les entreprises doivent être poursuivis. Il en va de même dans la répartition du volume de l'emploi. Exploitons davantage et sans a priori les perspectives offertes par le travail à temps partiel.
Chacun perçoit mieux la priorité à accorder à l'emploi par rapport à l'accroissement des rémunérations. Les opportunités offertes par la société de la connaissance et des communications, de même que notre position centrale dans une Europe en pleine mutation, doivent stimuler notre esprit d'entreprise et d'innovation. Nous devons donc créer des activités nouvelles, en particulier par l'intermédiaire des petites et moyennes entreprises.
Il me semble, par ailleurs, que dans ces différents domaines, des convergences d'opinion se développent chez les partenaires sociaux tant au niveau fédéral que dans chacune de nos régions et je voudrais réitérer ici l'appel au consensus social pour l'emploi que je lançais, il y a quatre ans, lors de ma prestation de serment".
Lors de son voyage d'Etat en Autriche en octobre 1997, le Roi évoque la construction européenne lors du dîner de gala : "Bientôt, l'Union envisagera son élargissement qui correspond d'ailleurs à sa vocation historique. L'Autriche connaît bien nos futurs partenaires d'Europe centrale et de l'Est. Elle pourra donc jouer un rôle de premier plan dans les négociations qui s'annoncent. Mon pays espère que l'étroite coopération avec l'Autriche se poursuivra au sein de cette Union élargie. Dans ces différents domaines, la conférence intergouvernementale a posé des jalons importants, mais l'avenir de l'Union exige davantage. L'Europe ne réussira bien que si elle parvient à répondre en termes simples aux préoccupations des gens, à leurs inquiétudes et à leurs espoirs. Ainsi, nous devons être particulièrement attentifs aux aspirations exprimées lors des funérailles de Mère Térésa et de la princesse de Galles par des millions de personnes. Elles demandent un monde moins technocratique, un monde plus humain, plus chaleureux, plus attentif à la pauvreté et à toutes les détresses. L'Europe réussira bien lorsque nous cesserons de rechercher uniquement nos intérêts propres et immédiats".
Dans ce discours, il déclare également : "Votre pays a récemment, et plus que d'autres sans doute, été le témoin des horribles conflits ethniques dans les Balkans. Nombreux furent ceux qui fuyant la guerre et la dictature dans ces régions bouleversées, trouvèrent un refuge en Autriche. Il est clair que ces immigrants nous font prendre une conscience plus aigüe des droits et des libertés des autres et qu'il ne suffit pas de reconnaître leur altérité mais qu'il faut aussi l'accepter. Des pays comme les nôtres sont appelés à montrer l'exemple en matière de tolérance et de respect de l'autre, car aucun peuple ne peut vivre uniquement pour lui-même". Quelques années après ce discours, l'extrême-droite entre dans le gouvernement autrichien... Au cours de l'année 1997, Albert II a reçu en audience à deux reprises Johan Leman, le directeur du Centre pour l'Egalité des Chances et la Lutte contre le Racisme.
Après avoir à nouveau rencontré quelques parents, le couple royal organise le 23 octobre une seconde table ronde au palais royal, au cours de laquelle la Commission Nationale contre l'exploitation sexuelle des enfants présente son rapport. Les parents trouvent cependant cette réunion moins constructive que la première. Dans son discours de Noël, le Roi évoque de nouveau l'enfance maltraitée, mais la replace dans un contexte plus vaste : celui de la violence qui mine une société en perte de valeurs.
Accompagnés du premier ministre Jean-Luc Dehaene et du ministre des Transports Michel Daerden, le Roi et la Reine rehaussent de leur présence le voyage inaugural du Thalys qui met Paris à 1h18 de la gare de Bruxelles-Midi. Accueillis le 10 décembre par le ministre français des Transports et le président de la SNCF, nos souverains prennent la direction du palais de l'Elysée pour un déjeuner avec le président de la République Jacques Chirac et son épouse Bernadette.
L'unité de la Belgique reste une préoccupation constante pour Albert II qui en parle dans ses deux discours télévisés de l'année 1997. Ainsi le 21 juillet :
"Tout au long de l'année, j'ai perçu chez de très nombreux citoyens, dans chaque région, beaucoup de signes montrant clairement combien notre société multiculturelle, où plusieurs langues sont utilisées, est considérée comme une source de richesse tant sur le plan humain que sur le plan économique et social. Beaucoup, hors de nos frontières, voient en notre pays un modèle possible pour la coexistence harmonieuse des différentes cultures européennes, coexistence basée sur le respect mutuel et le soutien réciproque. Certes, notre histoire nous a appris à nous battre pour l'autonomie de nos cités, de nos provinces et de nos régions, mais cette histoire nous enseigne aussi que les défis importants n'ont été relevés avec succès que dans l'union de nos forces".
Nouvelle allusion dans le discours de Noël : "En reprenant une idée chère à mon frère le roi Baudouin, j'aimerais insister sur le fait que notre pays a la chance de se trouver au confluent des grands courants culturels européens. Chacun de nous peut ainsi, tout en étant enraciné dans sa propre culture, s'enrichir de celle de l'autre. Cela suppose évidemment un effort d'écoute, un esprit curieux, ouvert et tolérant. Encourageons cet enrichissement réciproque. Ses effets bénéfiques se répandront dans tous les aspects de notre vie en commun, qu'ils soient culturels, politiques, économiques ou sociaux. Rejetons ce qui divise et sépare ; encourageons ce qui rassemble et unit".
lundi 24 octobre 2011
Le rôle politique du roi Albert II en 1996 (2ème partie)
La semaine suivante, le Palais annonce que le Roi avait de Châteauneuf-de-Grasse téléphoné aux parents d'An et Eefje, disparues à Ostende un an plus tôt. La presse francophone critiqua ce soudain soutien aux parents des deux Flamandes. Le 3 septembre, on retrouve les corps d'An et Eefje à Jumet dans la propriété d'un complice de Dutroux. Tout le pays se retrouve une nouvelle fois en deuil. Les parents des deux victimes acceptent un représentant du Roi aux funérailles, malgré un protocole désuet et inadapté à de telles circonstances.
Entretemps, revenus de vacances, les souverains reçoivent longuement durant plusieurs jours les familles des nombreux enfants disparus, le ministre de la Justice Stefaan De Clerck, Marie-France Botte, les responsables de l'asbl Marc et Corine, et le magistrat national André Vandoren. Les parents de Julie et Mélissa acceptent l'invitation et règlent leur différend avec le Roi, qui s'engage à ne plus signer de grâce royale sans avoir eu connaissance au préalable du dossier du détenu. Certains observateurs affirment que ce serait la reine Paola, profondément choquée par l'affaire Dutroux, qui aurait suggéré à son époux de recevoir les parents au palais royal. Au cours de leur règne, c'est la seule fois où la Reine a participé aux audiences du Roi.
Dans le livre "Paola : de la dolce vita à la couronne" de Mario Danneels, Betty Marchal (la maman d'An) raconte cette rencontre : "Au palais, Paul a longuement raconté notre histoire. Nous avons été reçus pendant 1h30, ce qui est rare pour une audience. Mais le Roi et la Reine prenaient leur temps. Ils étaient intéressés par le récit des événements. Ils nous ont posé des questions. Paul aussi, ce qui est contraire au protocole. Et il a clarifié certains points. Le secrétaire personnel du Roi devait prendre force notes et j'avais l'impression qu'elles n'étaient pas destinées à finir dans la corbeille à papier. La Reine a même pleuré. Je peux simplement en conclure qu'elle est un être humain comme les autres. Ce n'est pas parce qu'on est une reine que l'on ne peut plus avoir de sentiments comme les autres gens. Elle était profondément indignée en apprenant que l'enquête avait été une succession de gaffes. C'est inouï la façon dont cette enquête a été menée ou plutôt n'a pas été menée. Paola a elle-même trois enfants et je pense qu'elle essayait de se représenter quel drame c'était pour nous".
Nabela Ben Aïssa, la soeur de Loubna, témoigne dans son livre "Au nom de ma soeur" : "Je m'y suis rendue avec mes parents et je dois avouer que le contact s'est passé autrement que ce à quoi je m'attendais. Avant de mettre le pied au palais, je pensais que ce serait une rencontre très froide, très formelle. Au contraire, j'ai vraiment ressenti la préoccupation du Roi et de la Reine. J'ai l'impression qu'aussi bien lui qu'elle, un peu comme Monsieur Tout-le-Monde, ont vécu ces disparitions une à une et n'ont pas ressenti l'atrocité du drame de chacune des familles. Quand nous leur avons expliqué petit à petit notre histoire, comment l'enquête s'était passée, ils ont été fort touchés. Ils le montraient sans gêne, tout simplement. Cela n'avait plus rien de formel. Je crois que c'était vraiment sincère".
Dans le premier numéro de "La Marche Blanche" paru en juin 1997, Carine Russo (la maman de Mélissa) écrit : "Des milliers de personnes veulent nous dire qu'ils ne peuvent pas comprendre, pour nous aider ainsi à affronter la cruelle réalité. Ceux que nous rencontrons ne parlent plus qu'avec les yeux. Même Paola, épouse, mère et souveraine, dans le palais où nous nous trouvons un peu plus tard. Paola, qui est avant tout le symbole de la féminité, de la douceur et du charme, tourne maintenant dans la ronde, émue jusqu'aux larmes. Elle commet ces petites maladresses qui la rendent tellement plus humaine, plus authentique. Paola, une reine qui paraissait si lointaine et qui est soudain si proche. Une femme de chair et de sang qui nous regarde, éperdue d'impuissance, et qui ne sait plus que dire".
Au terme de ces audiences, le Palais diffuse le 10 septembre 1996 un communiqué qui ne passe pas inaperçu :
"Ce midi, le Roi a reçu le ministre de la Justice pour lui transmettre une liste d'observations et de questions suite aux rencontres qu'il a eues avec les familles. Le Roi a rappelé qu'une clarté totale doit être faite sur ce drame, ses origines et toutes ses ramifications. Sur le plan national, le Roi s'est engagé vis-à-vis des familles des victimes à poursuivre avec elles, ensemble avec le ministre de la Justice, des spécialistes et des hauts fonctionnaires compétents, un dialogue concret sur les mesures prises et à prendre pour combattre la pédophilie et la traite des êtres humains chez nous, en Europe et dans le monde. Une première réunion aura lieu en octobre.
Il est en outre certain que sans porter atteinte à l'indépendance du pouvoir judiciaire, essentielle à notre démocratie, une réflexion de fond doit être conduite et poursuivie, qui doit mener à une justice plus humaine et plus efficace. Elle doit aussi mettre en place les contrôles internes et externes, et une formation plus adéquate pour permettre au pouvoir judiciaire de mieux faire face à l'évolution de la criminalité. Il ne s'agit pas de généraliser les critiques mais de corriger et d'améliorer ce qui doit l'être là où c'est nécessaire. Tous ceux qui sont engagés dans les enquêtes judiciaires doivent être encouragés à poursuivre leurs efforts jusqu'au bout.
Sur le plan international, une réunion des ministres de la Justice et de l'Intérieur des pays de l'Union Européenne se tiendra à la fin de ce mois et sera consacrée notamment à la répression de la pédophilie et la traite des êtres humains. Nos ministres y préciseront un certain nombre de mesures concrètes prises par la Belgique et qui devraient être renforcées à l'échelle européenne. Une autre action sera également menée au sein des Nations Unies pour combattre ces fléaux à l'échelle mondiale. Le ministre de la Justice a également informé le Roi des résultats des réunions concernant l'enquête sur l'assassinat du ministre d'Etat André Cools. Là aussi, toute la clarté doit être faite".
Si la presse salue cette prise de position énergique d'Albert II, certains constitutionnalistes et le président du PRL Louis Michel estiment que le Roi dépasse son rôle constitutionnel et que le débat sur la pédophilie doit se tenir au parlement et non au palais royal. Il faut cependant noter que ce communiqué inédit avait reçu l'aval du gouvernement Dehaene II. Des observateurs font aussi remarquer que c'était la première fois que le Palais transgressait le secret du contenu des colloques singuliers du souverain ("On ne dévoile pas la Couronne"), surtout lorsqu'un ministre y est rappelé à l'ordre.
Le 2 octobre, la reine Paola assiste à Bruxelles à une après-midi d'information sur les droits de l'enfant dans certaines procédures juridiques. Début octobre, le Roi reçoit à nouveau en audience Marie-France Botte et le magistrat national André Vandoren, mais aussi Patsy Sörensen (échevine écologiste qui se bat contre le trafic d'êtres humains à Anvers) et Sophie Wirtz (présidente de l'asbl Mouvement du Nid qui lutte contre la prostitution des jeunes). En cette période troublée, le ministre de la Justice Stefaan De Clerck est convoqué au palais royal les 30 août, 6 septembre, 10 septembre, 18 septembre, 4 octobre et 10 octobre!
Comme convenu, le Roi, la Reine et le ministre de la Justice organisent le 18 octobre une grande table ronde au palais royal. Les parents des enfants disparus et les experts de la Commission Nationale contre l'exploitation sexuelle des enfants avaient été conviés. Albert II prononce un discours critique sur le système judiciaire, ce qui irrite un certain nombre de magistrats qui boudent les Te Deum organisés dans tout le pays le 15 novembre pour la fête du Roi :
"Ce que nous avons vécu en Belgique avec la disparition et la mort d'enfants innocents dans des circonstances horribles constitue une véritable tragédie nationale. Je le répète : une clarté totale doit être faite sur ce drame, ses origines et toutes ses ramifications, et cela dans un délai raisonnable. La Reine et moi sommes convaincus que cette tragédie doit maintenant être l'occasion d'un sursaut moral et d'un changement profond dans notre pays. Cela suppose d'abord de la part de chaque autorité une attitude d'humilité et de remise en question. Une des tâches essentielles de l'Etat est d'assurer la sécurité de tous les citoyens, et en particulier les plus vulnérables : nos enfants. Il faut reconnaître que dans ce cas ce fut un échec, de nombreuses erreurs ont été commises, et dans les contacts avec les familles des victimes, il y a eu un manque d'humanité.
Ecouter attentivement les familles des victimes, tirer des conclusions de leurs témoignages, voilà ce qu'il faut faire pour stimuler le changement. C'est une raison importante de notre rencontre cet après-midi. Le changement est aussi l'affaire de chaque citoyen. Il suppose l'engagement de tous. Ce qui s'est passé doit nous convaincre que le citoyen responsable en collaborant avec d'autres, notamment avec les services de sécurité, peut contribuer à éviter beaucoup de drames. Je pense aux personnes qui ont donné le signalement du véhicule ayant servi à l'enlèvement de Bertrix. Elles ont permis à des enquêteurs efficaces et motivés de faire des progrès décisifs et d'éviter d'autres crimes. Je pense aussi aux volontaires et aux associations qui assistent des citoyens et leurs familles dans leurs contacts avec la Justice.
Le changement sera une oeuvre de longue haleine, mais il se fera, j'en suis convaincu. Il faudra persévérer, tenir bon, car changer les mentalités et les règles de la société ne s'accomplit pas du jour au lendemain. Il faudra aussi rester vigilant pour ne pas tomber dans l'ornière. Suivre et accompagner ce changement, c'est une autre raison de notre rencontre d'aujourd'hui. Nous garderons à l'avenir le contact avec les familles.
Je voudrais aussi m'adresser à celles et ceux d'entre vous qui organisent la marche blanche de solidarité de dimanche à Bruxelles. Par votre initiative, vous voulez attirer l'attention de toute la Nation sur ce qui doit changer dans notre société pour que la sécurité et la dignité des enfants soit respectée partout. Je vous encourage à le faire dans un esprit constructif et de respect de nos institutions démocratiques. Lutter pour empêcher que d'autres enfants ne soient victimes de maltraitance, ici mais aussi ailleurs dans le monde, c'est l'engagement que nous prenons, la Reine et moi, vis-à-vis de tous ceux qui souffrent de la disparition ou de la mort d'un enfant".
Après ce discours, le ministre de la Justice Stefaan De Clerck expose les mesures déjà prises par le gouvernement et celles qui restaient à prendre. La Commission Nationale contre l'exploitation sexuelle des enfants a ensuite été mise sur pied. Puis, les parents ont pu formuler leurs observations et poser des questions. Pour clôturer cette table ronde, nos souverains ont offert une réception à la septantaine d'invités.
Le 20 octobre 1996, jour de la marche blanche qui a vu défiler 325.000 personnes dans les rues de Bruxelles, nos souverains s'envolent pour leur voyage d'Etat au Japon prévu de longue date. Le Roi y confie au ministre des Affaires étrangères Eric Derycke son étonnement face à l'ampleur de cette marche et sa joie de voir la solidarité entre tous les Belges.
Au cours de ces semaines agitées, Stefaan De Clerck a été très proche du couple royal et avait compris que le gouvernement fédéral avait besoin du soutien symbolique du chef de l'Etat, afin d'éviter des troubles dans le pays. En juillet 2003, il témoigna au journal "La Libre Belgique" :
"Le communiqué du Roi vous a-t-il surpris?
- C'est une communication qui a suscité des réactions aussi au sein du gouvernement. Mais il a couvert le Roi sans aucun problème. Le Roi avait très bien analysé la situation. Cela a été accepté par les responsables politiques. C'était un peu exceptionnel mais la situation était exceptionnelle. Le pays était très secoué. Il était adéquat que le Roi intervienne d'une manière forte.
- La communication fonctionnait-elle bien entre le Palais et la rue de la Loi?
- Il y a eu des contacts très intenses, presque journaliers, entre le Roi (et la Reine, j'insiste, parce que c'était aussi exceptionnel) et les responsables politiques depuis la mi-août jusqu'au 20 octobre 1996, date de la marche blanche. Les souverains ont reçu ensemble les parents de toutes les victimes. Tout s'est fait en collaboration avec le cabinet de la justice, comme les deux tables rondes. Il me semble que c'est le dossier que les souverains ont suivi le plus attentivement.
- Estimez-vous que cet intérêt du Palais a été positif?
- Oui. Cela a joué une toute grande importance. Je pense que c'est grâce à la table ronde qui s'est tenue au palais le 18 octobre et au discours du Roi devant les caméras de télévision que la manifestation prévue deux jours plus tard est devenue une marche blanche. Cela a apporté de la sérénité au dossier et permis d'éviter une manifestation violente. Les parents sont sortis du palais avec un message positif".
Le 14 décembre, la reine Paola assiste à Bruxelles à la Journée Mondiale "Prostitution des jeunes : tous, acteurs de prévention" organisée par l'asbl Mouvement du Nid. Elle avait demandé à Marie-Noëlle Bouzet, la maman d'Elisabeth Brichet (disparue en 1989 à Saint-Servais), de l'y accompagner. En cette fin d'année 1996, le couple royal rencontre les parents de Christel Dispa, une fillette enlevée, violée et assassinée dans les années 80. Le Roi reçoit en audience en décembre le président de la commission de la Chambre sur la disparition d'enfants Marc Verwilghen, le ministre de la Justice Stefaan De Clerck, le directeur général de l'administration des établissements pénitentiaires Jacques Devlieghere, ainsi que des responsables de l'asbl SOS Enfants et de l'asbl SOS Incest.
A année exceptionnelle, discours de Noël exceptionnel : le Roi consacre l'intégralité de son allocution aux événements tragiques du second semestre de 1996. Il énonce notamment en douze points les souhaits des Belges (lui y compris) :
"Nous voulons que dans notre pays et partout dans le monde l'éducation des enfants devienne une priorité et que leur dignité soit respectée.
Nous voulons un pays où parents et enfants dialoguent, passent plus de temps ensemble, cheminent ensemble.
Nous voulons une société où les médias audiovisuels et la publicité montrent moins de violence et respectent davantage la femme en ne la considérant pas comme un objet.
Nous voulons que la poursuite de la richesse matérielle soit moins prioritaire dans l'existence et que les joies simples de la vie, notamment celles de la famille, y occupent une plus grande place.
Nous voulons un pays où les familles immigrées soient pleinement intégrées dans notre vie nationale, comme ce fut le cas à l'occasion de la marche blanche.
Nous voulons qu'à tous les niveaux, la solidarité soit plus réelle et que les égoïsmes personnels ou collectifs ainsi que le racisme ne trouvent plus leur place.
Nous voulons un pays qui soit plus solidaire aussi avec ceux qui souffrent dans le monde et notamment les réfugiés en Afrique centrale.
Nous voulons que la justice soit plus humaine, plus efficace et que le secret de l'instruction soit respecté.
Nous voulons un pays où Flamands, Wallons et Bruxellois marchent ensemble, côte à côte, comme ils le firent dans la marche blanche.
Nous voulons que tous ceux qui exercent une autorité publique soient intègres et se considèrent au service de la population.
Nous voulons une société où se développe une nouvelle forme de citoyenneté responsable et où chacun est disposé à s'engager concrètement.
Bref, nous voulons que le respect de chaque personne humaine soit une attitude naturelle de chacun".
Entretemps, revenus de vacances, les souverains reçoivent longuement durant plusieurs jours les familles des nombreux enfants disparus, le ministre de la Justice Stefaan De Clerck, Marie-France Botte, les responsables de l'asbl Marc et Corine, et le magistrat national André Vandoren. Les parents de Julie et Mélissa acceptent l'invitation et règlent leur différend avec le Roi, qui s'engage à ne plus signer de grâce royale sans avoir eu connaissance au préalable du dossier du détenu. Certains observateurs affirment que ce serait la reine Paola, profondément choquée par l'affaire Dutroux, qui aurait suggéré à son époux de recevoir les parents au palais royal. Au cours de leur règne, c'est la seule fois où la Reine a participé aux audiences du Roi.
Dans le livre "Paola : de la dolce vita à la couronne" de Mario Danneels, Betty Marchal (la maman d'An) raconte cette rencontre : "Au palais, Paul a longuement raconté notre histoire. Nous avons été reçus pendant 1h30, ce qui est rare pour une audience. Mais le Roi et la Reine prenaient leur temps. Ils étaient intéressés par le récit des événements. Ils nous ont posé des questions. Paul aussi, ce qui est contraire au protocole. Et il a clarifié certains points. Le secrétaire personnel du Roi devait prendre force notes et j'avais l'impression qu'elles n'étaient pas destinées à finir dans la corbeille à papier. La Reine a même pleuré. Je peux simplement en conclure qu'elle est un être humain comme les autres. Ce n'est pas parce qu'on est une reine que l'on ne peut plus avoir de sentiments comme les autres gens. Elle était profondément indignée en apprenant que l'enquête avait été une succession de gaffes. C'est inouï la façon dont cette enquête a été menée ou plutôt n'a pas été menée. Paola a elle-même trois enfants et je pense qu'elle essayait de se représenter quel drame c'était pour nous".
Nabela Ben Aïssa, la soeur de Loubna, témoigne dans son livre "Au nom de ma soeur" : "Je m'y suis rendue avec mes parents et je dois avouer que le contact s'est passé autrement que ce à quoi je m'attendais. Avant de mettre le pied au palais, je pensais que ce serait une rencontre très froide, très formelle. Au contraire, j'ai vraiment ressenti la préoccupation du Roi et de la Reine. J'ai l'impression qu'aussi bien lui qu'elle, un peu comme Monsieur Tout-le-Monde, ont vécu ces disparitions une à une et n'ont pas ressenti l'atrocité du drame de chacune des familles. Quand nous leur avons expliqué petit à petit notre histoire, comment l'enquête s'était passée, ils ont été fort touchés. Ils le montraient sans gêne, tout simplement. Cela n'avait plus rien de formel. Je crois que c'était vraiment sincère".
Dans le premier numéro de "La Marche Blanche" paru en juin 1997, Carine Russo (la maman de Mélissa) écrit : "Des milliers de personnes veulent nous dire qu'ils ne peuvent pas comprendre, pour nous aider ainsi à affronter la cruelle réalité. Ceux que nous rencontrons ne parlent plus qu'avec les yeux. Même Paola, épouse, mère et souveraine, dans le palais où nous nous trouvons un peu plus tard. Paola, qui est avant tout le symbole de la féminité, de la douceur et du charme, tourne maintenant dans la ronde, émue jusqu'aux larmes. Elle commet ces petites maladresses qui la rendent tellement plus humaine, plus authentique. Paola, une reine qui paraissait si lointaine et qui est soudain si proche. Une femme de chair et de sang qui nous regarde, éperdue d'impuissance, et qui ne sait plus que dire".
Au terme de ces audiences, le Palais diffuse le 10 septembre 1996 un communiqué qui ne passe pas inaperçu :
"Ce midi, le Roi a reçu le ministre de la Justice pour lui transmettre une liste d'observations et de questions suite aux rencontres qu'il a eues avec les familles. Le Roi a rappelé qu'une clarté totale doit être faite sur ce drame, ses origines et toutes ses ramifications. Sur le plan national, le Roi s'est engagé vis-à-vis des familles des victimes à poursuivre avec elles, ensemble avec le ministre de la Justice, des spécialistes et des hauts fonctionnaires compétents, un dialogue concret sur les mesures prises et à prendre pour combattre la pédophilie et la traite des êtres humains chez nous, en Europe et dans le monde. Une première réunion aura lieu en octobre.
Il est en outre certain que sans porter atteinte à l'indépendance du pouvoir judiciaire, essentielle à notre démocratie, une réflexion de fond doit être conduite et poursuivie, qui doit mener à une justice plus humaine et plus efficace. Elle doit aussi mettre en place les contrôles internes et externes, et une formation plus adéquate pour permettre au pouvoir judiciaire de mieux faire face à l'évolution de la criminalité. Il ne s'agit pas de généraliser les critiques mais de corriger et d'améliorer ce qui doit l'être là où c'est nécessaire. Tous ceux qui sont engagés dans les enquêtes judiciaires doivent être encouragés à poursuivre leurs efforts jusqu'au bout.
Sur le plan international, une réunion des ministres de la Justice et de l'Intérieur des pays de l'Union Européenne se tiendra à la fin de ce mois et sera consacrée notamment à la répression de la pédophilie et la traite des êtres humains. Nos ministres y préciseront un certain nombre de mesures concrètes prises par la Belgique et qui devraient être renforcées à l'échelle européenne. Une autre action sera également menée au sein des Nations Unies pour combattre ces fléaux à l'échelle mondiale. Le ministre de la Justice a également informé le Roi des résultats des réunions concernant l'enquête sur l'assassinat du ministre d'Etat André Cools. Là aussi, toute la clarté doit être faite".
Si la presse salue cette prise de position énergique d'Albert II, certains constitutionnalistes et le président du PRL Louis Michel estiment que le Roi dépasse son rôle constitutionnel et que le débat sur la pédophilie doit se tenir au parlement et non au palais royal. Il faut cependant noter que ce communiqué inédit avait reçu l'aval du gouvernement Dehaene II. Des observateurs font aussi remarquer que c'était la première fois que le Palais transgressait le secret du contenu des colloques singuliers du souverain ("On ne dévoile pas la Couronne"), surtout lorsqu'un ministre y est rappelé à l'ordre.
Le 2 octobre, la reine Paola assiste à Bruxelles à une après-midi d'information sur les droits de l'enfant dans certaines procédures juridiques. Début octobre, le Roi reçoit à nouveau en audience Marie-France Botte et le magistrat national André Vandoren, mais aussi Patsy Sörensen (échevine écologiste qui se bat contre le trafic d'êtres humains à Anvers) et Sophie Wirtz (présidente de l'asbl Mouvement du Nid qui lutte contre la prostitution des jeunes). En cette période troublée, le ministre de la Justice Stefaan De Clerck est convoqué au palais royal les 30 août, 6 septembre, 10 septembre, 18 septembre, 4 octobre et 10 octobre!
Comme convenu, le Roi, la Reine et le ministre de la Justice organisent le 18 octobre une grande table ronde au palais royal. Les parents des enfants disparus et les experts de la Commission Nationale contre l'exploitation sexuelle des enfants avaient été conviés. Albert II prononce un discours critique sur le système judiciaire, ce qui irrite un certain nombre de magistrats qui boudent les Te Deum organisés dans tout le pays le 15 novembre pour la fête du Roi :
"Ce que nous avons vécu en Belgique avec la disparition et la mort d'enfants innocents dans des circonstances horribles constitue une véritable tragédie nationale. Je le répète : une clarté totale doit être faite sur ce drame, ses origines et toutes ses ramifications, et cela dans un délai raisonnable. La Reine et moi sommes convaincus que cette tragédie doit maintenant être l'occasion d'un sursaut moral et d'un changement profond dans notre pays. Cela suppose d'abord de la part de chaque autorité une attitude d'humilité et de remise en question. Une des tâches essentielles de l'Etat est d'assurer la sécurité de tous les citoyens, et en particulier les plus vulnérables : nos enfants. Il faut reconnaître que dans ce cas ce fut un échec, de nombreuses erreurs ont été commises, et dans les contacts avec les familles des victimes, il y a eu un manque d'humanité.
Ecouter attentivement les familles des victimes, tirer des conclusions de leurs témoignages, voilà ce qu'il faut faire pour stimuler le changement. C'est une raison importante de notre rencontre cet après-midi. Le changement est aussi l'affaire de chaque citoyen. Il suppose l'engagement de tous. Ce qui s'est passé doit nous convaincre que le citoyen responsable en collaborant avec d'autres, notamment avec les services de sécurité, peut contribuer à éviter beaucoup de drames. Je pense aux personnes qui ont donné le signalement du véhicule ayant servi à l'enlèvement de Bertrix. Elles ont permis à des enquêteurs efficaces et motivés de faire des progrès décisifs et d'éviter d'autres crimes. Je pense aussi aux volontaires et aux associations qui assistent des citoyens et leurs familles dans leurs contacts avec la Justice.
Le changement sera une oeuvre de longue haleine, mais il se fera, j'en suis convaincu. Il faudra persévérer, tenir bon, car changer les mentalités et les règles de la société ne s'accomplit pas du jour au lendemain. Il faudra aussi rester vigilant pour ne pas tomber dans l'ornière. Suivre et accompagner ce changement, c'est une autre raison de notre rencontre d'aujourd'hui. Nous garderons à l'avenir le contact avec les familles.
Je voudrais aussi m'adresser à celles et ceux d'entre vous qui organisent la marche blanche de solidarité de dimanche à Bruxelles. Par votre initiative, vous voulez attirer l'attention de toute la Nation sur ce qui doit changer dans notre société pour que la sécurité et la dignité des enfants soit respectée partout. Je vous encourage à le faire dans un esprit constructif et de respect de nos institutions démocratiques. Lutter pour empêcher que d'autres enfants ne soient victimes de maltraitance, ici mais aussi ailleurs dans le monde, c'est l'engagement que nous prenons, la Reine et moi, vis-à-vis de tous ceux qui souffrent de la disparition ou de la mort d'un enfant".
Après ce discours, le ministre de la Justice Stefaan De Clerck expose les mesures déjà prises par le gouvernement et celles qui restaient à prendre. La Commission Nationale contre l'exploitation sexuelle des enfants a ensuite été mise sur pied. Puis, les parents ont pu formuler leurs observations et poser des questions. Pour clôturer cette table ronde, nos souverains ont offert une réception à la septantaine d'invités.
Le 20 octobre 1996, jour de la marche blanche qui a vu défiler 325.000 personnes dans les rues de Bruxelles, nos souverains s'envolent pour leur voyage d'Etat au Japon prévu de longue date. Le Roi y confie au ministre des Affaires étrangères Eric Derycke son étonnement face à l'ampleur de cette marche et sa joie de voir la solidarité entre tous les Belges.
Au cours de ces semaines agitées, Stefaan De Clerck a été très proche du couple royal et avait compris que le gouvernement fédéral avait besoin du soutien symbolique du chef de l'Etat, afin d'éviter des troubles dans le pays. En juillet 2003, il témoigna au journal "La Libre Belgique" :
"Le communiqué du Roi vous a-t-il surpris?
- C'est une communication qui a suscité des réactions aussi au sein du gouvernement. Mais il a couvert le Roi sans aucun problème. Le Roi avait très bien analysé la situation. Cela a été accepté par les responsables politiques. C'était un peu exceptionnel mais la situation était exceptionnelle. Le pays était très secoué. Il était adéquat que le Roi intervienne d'une manière forte.
- La communication fonctionnait-elle bien entre le Palais et la rue de la Loi?
- Il y a eu des contacts très intenses, presque journaliers, entre le Roi (et la Reine, j'insiste, parce que c'était aussi exceptionnel) et les responsables politiques depuis la mi-août jusqu'au 20 octobre 1996, date de la marche blanche. Les souverains ont reçu ensemble les parents de toutes les victimes. Tout s'est fait en collaboration avec le cabinet de la justice, comme les deux tables rondes. Il me semble que c'est le dossier que les souverains ont suivi le plus attentivement.
- Estimez-vous que cet intérêt du Palais a été positif?
- Oui. Cela a joué une toute grande importance. Je pense que c'est grâce à la table ronde qui s'est tenue au palais le 18 octobre et au discours du Roi devant les caméras de télévision que la manifestation prévue deux jours plus tard est devenue une marche blanche. Cela a apporté de la sérénité au dossier et permis d'éviter une manifestation violente. Les parents sont sortis du palais avec un message positif".
Le 14 décembre, la reine Paola assiste à Bruxelles à la Journée Mondiale "Prostitution des jeunes : tous, acteurs de prévention" organisée par l'asbl Mouvement du Nid. Elle avait demandé à Marie-Noëlle Bouzet, la maman d'Elisabeth Brichet (disparue en 1989 à Saint-Servais), de l'y accompagner. En cette fin d'année 1996, le couple royal rencontre les parents de Christel Dispa, une fillette enlevée, violée et assassinée dans les années 80. Le Roi reçoit en audience en décembre le président de la commission de la Chambre sur la disparition d'enfants Marc Verwilghen, le ministre de la Justice Stefaan De Clerck, le directeur général de l'administration des établissements pénitentiaires Jacques Devlieghere, ainsi que des responsables de l'asbl SOS Enfants et de l'asbl SOS Incest.
A année exceptionnelle, discours de Noël exceptionnel : le Roi consacre l'intégralité de son allocution aux événements tragiques du second semestre de 1996. Il énonce notamment en douze points les souhaits des Belges (lui y compris) :
"Nous voulons que dans notre pays et partout dans le monde l'éducation des enfants devienne une priorité et que leur dignité soit respectée.
Nous voulons un pays où parents et enfants dialoguent, passent plus de temps ensemble, cheminent ensemble.
Nous voulons une société où les médias audiovisuels et la publicité montrent moins de violence et respectent davantage la femme en ne la considérant pas comme un objet.
Nous voulons que la poursuite de la richesse matérielle soit moins prioritaire dans l'existence et que les joies simples de la vie, notamment celles de la famille, y occupent une plus grande place.
Nous voulons un pays où les familles immigrées soient pleinement intégrées dans notre vie nationale, comme ce fut le cas à l'occasion de la marche blanche.
Nous voulons qu'à tous les niveaux, la solidarité soit plus réelle et que les égoïsmes personnels ou collectifs ainsi que le racisme ne trouvent plus leur place.
Nous voulons un pays qui soit plus solidaire aussi avec ceux qui souffrent dans le monde et notamment les réfugiés en Afrique centrale.
Nous voulons que la justice soit plus humaine, plus efficace et que le secret de l'instruction soit respecté.
Nous voulons un pays où Flamands, Wallons et Bruxellois marchent ensemble, côte à côte, comme ils le firent dans la marche blanche.
Nous voulons que tous ceux qui exercent une autorité publique soient intègres et se considèrent au service de la population.
Nous voulons une société où se développe une nouvelle forme de citoyenneté responsable et où chacun est disposé à s'engager concrètement.
Bref, nous voulons que le respect de chaque personne humaine soit une attitude naturelle de chacun".
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