Lors de son premier discours de Nouvel An aux autorités du pays en 1994, Albert II les invite à "rechercher les mesures qui peuvent contribuer à la réconciliation entre tous les citoyens dans le cadre de la pacification communautaire". Cette phrase faisant allusion à l'amnistie envers les collaborateurs de la guerre 1940-1945 fait grand bruit et suscite des réactions totalement différentes entre le nord et le sud du pays. Aussi ce dossier est prudemment remis dans les placards...
Contrairement à ses cinq prédécesseurs, le roi Albert règne sur un Etat fédéral dont il signe la nouvelle Constitution le 17 février 1994. Une des conséquences est l'affaiblissement du pouvoir royal. En effet, des compétences glissent au fil des ans vers les communautés et les régions, sur lesquelles le souverain n'a plus d'influence directe. Il n'intervient pas non plus dans la composition des gouvernements régionaux. S'adaptant à cette nouvelle situation, Albert II apporte sa contribution personnelle au "civisme fédéral" qu'il prône régulièrement dans ses discours. Il estime que le maintien de la cohésion et de l'unité du pays est désormais le rôle principal du roi des Belges.
Albert entreprend une tournée des cinq assemblées régionales de mars à juin 1994 : le Conseil flamand (22 mars), le Conseil général wallon (19 avril), le Conseil de la région de Bruxelles-Capitale (19 mai), le Conseil de la communauté germanophone (31 mai) et le Conseil de la communauté française (14 juin). Le Roi n'y prononce aucune allocution, mais participe à des réunions de commissions et rencontre les parlementaires.
Le 11 juillet, à la surprise générale, Albert et Paola assistent au marathon des Eperons d'Or organisé à Bruges à l'occasion de la fête communautaire flamande. Afin d'éviter les cris hostiles des nationalistes et républicains flamands, leur venue n'avait pas été annoncée. Les images du Roi fredonannt le Vlaamse Leeuw suscite de nombreuses réactions négatives au sud du pays. Le premier ministre Jean-Luc Dehaene déclara qu'il s'agissait d'une initiative du Palais, qui ne l'avait pas consulté. Mais il estimait que ce déplacement s'inscrivait parfaitement dans le prolongement des visites aux assemblées générales.
Dans son discours de la fête nationale 1994, Albert II déclare : "Lors de ma prestation de serment, j'ai demandé aux représentants de la Nation de traduire dans les faits les nouvelles institutions de notre pays et de les faire fonctionner au mieux dans un esprit de concorde, de bonne volonté, de tolérance et de civisme fédéral. Près d'un an après, je me sens encouragé par les réponses positives reçues à cet appel. Tout d'abord, j'ai été frappé par votre réaction à tous et à toutes. Aussi bien lors des funérailles de mon frère, que lors des Joyeuses Entrées dans le pays, j'ai senti concrètement votre attachement à la Belgique, votre volonté de vivre ensemble. Cette réaction spontanée du coeur et de l'intelligence constitue pour nous un très précieux encouragement pour favoriser l'union dans le respect de la diversité (...) J'ai aussi senti la volonté des représentants de chacune des entités de faire vivre nos nouvelles institutions au service du citoyen et de favoriser l'épanouissement de la personnalité propre de chaque région et communauté. La diversité bien vécue constitue une richesse pour notre pays".
En politique étrangère, c'est le Rwanda qui retient l'attention en 1994. Quelques jours avant l'horrible génocide perpétré par les Hutus sur les Tutsis, dix casques bleus belges, assurant la protection du premier ministre rwandais Agathe Uwilingiymana sont assassinés le 7 avril. La Belgique décide aussitôt le rapatriement de ses casques bleus et de ses ressortissants.
Nos souverains rentrent de leurs vacances de Pâques à Châteauneuf-de-Grasse pour réconforter ces Belges qui laissèrent tout au Rwanda pour retrouver la sécurité de notre pays. La princesse Astrid leur apporte également son soutien. Dans son uniforme de lieutenant-général des forces terrestres, le Roi, très ému, préside l'hommage militaire aux dix casques bleus et se fait représenter à leurs funérailles par ses aides de camp. En juin, Albert, Paola et leurs trois enfants rendent hommage aux casques bleus du Rwanda lors d'une cérémonie au Cinquantenaire et reçoivent au palais royal les bénévoles s'étant rendus utiles lors de l'évacuation de nos compatriotes. Autre hommage : lors de la fête nationale, la reine Paola choisit la veuve du lieutenant Thierry Lotin, l'un des dix casques bleus assassinés, comme dame d'honneur. En août, le prince Laurent se rend au Rwanda pour visiter le camp de réfugiés de Goma.
Dans son discours de la fête nationale 1994, le Roi déclare : "Au-delà de nos frontières, veillons à ce que l'Union Européenne devienne davantage une réalité (...) C'est indispensable pour combattre efficacement les effroyables atteintes aux Droits de l'Homme, où qu'elles se déroulent, qu'il s'agisse de la purification ethnique à nos portes en ex-Yougoslavie ou de l'horrible génocide perpétré au Rwanda. N'oublions pas les leçons de l'Histoire. Il y a 50 ans, les Alliés réunis et déterminés mettaient fin à un régime basé sur le racisme. Aujourd'hui, il nous faut rester vigilants et fermes pour faire progresser les Droits de l'Homme dans le monde. Je voudrais à ce propos rendre encore un hommage particulier aux militaires et aux coopérants belges qui sont morts au Rwanda, alors qu'ils oeuvraient pour la paix et le développement".
Lors de son voyage d'Etat en Espagne, le Roi évoque la construction européenne qui lui tient à coeur : "De nombreux défis nous attendent à présent, s'agissant tant de l'élargissement de l'Union Européenne que de son approfondissement. Des dates importantes sont fixées. Je pense en particulier à la conférence qui se réunira en 1996 pour revoir certaines dispositions du Traité de Maastricht, ainsi qu'à la mise en oeuvre progressive de l'Union monétaire, qui doit nous conduire à la monnaie unique européenne. Ces défis sont sans doute considérables. Je suis certain que nous continuerons à défendre les intérêts véritables de l'Union Européenne. Notre vieux continent subit ces dernières années de profonds bouleversements. Il a retrouvé sa vocation et sa capacité de libre détermination de son destin. Cette transformation a cependant entraîné, dans plusieurs zones, de nouvelles instabilités. Qui d'entre nous n'a pas devant lui les images des horribles souffrances des peuples de l'ex-Yougoslavie.
Au-delà des frontières de notre continent, des populations continuent à s'entredéchirer. Je pense en particulier aux horreurs commises au Rwanda. Force nous est donc de mesurer la modestie de notre action face à des tragédies de cette nature. Ainsi s'impose à l'Union Européenne le devoir de renforcer sa politique extérieure et de sécurité. La stabilité et la sécurité, mais aussi le respect des minorités, l'épanouissement des valeurs démocratiques et des droits de l'homme, où qu'ils soient menacés, forment l'essentiel de la responsabilité de la politique extérieure de notre Union".
Le 5 octobre, Albert II effectue sa première visite officielle au Grand Quartier Général des Forces Alliées en Europe (Shape) situé à Casteau en province du Hainaut. Il y est accueilli par le commandant suprême de ces forces, le général américain George Joulwan. Il visite également la Cellule de Coordination du Partenariat, qui coordonne les activités de coopération militaire entre l'Otan et les pays d'Europe centrale et de l'Est, qui ont adhéré au Partenariat pour la Paix.
Des élections communales et provinciales d'octobre 1994, on retient la progression de l'extrême-droite dans tout le pays, devenant même le premier parti à Anvers avec 28%. De nombreux incidents ont lieu lors de l'installation des conseils communaux et provinciaux : saluts nazis, insultes à la Belgique, au Roi et aux partis démocratiques, etc. Par ailleurs, à l'automne, le couple royal assiste aux fêtes de la région wallonne, de la communauté française et de la communauté germanophone. Le ministre des Affaires étrangères Willy Claes est nommé au poste de secrétaire-général de l'Otan, laissé vacant depuis le décès de l'Allemand Manfred Wörner. Cette nomination entraîne un jeu de chaises musicales. Willy Claes est remplacé par Frank Van den Broucke. Ce dernier laisse la présidence du SP à Louis Tobback, qui quitte le ministère de l'Intérieur au profit de Johan Van de Lanotte.
Accompagné du ministre des Communications Elio Di Rupo, le couple royal rehausse de sa présence le 13 octobre le voyage inaugural de l'Eurostar qui met Londres à un peu plus de 3h de Bruxelles-Midi. Lors de l'arrêt à Lille, ils visitent la gare de Lille-Europe et le complexe Euralille. Après leur périple en Eurostar, le Roi et la Reine sont accueillis à la gare londonnienne de Waterloo par le prince Andrew. Nos souverains prennent ensuite le thé avec la reine Elisabeth II à Buckingham, avant de regagner Bruxelles...par les airs.
Le roi Albert évoque le chômage dans son discours de Noël 1994 : "Je voudrais d'abord dire à tous ceux qui cherchent du travail et n'en trouvent pas : je comprends votre impatience et votre déception. Mais je voudrais aussi vous inciter aussi à ne pas perdre courage, à garder l'espérance. Nos raisons d'espérer sont réelles. Durant cette année, je me suis intéressé à de nombreux projets, où les responsables économiques et politiques mettent tout en oeuvre pour créer de nouveaux emplois. J'ai vu aussi les efforts réalisés en matière de formation. De plus, les signes de reprise économique se confirment. Aussi, à tous ceux qui pourraient être découragés, je voudrais dire : je comprends votre difficulté, mais gardez courage. Persévérez dans la recherche active d'un emploi".
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