Lundi dernier à Paris, des descendants de la princesse Henriette de Belgique, duchesse de Vendôme, ont vendu plusieurs objets liés à notre dynastie : le nécessaire de couture de la reine Louise-Marie (vendu 2.625 euros), une nappe aux armes royales (vendue 1.125 euros), un pendentif avec l'œil miniature du comte Philippe de Flandre (vendu 3.000 euros) et surtout un collier de perles ayant appartenu à la princesse Henriette, acheté par un riche négociant en perles du Moyen-Orient pour 28.750 euros. Le prince Jean de Luxembourg (cousin de notre roi Philippe) a tenté de l'acquérir, mais le collier a été vendu plus cher que le montant qu'il ne souhaitait pas dépasser. Un catalogue de la vente aux enchères avait été envoyé par l'hôtel Drouot au palais royal de Bruxelles, mais ce dernier n'a pas participé à la vente... Contrairement à d'autres monarchies, notre famille royale ne tente pas de racheter certains bijoux lors de ventes publiques, et c'est dommage. On trouve plus facilement de l'argent pour un yacht ou une voiture...
A lire : "Bijoux des reines et princesses de Belgique" (Christophe Vachaudez)
Licencié en histoire de l'art de l'Université Libre de Bruxelles, Christophe Vachaudez a rédigé en 2004 le premier ouvrage consacré aux bijoux des reines et princesses de Belgique. Très richement illustré, il est le fruit de longues recherches effectuées par l'auteur, car la famille royale n'a pas l'habitude de livrer des informations sur ses bijoux, sujet considéré comme privé et confidentiel.
Du milieu des années 70 jusqu'à 1993, les diadèmes étaient même bannis au palais royal, comme le déplore Christophe Vachaudez : "Pendant de trop longues années, ces bijoux furent relégués dans leur écrin. D'une tristesse affligeante, la vie de Cour était devenue tout simplement inexistante. Sans le charisme incontestable du roi Baudouin et de la reine Fabiola, on aurait presque oublié que la Belgique était une monarchie. Le port du bijou, si intimement lié à la fonction royale, n'est certes pas une obligation ou une priorité, mais il confère à l'institution un lustre inégalable. La Reine se doit de montrer l'exemple et un rapide survol de l'écrin de la reine Fabiola indique qu'elle possédait tous les atouts pour remplir ce rôle à la perfection".
Le port du diadème a été restauré par la reine Paola lors des dîners de gala en l'honneur des chefs d'Etat étrangers. Au sein des Cours européennes, elle fait cependant figure de parent pauvre et n'a hérité que de deux diadèmes de diamants des souveraines qui l'ont précédée sur le trône de Belgique. Tous les nombreux autres bijoux des reines Louise-Marie, Marie-Henriette, Elisabeth et Astrid n'appartiennent plus à la famille royale belge...
Pourquoi? Contrairement à d'autres monarchies, il n'existe pas en Belgique de bijoux de la Couronne appartenant à l'Etat et prêtés à la Reine. L'écrin de nos quatre premières reines a été démembré à chaque règne suite à des successions difficiles, des ventes publiques et même des vols! Dans son testament, la reine Marie-Henriette avait pourtant exprimé le souhait qu'une partie de ses parures soit destinée aux futures souveraines, mais le roi Léopold II ne respecta pas sa volonté... Il est aussi surprenant que la princesse Lilian de Belgique disposait de certains beaux bijoux de la reine Astrid, alors que Joséphine-Charlotte, fille de la défunte, n'a reçu qu'une paire de boucles d'oreilles...
Quant à l'avenir, il est également incertain, comme le fait remarquer l'auteur : "Que deviendront les bijoux de la reine Fabiola? Prendront-ils le chemin de l'Espagne ou resteront-ils en Belgique? S'ils quittent le sol national, la triste tradition de la Cour belge sera respectée, puisqu'aucun écrin n'est parvenu intact à la génération suivante et ce, depuis la reine Louise-Marie!".
Félicitations à Christophe Vachaudez pour cet important travail de recherche qui n'avait jamais été réalisé depuis 1831.
A lire : "Henriette, duchesse de Vendôme" (Dominique Paoli)
Fille du comte et de la comtesse de Flandre, nièce du roi Léopold II, la princesse Henriette de Belgique naît à Bruxelles le 30 novembre 1870. Le baptême a lieu un mois plus tard en l'église Saint-Jacques sur Coudenberg. Sa marraine est sa tante la reine Marie-Henriette et son parrain est son grand-père maternel le prince Charles-Antoine de Hohenzollern.
Son enfance se partage entre le palais de la rue de la Régence et le château des Amerois dans les Ardennes. Elle a une sœur la princesse Joséphine et deux frères, les princes Baudouin et Albert. Henriette suit des cours privés : littérature et histoire avec Melle Simonet, anglais avec sa gouvernante anglaise Miss Mac Shane, peinture avec l'artiste Henri Van der Hecht, etc.
En janvier 1891, les quatre enfants des comtes de Flandre sont frappés par l'épidémie d'influenza. L'état d'Henriette parut si préoccupant qu'on lui administra les derniers sacrements dans la nuit du 14 au 15 janvier, mais elle s'en sortit. Malheureusement, le prince Baudouin, dont elle était si proche, contracte ensuite une pleuro-pneumonie et une hémorragie rénale. Il décède le 23 janvier à l'âge de 22 ans.
La princesse Henriette fait un mariage d'amour en 1896 avec le prince Emmanuel d'Orléans, duc de Vendôme. Le couple s'installe à Neuilly et participe à la vie mondaine parisienne. Ils ont quatre enfants : Louise, Sophie, Geneviève et Charles-Philippe. Avant la fin de la Belle Epoque, Henriette a perdu ses parents et beaux-parents. Son frère Albert Ier est devenu roi des Belges.
Durant la première guerre mondiale, les ducs de Vendôme se partagent entre leur villa de Neuilly, Belmont House en Angleterre et le château Saint-Michel à Cannes. Ils rendent plusieurs fois visite au couple royal belge à La Panne, derrière les tranchées de l'Yser. La princesse Henriette soutient plusieurs œuvres de charité et passe du temps auprès des blessés. Sa fille Louise épouse en 1916 le prince Philippe de Bourbon des Deux-Siciles avec qui elle aura un fils un an plus tard.
Dans les années 20, les ducs de Vendôme se séparent de Belmont House et achètent le château de Touronde près du lac Léman. Leur fille Geneviève fait un mariage d'amour avec le marquis Antoine de Chaponay-Morance, mais Louise et Philippe divorcent et Charles-Philippe épouse secrètement Marguerite Watson contre l'avis de ses parents. D'autres deuils attendent la princesse Henriette : sa fille Sophie en 1928, son mari Emmanuel en 1931 et son frère Albert Ier en 1934. Elle devient la marraine du prince Rainier de Monaco.
Devenue veuve et confrontée aux dettes de son fils Charles-Philippe, la duchesse de Vendôme doit restreindre son train de vie et vendre ses demeures de Cannes et Neuilly. Au château de Touronde, elle s'adonne à la peinture, à la correspondance et au classement des archives familiales. Durant la deuxième guerre mondiale, elle reste en Savoie et se consacre à des œuvres de charité. En 1943, la princesse Henriette perd son petit-fils Pierre-Emmanuel de Chaponay-Morance (17 ans) dans un accident d'hydravion dans le golfe du Mexique.
La guerre terminée, la Question Royale qui commence en Belgique et l'exil du roi Léopold III l'attristent beaucoup. Ses enfants et petits-enfants lui apportent aussi beaucoup de soucis. La duchesse de Vendôme s'éteint en 1948 dans le Valais suisse, et est inhumée à la Chapelle Royale de Dreux, le mausolée des princes d'Orléans.
Bravo à Dominique Paoli pour cette biographie intéressante, bien documentée et agréable à lire.
lundi 9 décembre 2013
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Petit belge.
RépondreSupprimerIl n'est pas tres étonnant que la famille royale belge n'ait pas acheté car c'était plus une vente Orléans qu'une vente Belgique.
Il n'en demeure pas moins que Jean de Luxembourg qui est plus Belgique qu'Orléans a acheté plusieurs lots.
Sait on si la famille Royale Belge s'est portée acquereur lors des ventes de la succession de la princesse de Rethy ou il y avait beaucoup de lots provenant des comtes de Flandre ?
1° D'après un ancien article de "Point de Vue" (je n'ai pas trouvé d'autre source) :
RépondreSupprimerEn septembre 2003, Sotheby's Amsterdam a vendu 270 lots provenant du domaine royal d'Argenteuil. L'intitulé des 30 premiers lots d'orfèvrerie du catalogue avait été précédé d'un astérisque de préemption. Le droit de préemption permet à un musée national de se substituer à l'acheteur, une fois le marteau du commissaire-priseur tombé sur la dernière enchère. Ce droit n'existe pas aux Pays-Bas mais il fut mis en place suite à un accord privé entre les trois héritiers et le Palais. Grâce à ce procédé, le Palais a acheté trois lots : un porte-toasts (1.464 euros), un service à thé et café en argent signé Odiot et portant les armes du comte Philippe de Flandre (97.600 euros) et un ensemble en vermeil signé Odiot et portant les armes royales de Belgique (30.500 euros).
2° D'après un récent article des quotidiens du groupe Sud Presse (là aussi, je n'ai pas trouvé d'autre source) :
Lors de la vente d'œuvres d'art appartenant aux comtes de Paris dans les années 90, le Palais (à la demande de la reine Paola) a acheté un tableau peint par Nicolas Gosse et représentant la reine Marie-Amélie (mère de Louise-Marie, première reine des Belges). Ce portrait est aujourd'hui exposé dans le Petit Salon Blanc du palais royal de Bruxelles.
Merci, Petit Belge, pour ces informations.
SupprimerPetit Belge : Echange d'informations
RépondreSupprimerLe portrait de Marie Amélie a été adjugé, lors de la vente des Comtes de Paris chez Sotheby's en decembre 1996, à 64 350 FF ( 9 252 eur). Le Palais n'a pas fait une mauvaise affaire...