lundi 17 novembre 2014
Deux nouveaux livres de la princesse Marie-Esméralda de Belgique
A l'occasion de la sortie de ses deux nouveaux livres ("Albert et Elisabeth" aux éditions Racine ; "Femmes prix Nobel de la Paix" aux éditions Avant-Propos), la princesse Marie-Esméralda a accordé une interview au magazine français "Point de Vue" :
"Pourquoi un nouveau livre sur vos grands-parents?
- J'ai écrit sur mon père le roi Léopold III, et sur ma mère la princesse Lilian. Le centenaire de la guerre de 1914-1918 était une bonne occasion. S'il y a beaucoup de biographies de mon grand-père, les historiens ont finalement peu évoqué le destin de ma grand-mère. Je l'ai redécouverte. Une femme de caractère qui ne cachait pas ses convictions. Albert et Elisabeth sont les souverains les plus populaires de la monarchie belge. Je souhaitais les montrer sous un angle plus personnel, plus intime. Christophe Vachaudez a retrouvé de beaux documents dans nos collections privées et aux archives royales. J'ai écrit les textes en me fondant sur des correspondances, des carnets privés, des conversations avec ma famille, dont ma cousine Marie-Gabrielle de Savoie, la fille de la reine Marie-José, qui a bien connu notre grand-mère.
- Vous ne vous souvenez pas de la reine Elisabeth?
- Quand ma grand-mère est morte, je n'avais que huit ans. En fait, je ne fais plus très bien la différence entre ce que l'on m'a raconté et ma mémoire propre. Il me reste l'image d'une dame très élégante, lumineuse, toujours habillée de blanc. Très affectueuse aussi. Je conserve jalousement les livres dédicacés qu'elle m'a offerts à l'occasion de Noël, pour mes anniversaires.
- Comment avez-vous travaillé?
- Dans le film, réalisé par Nicolas Delvaulx, comme pour le livre album "Albert et Elisabeth", je pars sur les traces de mes grands-parents, et je raconte. Nous avons tourné en Belgique, puis en Bavière pour la jeunesse de ma grand-mère. Mon père me parlait souvent de Possenhofen, le château où était née sa mère, comme l'impératrice Sissi, sa tante. Un lieu incroyablement romantique, baigné par les eaux du lac de Starnberg et cerné par les montagnes. Le chalet de ma mère, dans le Tyrol autrichien, est assez proche, et pourtant je n'étais jamais venue. Nous avons terminé par l'Egypte où ma grand-mère et mon père ont assisté à l'ouverture de la tombe de Toutankhamon en 1923. Quelle impression extraordinaire de me retrouver dans la chambre d'hôtel du Winter Palace de Louxor où était descendue la Reine! Presque cent ans après, je marchais dans ses pas.
- Votre grand-mère était très attachée à sa famille Wittelbasch?
- Elle était très proche de son père, le duc Carl-Théodore en Bavière, auprès de qui elle a travaillé à Munich. Mon arrière-grand-père était un ophtalmologue renommé, un homme remarquable, pas du tout prisonnier de ses origines. Il a pratiqué plus de 5.000 interventions de la cataracte et il opérait gratuitement ses patients pauvres. Les plus riches payaient pour soutenir sa fondation. La clinique Duc Carl-Théodore fonctionne toujours et l'on peut voir ses instruments conservés dans une vitrine. Ses idées sociales ont probablement beaucoup influencé sa fille. Le cœur de la reine Elisabeth penchait résolument à gauche. Elle n'a jamais eu peur de l'affirmer.
- Et l'enfance du roi Albert?
- Elle a été plus difficile : beaucoup de protocole et peu de contacts chaleureux. Le comte de Flandre, mon arrière-grand-père, en raison de sa surdité probablement, demeurait très froid, silencieux. Rien de très gai pour l'épanouissement des enfants. Mon père m'a raconté que sa grand-mère, la comtesse de Flandre, était adorable. Elle gâtait beaucoup ses petits-enfants. Mais comme toutes les mères de cette époque, elle n'avait pas de vrai contact avec ses propres enfants. Elle était peut-être trop dévote, ce que répète souvent le roi Albert dans ses lettres : "Ma mère est une sainte!". Mais une sainte, en famille, c'est sans doute pesant. Au château de Laeken, l'ambiance était plus morose encore. Le roi Léopold II ne s'entendait pas avec sa femme Marie-Henriette d'Autriche, il avait des relations difficiles avec ses filles, et il ne s'est jamais remis de la perte de son fils unique, le duc de Brabant, en 1869.
- Vos grands-parents, en revanche, sont très amoureux?
- Au départ, il s'agit d'un mariage arrangé, comme ils le sont à l'époque dans les familles royales. Mais il va fonctionner. L'amour est bien au rendez-vous et une grande complicité s'établit entre Albert et Elisabeth. Comme dans tous les foyers, il y a parfois des tensions avec les enfants. Marie-José, leur fille, est naturellement plus proche de son père. Et tous les espoirs reposent sur Léopold, l'héritier. Charles, l'enfant du milieu, aura plus de mal à trouver sa place. Il a hérité des côtés un peu fantasques des Wittelbasch, il est le plus rebelle. Il se heurte avec sa mère à qui, finalement, il ressemble beaucoup. Dans ses carnets et sa correspondance, la Reine écrit combien elle est fière de son fils cadet, c'est un artiste comme elle, "il peint!". Parfois, mère et fils sont incroyablement proches, avec des périodes d'entente absolue. Et au moindre accrochage, ils cessent de se parler pendant des mois! Un amour en dents de scie.
- Comment expliquer l'immense popularité de vos grands-parents dès leur avènement?
- Quand Albert Ier succède à son oncle Léopold II en 1909, un grand désamour mine la monarchie belge. Mes grands-parents vont s'employer à changer cela. C'est amusant, en compulsant les archives, de voir soudain tous les journaux parler de la famille royale, montrer les enfants. Les portraits du Roi et de la Reine figurent sur les fameuses boîtes à biscuits, si populaires en Belgique. Les prémices de la communication. Les souverains offrent à leurs contemporains une image plus adaptée en ce début de XXème siècle, plus proche des gens. Et ils étaient bien, de fait, une famille plus normale, bourgeoise pourrait-on dire.
- Vous avez aussi beaucoup voyagé pour votre livre "Femmes prix Nobel de la paix"?
- En effet, j'ai eu une année assez chargée. En examinant la liste des 150 prix Nobel de la paix, je me suis aperçue que seulement quinze femmes ont été distinguées. Dix sont encore en vie, alors je suis partie les interviewer partout dans le monde : Aung San Suu Kyi en Birmanie, Mairead Corrigan et Betty Williams en Irlande, Rigoberta Menchu au Guatemala, Jody Williams aux Etats-Unis, Malala Yousafzai la Pakistanaise, Tawakkol Karman la Yéménite, et même la présidente Ellen Johnson Sirleaf et Leymah Gbowee au Libéria, heureusement avant l'épidémie d'Ebola... "Femmes prix Nobel de la paix" est un hommage à leurs histoires, souvent tragiques. Toutes ont mené des combats extraordinaires. Elles restent chaleureuses et humaines. Dix belles rencontres, c'est important pour moi, je reste journaliste dans l'âme. Et comme j'ai hérité du "gène vagabond" de mon père, je boucle ma valise à la première occasion".
Retrouvez aussi l'interview que m'a accordée Christophe Vachaudez : http://familleroyalebelge.blogspot.be/2014/11/interview-de-christophe-vachaudez-sur.html
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