lundi 16 septembre 2019

La reine Elisabeth et les Beaux-Arts

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Passionnée de culture, la reine Elisabeth (arrière-grand-mère de notre roi actuel Philippe) est surtout associée à la musique. Dans la revue "Museum Dynasticum" de l'Association Dynastie et Patrimoine Culturel, Barbara de Muyser Lantwyck a écrit "La reine Elisabeth et le mécénat artistique :  l'entre-deux-guerres, une période phare",  un (intéressant) article de 27 pages qui dévoile des aspects plus méconnus.

Barbara de Muyser Lantwyck explique ses motivations dans l'introduction :   "L'intérêt de la reine Elisabeth pour les arts est bien connu, particulièrement en ce qui concerne la musique, et dans une moindre mesure pour les Beaux-Arts. Son tempérament artiste et sa curiosité d'esprit sont attestés dès son plus jeune âge. Une fois devenue reine, elle marque très vite son intérêt pour de nombreux artistes, et ses initiatives se poursuivront pendant la Première Guerre. Ce n'est toutefois qu'après la fin du conflit qu'elle pourra laisser plus librement cours à sa passion. Si la période de l'entre-deux-guerres est particulièrement dense en ce qui concerne les activités de mécénat artistique de la reine Elisabeth, c'est que de nombreux facteurs se conjuguent  (…)  Nous tenterons dans cet article de dégager les lignes directrices de sa politique artistique et d'analyser le contenu de sa collection. L'étude de différents thèmes nous permettra, tel un kaléidoscope, d'esquisser le profil de ses goûts personnels et de ceux de ses conseillers, de dresser le portrait de sa collection avec en arrière-plan l'explosion des multiples nouveaux mouvements esthétiques du début du 20ème siècle".

Je vous ai déjà parlé de ses liens avec l'artiste belge Herman Richir :   http://familleroyalebelge.blogspot.com/2019/08/la-reine-elisabeth-et-herman-richir.html

Au terme de son enquête, quelle est la conclusion de Barbara de Muyser Lantwyck ?

"Quelques lignes directrices se détachent en effectuant la synthèse de multiples sources :  à en juger par les inventaires, le reliquat de sa collection, ses carnets, son calendrier-journal, les inscriptions sur le frontispice ou les pages des catalogues d'exposition ou encore les innombrables témoignages d'artistes, on peut conclure que le goût de la reine Elisabeth reste assez classique, voire académique. En cela, elle suit les traces de ses prédécesseurs royaux (Léopold Ier, Louise-Marie, Léopold II). Au fil de ses rencontres, elle s'orientera néanmoins de plus en plus vers des artistes en phase avec leur temps. Sa collection couvre en tout cas un vaste échantillon plus que représentatif de l'évolution de l'art belge. Toutes les techniques sont représentées (peinture, sculpture, gravure, dessin, gouache, eau-forte).

Si on fait abstraction des œuvres reçues en cadeau, et des achats réalisés dans un but purement charitable, indépendamment de leur intérêt ou valeur intrinsèque, on peut en déduire que tout au long de sa vie, la Reine manifeste un grand éclectisme dans le choix des œuvres acquises. Ses sujets préférés sont les fleurs, les paysages et certains portraits assez réalistes, dans la mouvance d'un certain art traditionnel ou officiel. Mais tout en restant fidèle à ce genre de peinture, ses goûts évolueront au gré de ses rencontres avec les artistes. Elle s'intéressera beaucoup au symbolisme et à une certaine forme d'expressionnisme. Les jugements qu'elle porte d'ailleurs sur les tableaux sont souvent très judicieux et pleins de sensibilité. Elle paraît en tout cas trouver les mots justes pour en parler pendant ou après ses nombreuses visites aux expositions où elle affine son jugement.

Au début du règne, il semble que la reine Elisabeth suive plutôt les avis reçus de ses divers conseillers. Par leur intermédiaire, elle entre en contact avec des artistes qu'elle finit par apprécier et recommander à son tour. On ne peut pas vraiment lui attribuer la qualité de découvrir des jeunes talents. Ce sont pour la plupart des peintres et sculpteurs dont la position est déjà établie et dont la valeur est officiellement reconnue, qui sont représentés dans sa collection. Ceux-ci restent malgré tout assez novateurs dans leur genre.

Elisabeth ne s'aventure pas non plus dans certains courants qui lui sont totalement étrangers et pour lesquels elle n'a que peu d'affinité comme le cubisme, l'abstraction pure ou le surréalisme. Elle n'a d'ailleurs acquis aucune œuvre représentative de ces trois mouvements et reste fidèle à des sujets purement figuratifs. Parmi les maîtres résolument modernes, elle s'intéresse seulement à Raoul Dufy, qu'elle rencontre en 1951 à plusieurs reprises à Paris. Elle admirait profondément son talent, et écrira une dédicace pour un ouvrage commémoratif à sa mémoire.

A cet égard, un épisode de la vie artistique de l'époque, qui eut lieu en 1947 juste après la seconde guerre, nous est conté par Alfred Bastien dans son journal :  il s'agit de la visite de la Reine à l'exposition de peintures organisé en soutien à la presse communiste. Le compte-rendu de cette visite par Bastien nous éclaire sur les réactions d'Elisabeth par rapport aux nouveaux courants esthétiques. De grands noms de la peinture étaient représentés dans cette exposition. Elisabeth aurait lâché :  "A mon âge, on s'est fixé sur les goûts et la mode. Et à mon âge, je l'ai tellement vu changer… On perd son temps à vouloir être au goût du jour. Même en peinture. Un tableau est destiné à orner, à décorer un intérieur et il faut pouvoir vivre avec lui".

Tout au long de sa vie, la reine Elisabeth prêta une oreille attentive et un œil passionné aux diverses formes d'art qu'elle a pu découvrir, tout en portant un intérêt tout particulier, souvent chaleureux et plein de sollicitude envers les êtres qui en étaient les créateurs. Sa bienveillance et sa compréhension vis-à-vis des artistes ont été constantes. Sa collection est à son image".

Une autre piste de recherche pour les historiens :  qu'est devenue cette collection après la mort de la reine Elisabeth en 1965?  Ces tableaux ont-ils été partagés entre ses trois enfants (Léopold III, Charles et Marie-José)?   Ou ont-ils été légués au roi Baudouin et à la reine Fabiola?  Ou ont-ils rejoint les Collections Royales pour meubler le palais royal de Bruxelles ou le château de Laeken?  Impossible à dire….

Cliquez ci-dessous sur "Elisabeth" pour retrouver mes autres articles sur la reine Elisabeth.

Cliquez ci-dessous sur "Asbl Dynastie et Patrimoine Culturel" pour avoir plus d'infos sur cette association et sa revue "Museum Dynasticum".

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