mercredi 14 mars 2012

Interview du prince Philippe en 2006

Voici l'interview accordée par écrit par le prince Philippe en mars 2006 aux journalistes Christian Laporte ("La Libre Belgique") et Steven Samyn ("Standaard") :

"Monseigneur, de l'avis des principaux participants, la mission économique en Afrique du Sud fut un succès. Comment expliquer le décalage avec certains commentaires de presse?
- Comme vous le dites, les principaux participants étaient très satisfaits : les trois régions, le secteur du diamant, les entreprises qui s'intéressent à l'infrastructure sportive, nos ports. Sur le plan diplomatique aussi, les contacts ont été des plus chaleureux. Il faut dire qu'on avait bien préparé la mission avec des briefings, mais on a fait cela loin des projecteurs. Et sur place, on a eu beaucoup de contacts qui ont permis d'aller au fond des dossiers, mais discrètement. C'est souvent le seul moyen de faire de réels progrès.

- De tous les personnages publics belges, la famille royale est astreinte à un devoir de réserve qui ne permet pas de réagir aux attaques. N'est-ce pas frustrant lorsqu'elles visent l'homme avant l'institution?
- Dans le cas de la monarchie, il y a des règles constitutionnelles, c'est le gouvernement qui réagit et vous avez pu vous rendre compte que le système a fonctionné parfaitement avec le secrétaire d'Etat Vincent Van Quickenborne qui représentait le gouvernement fédéral. Naturellement, je ne suis pas insensible aux critiques, mais nous recevons heureusement beaucoup de marques de sympathie, qui nous confortent dans l'exercice d'une mission qui est au service de tous.

- De toutes les charges que vous assumez, celle d'ambassadeur du commerce extérieur vous tient très fort à coeur. La Belgique qui s'exporte est un merveilleux thème d'action et de réflexion. Cela reste votre credo?
- Oui, plus que jamais. Quand mon père m'a demandé il y a 12 ans de reprendre cette fonction, j'étais ravi car je savais combien l'exportation et l'économie comptent pour notre pays, pour notre prospérité. Et puis, il y a tellement de talent dans notre pays, tellement d'innovation et de technologie que nous pouvons présenter au monde. Et puis, les missions ont évolué : elles se sont adaptées à notre situation institutionnelle, on y a ajouté des opérations pour l'image du pays, il y a bien davantage de PME qui participent aux missions, on intensifie notre action vers les marchés émergents qui comptent, tels la Chine, l'Inde, le Brésil ou précisément l'Afrique du Sud.

- L'on vous a fait un mauvais procès d'intention en affirmant que vous rejetiez la régionalisation du commerce extérieur?
- Ceux qui participent aux missions savent à quel point les régions y jouent un rôle de premier plan. Tous les préparatifs sont faits en plein accord avec elles. Je suis présent à des séminaires, des réceptions, des visites d'entreprises, des contacts organisés par les régions. Regardez de près le programme de la mission en Afrique du Sud et vous verrez que chacun (la Flandre, la Wallonie, Bruxelles et le fédéral) y a eu des activités spécifiques. Et les entreprises sont encadrées directement par les régions.

- Les médias sont indissociables de la fonction royale mais ne privilégie-t-on pas l'accessoire, le futile?
- Je ne porte pas de jugement sur le monde médiatique. Ce qui importe pour nous, c'est que nous essayons de réaliser, chaque jour, le plus souvent dans la discrétion, ce qu'on attend de nous, à savoir : être là pour les gens, les écouter, partager leurs joies et leurs peines, et respecter leur identité. Les médias qui souhaitent s'y intéresser trouveront certainement le moyen d'en rendre compte.

- La monarchie ne peut pas faire de politique mais n'aurait-elle pas à gagner à faire preuve d'une certaine ouverture afin de couper les ailes aux ragots?
- Je crois que nous jouons l'ouverture mais dans les limites de notre fonction et de notre rôle dans le pays. Ce rôle n'est pas en premier lieu un rôle médiatique mais bien un travail au quotidien pour le pays et pour tous les Belges. C'est le long terme aussi qui jugera si on fait bien ou moins bien notre travail.

- Quel message adresseriez-vous aux jeunes Belges face à l'avenir?
- J'ai beaucoup de contacts avec les jeunes et je m'intéresse beaucoup à eux et à leur avenir. Mon message est : ayez confiance en vos propres talents, ouvrez-vous aux autres, engagez-vous dans la société, dépassez vos propres limites et découvrez le monde. Et avant tout, pas de repli sur soi mais ouverture vers l'autre et le monde.

- Vos contacts récurrents vous rendent-ils optimistes pour l'avenir du pays?
- Oui, clairement. J'aime mon pays. Nous avons tellement de talents et nos jeunes ont toutes les chances de réussir dans le monde de demain.

- Votre fréquentation de certains grands philosophes permet de recentrer pas mal de choses mais ce n'est pas très vendable dans les médias. Cela vous désole?
- Je trouve un énorme plaisir à lire les oeuvres de grands penseurs, ceux de l'Antiquité ou du Siècle des Lumières comme ceux du XXème siècle. Et oui, j'ai des contacts avec certains philosophes et penseurs belges et internationaux. Cela me permet d'aller aux sources de notre société, de notre civilisation et nourrit ma réflexion sur les grandes tendances de notre monde. Mais je considère cela comme une activité essentiellement privée qui ne se pratique pas sur l'agora.

- Il semble qu'il n'y ait parfois aucun intérêt pour l'apport concret du prince en termes de contenu, sauf pour des sujets polémiques?
- C'est la raison pour laquelle je suis heureux que vous me donniez l'occasion de m'exprimer sur des points qui me tiennent à coeur. Vous devez également savoir que nous sommes très souvent sur le terrain à l'intérieur des frontières nationales, plus de 200 jours par an, dans le cadre de toutes sortes d'activités qui nous donnent chaque fois l'opportunité d'avoir des contacts personnels avec la population. Ces conversations peuvent être très profondes, parfois devant les caméras mais la plupart du temps loin de celles-ci.

- Le Palais et le prince devraient-ils manifester plus d'ouverture concernant leurs activités?
- Nous ne serons jamais trop ouverts, et ne devons pas hésiter à prendre des initiatives particulières en direction des médias. Il y a également d'autres manières de communiquer, pas uniquement au travers des médias, mais aussi en s'adressant directement à la population. Nous avons un lien très chaleureux avec les gens et nous voulons renforcer celui-ci dans l'avenir.

- Quelle conduite adopter alors vis-à-vis des médias au XXIème siècle?
- Pour moi, le plus important est qu'il y ait un lien étroit entre la Maison Royale et la population. Cela reste une valeur essentielle. Le Palais prône avant tout le respect de la valeur de chaque être humain, dire "vous" aux gens avant de penser à soi-même, au "je", comme cela se passe si souvent aujourd'hui.

- Les membres de la famille royale doivent-ils être des stars médiatiques?
- La plupart des gens qui sont stars dans les médias sont des gens qui ne l'ont pas voulu. Ce n'est pas notre rôle. Nous devons être au service de la société. Et c'est dans ce cadre-là que nous devons communiquer, et le faire dans les meilleures circonstances possibles.

- Quel rôle le prince se donne-t-il pour contrer le démantèlement de notre pays?
- Lorsque nous avons créé le Fonds Prince Philippe, nous avions choisi comme objectif principal le resserrement des liens entre les communautés de notre pays. Je veux m'investir davantage dans ce but. Des centaines d'initiatives ont déjà été prises pour soutenir des personnes qui travaillent dans ce sens.

- Le prince peut-il se retrouver dans une analyse comme celle qui a été faite récemment par le sénateur Patrick Vankrunkelsven (VLD), à savoir qu'un roi qui n'aurait qu'une fonction purement protocolaire pourrait avoir davantage de poids dans la société?
- C'est l'affaire du monde politique".

A lire également : l'interview du prince en 2003 pour les 5 ans du Fonds Prince Philippe (http://familleroyalebelge.blogspot.com/2011/02/le-fonds-prince-philippe.html)

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