samedi 10 octobre 2009

Le rôle politique du Roi en 2007

Le roi Albert va connaître la plus grave et la plus longue crise politique de son règne. A l'exception du MR, les partis du gouvernement sortant (VLD, MR, PS et SPA/Spirit) sont les perdants des élections législatives du 10 juin 2007. En Flandre, le grand gagnant est le CD&V, allié aux nationalistes flamingants du NVA. Le MR devient le premier parti wallon, devant le PS, le CDH et Ecolo. Pour la première fois depuis très longtemps, l'extrême-droite ne progresse plus dans aucune des trois régions et le Vlaams Belang perd même un siège à la Chambre. Profitant de la médiatisation des problèmes environnementaux par Nicolas Hulot, Al Gore et la communauté scientifique, les partis écologistes progressent par rapport à leurs résultats de 2003 et 2004.

Le premier ministre Guy Verhofstadt présente le 11 juin la démission de son gouvernement au Roi, qui rencontre ensuite durant deux jours les présidents de la Chambre, du Sénat et des partis démocratiques. Comme il l'avait fait en 1999 et 2003, Albert choisit, le 12 juin en soirée, un informateur francophone : Didier Reynders (MR).

Trois semaines après sa nomination, ce dernier remet, le 4 juillet 2007, son rapport final au Roi après avoir organisé de nombreuses tables rondes et rencontré 450 personnes. Le lendemain, Albert II demande à son ancien premier ministre Jean-Luc Dehaene (CD&V) de faire un travail de médiation afin de faciliter la formation du futur gouvernement fédéral. Après avoir prôné une coalition entre les sociaux-chrétiens et les libéraux, il demande, le 15 juillet, à être déchargé de sa mission. Le Roi nomme ensuite formateur Yves Leterme, leader du CD&V/NVA, le parti ayant le plus de sièges à la Chambre.

Après un mois de pénibles négociations au château de Val Duchesse, Yves Leterme rencontre Albert II le 17 août pour lui faire son quatrième rapport intermédiaire sur l'avancée de son travail. Vu les tensions communautaires entre les partis francophones et flamands, le Roi décide de suspendre les négociations et d'entamer de nouvelles consultations politiques avec les présidents des quatre partis de l' "Orange bleue" : Jo Vandeurzen (CD&V), Didier Reynders (MR), Bart Somers (VLD) et Joëlle Milquet (CDH). Le 19 août, Albert II reçoit à nouveau Yves Leterme et lui demande de mener des contacts informels avant de recommencer de nouvelles négociations. Mais le formateur jete l'éponge quatre jours plus tard.

Le 23 août, le souverain dîne pendant plus de trois heures au château du Belvédère avec son ancien informateur Didier Reynders et sollicite son aide pour trouver une ou deux personnalité(s) capable(s) de plaire aux quatre partis de l' "Orange bleue" et de trouver un compromis acceptable par le nord et par le sud sur le plan communautaire. Il rencontre ensuite le 25 août le président de la Chambre Herman Van Rompuy et le président du Sénat Armand De Decker. On s'oriente alors vers la piste d'un tandem de médiateurs Herman De Croo (VLD)-Raymond Langendries (CDH), mais Yves Leterme fait savoir en coulisses qu'il n'y est pas favorable.

Le Palais annonce le 27 août que "dans le cadre de la crise politique, le Roi va recevoir successivement en audience certains ministres d'Etat qui ont une grande expérience des crises communautaires dans notre pays". C'est la première fois depuis le début de son règne qu'Albert II fait appel de façon officielle aux conseils des ministres d'Etat, considérés comme les "sages du royaume". Il consulte durant trois jours Guy Verhofstadt, Jean-Luc Dehaene, Wilfried Martens, Philippe Moureaux, Gérard Deprez, Willy Claes, Philippe Busquin, Jos Geysels, Charles-Ferdinand Nothomb, José Daras, Raymond Langendries, Herman De Croo et Louis Michel.

Au terme de ces audiences le 29 août, le Roi confie une "mission d'exploration" à Herman Van Rompuy, président de la Chambre et membre discret du CD&V/NVA, qui l'informe chaque semaine de son travail. Pendant un mois, il réussit à rétablir un climat de confiance entre les partenaires de l' "Orange bleue", mais n'obtient aucun résultat concret.

Le 29 septembre, Yves Leterme est renommé formateur par Albert II. Après quelques accords dans le domaine socio-économique, de nouvelles tensions communautaires surviennent le 7 novembre, lorsque les députés flamands votent la scission de l'arrondissement de Bruxelles-Hal-Vilvorde en commission de l'Intérieur de la Chambre. Les quatre partis démocratiques francophones décident d'entamer une procédure juridique appelée le conflit d'intérêts. Le lendemain, le Roi reçoit en audience Yves Leterme et lui demande de poursuivre sa tâche, vu que les quatre partis de l' "Orange bleue" ne réclamaient pas sa démission. Dans le communiqué diffusé par le Palais, il précise que "la constitution rapide d'un gouvernement fédéral est importante pour le bien-être de tous les citoyens de notre pays, pour la crédibilité de la Belgique et sa nécessaire cohésion". Albert II charge, par ailleurs, le président du Sénat Armand De Decker et le président de la Chambre Herman Van Rompuy de "prendre une initiative afin d'entamer un dialogue sur la poursuite de l'élaboration équilibrée de nos institutions et un renforcement de la cohésion entre les communautés", selon ce communiqué royal exceptionnellement détaillé.

La situation étant à nouveau bloquée, le souverain reçoit, les 12 et 13 novembre, les présidents des partis démocratiques, puis à nouveau Armand De Decker et Herman Van Rompuy. Le Palais diffuse, dans la soirée du 13 novembre, ce communiqué : "Il ressort des audiences du Roi de ces derniers jours que même s'il y a de nettes différences sur la méthode à suivre, il y a aussi une volonté largement partagée d'organiser un dialogue sur la poursuite de l'élaboration équilibrée de nos institutions et un renforcement de la cohésion entre les communautés". Yves Leterme reste formateur, même si les négociations pour former un gouvernement sont arrêtées.

A l'initiative de Marie-Claire Houard, une citoyenne liégeoise, soutenue par l'asbl Pro Belgica et l'asbl BPlus, plus de 35.000 Wallons, Flamands et Bruxellois participent à la manifestation nationale organisée le dimanche 18 novembre à Bruxelles. Marie-Claire Houard remet à Armand De Decker la pétition trilingue en faveur de l'unité de la Belgique qu'elle a lancée en août 2007 et qui a récolté 140.000 signatures. Une Fête de l'Unité est ensuite organisée dans le parc du Cinquantenaire. Cette journée est le plus important rassemblement patriotique durant ces six mois de crise politique.

Le 23 novembre, les présidents de la Chambre et du Sénat vont expliquer au Roi leur proposition de création d'une convention composée d'experts, de parlementaires et de membres des différents gouvernements. Yves Leterme n'arrive cependant pas à relancer les négociations au sein de l' "Orange bleue" et décide de démissionner le samedi 1er décembre. Les néerlandophones accusent le CDH d'être responsable de cet échec, tandis que les francophones désignent la NVA (alliée du CD&V)...

Albert II recontre ensuite, à trois reprises, le premier ministre sortant Guy Verhofstadt, qui accepte, le 3 décembre, de mener des contacts et de réfléchir à la manière de sortir de la crise politique que traverse la Belgique depuis six mois. Une semaine plus tard, le Roi le charge de former un gouvernement intérimaire pour gérer les dossiers urgents. L'accord tant attendu intervient dans la nuit du 18 au 19 décembre entre le CD&V/NVA, le VLD, le PS, le MR et le CDH. Le gouvernement Verhofstadt III prête serment devant le souverain le 21 décembre 2007. Il compte 14 ministres et aucun secrétaire d'Etat. Yves Leterme est vice-premier ministre, ministre du Budget, de la Mobilité et des Réformes Institutionnelles.

1 commentaire :

  1. On retrouve dans cette crise politique grave, tout le bon sens politique du Roi, l'Histoire retiendra sans doute toute l'efficacité de l'action du Monarque dans les règles constitutionnelles et démocratiques du pays, c'est une des raisons pour laquelle, à mon avis, quelques politiciens veulent voir l'abolition des quelques pouvoirs que le Roi garde encore, puisque ces pouvoirs en question lui ont permit de préserver une certaine stabilité à la Belgique.
    Merci Petit belge pour cet article bien écrit et d'une grande clarté.

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