lundi 21 novembre 2011

Le rôle politique du roi Albert II en 1998

Dans son discours de Nouvel An aux autorités du pays, le Roi déclare : "Il importe de faire évoluer et de moderniser la justice. Les progrès de cette opération pourront être observés très concrètement. Ainsi la victime ou sa famille devront effectivement avoir accès au dossier. Un autre exemple : la mise en place d'une gestion efficace devrait avoir pour effet que justice soit rendue dans des délais raisonnables, même dans les grandes villes. C'est important, car une trop longue attente constitue en fin de compte un déni de justice. Développer le système des peines alternatives, veiller au suivi dans les cas de liberté conditionnelle, sont deux autres éléments indispensables à une bonne gestion de la justice. Enfin, l'évaluation régulière des résultats obtenus est nécessaire et favorisera, par ailleurs, la poursuite des efforts entrepris. Stimulons le changement des mentalités. A cet égard, les contacts que j'ai eus à Courtrai, lors de ma visite à la nouvelle Maison de la Justice et ma rencontre avec les magistrats, m'ont encouragé".

Le 30 mars, le couple royal et le premier ministre Jean-Luc Dehaene inaugurent à Bruxelles Child Focus, le centre européen pour enfants disparus et sexuellement exploités, où travaillera Jean-Denis Lejeune (le papa de Julie). La reine Paola s'y rend à nouveau le 11 mai avec la reine Silvia de Suède, ainsi qu'avec l'épouse du président allemand, Mme Roman Herzog, lors de leur voyage d'Etat en Belgique en juillet 1998.

Alors qu'il consulte son dossier au palais de justice de Neufchâteau le 23 avril, Marc Dutroux profite de la négligence des deux gendarmes qui le surveillent pour s'échapper dans la nature. Heureusement, le prisonnier le plus connu du royaume est interpellé quelques heures plus tard dans la forêt d'Herbeumont grâce à la perspicacité et au sang-froid d'un garde-forrestier. Marc Dutroux provoque une nouvelle crise dans le pays...

En vacances à Châteauneuf-de-Grasse, le Roi rentre d'urgence en Belgique pour rencontrer le premier ministre, venu lui remettre les lettres de démission du ministre de l'Intérieur Johan Vande Lanotte et du ministre de la Justice Stefaan De Clerck. Le lendemain, leurs successeurs Louis Tobback et Tony Van Parijs prêtent serment devant Albert II. Avec la Reine, il reçoit en audience le garde-forrestier Stéphane Michaux afin de le féliciter. L'évasion avortée de Marc Dutroux provoque l'accélération des réformes de la justice et de la police, réclamées depuis un an et demi.

Le 23 juin 1998, notre souverain consacre une grande partie de son allocution devant le Conseil de l'Europe à Strasbourg au combat qui lui tient très à coeur : "La dignité de l'être humain ne souffre aucun compromis. Il est intolérable qu'elle soit bafouée. Elle est un fondement de notre civilisation européenne millénaire. Les plus faibles au sein de notre société ont le plus de difficultés à faire admettre leur droit au respect de la personne et à la protection de leur dignité. C'est le cas, tout particulièrement, des sans travail, des pauvres, des enfants, des femmes maltraitées.

En Belgique, nous avons vécu des moments douloureux lorsque des crimes horribles, perpétrés contre des enfants, furent découverts. Une intense émotion et une grande solidarité ont uni la population aux parents et aux familles durement éprouvées par cette malfaisance. De cette solidarité marquée, mon pays a tiré les conclusions tant au niveau national qu'international. Fin mars, j'ai eu l'occasion d'inaugurer à Bruxelles le nouveau centre européen pour enfants disparus ou sexuellement exploités. Travaillant sous le vocable "Child Focus", cette institution fournit une assistance précieuse aux familles des victimes par la mise sur pied d'un important réseau de contacts à l'échelle nationale et internationale.

Le Conseil de l'Europe a, me semble-t-il, un rôle très concret à jouer dans l'élaboration de normes juridiques internationales contraignantes et pénales en cette matière. Ce sont là des instruments indispensables pour réprimer les abus contre des enfants et lutter contre la pornographie enfantine. Le congrès mondial contre l'exploitation sexuelle des enfants, qui eut lieu à Stockholm en 1996, fut considéré dans mon pays comme une étape cruciale dans la prise de conscience internationale de ce fléau de notre société.

Je tiens à remercier les autorités allemandes (présidence sortante du Conseil de l'Europe) d'avoir bien voulu prendre l'initiative d'organiser, fin avril, ici à Strasbourg, une conférence européenne de suivi du congrès mondial de Stockholm. Nous sommes heureux que cette conférence ait produit des résultats positifs et qu'elle ait confirmé l'engagement de la communauté internationale d'intensifier la lutte contre ces méfaits. Lors de cette réunion, mon pays a proposé d'élaborer une nouvelle convention au niveau du Conseil de l'Europe. Elle devrait définir des normes communes internationales et des règles de compétence extraterritoriale et renforcer la coopération judiciaire internationale dans le combat pour sauvegarder l'intégrité physique et morale des enfants.

La lutte contre la traite des êtres humains doit pouvoir bénéficier d'une même solidarité internationale. L'exploitation de jeunes femmes, venues de pays en voie de développement, mais récemment de plus en plus d'Europe de l'Est, est un phénomène qui a pris une ampleur terrifiante. C'est donc aussi à l'échelle européenne qu'il faut combattre cette nouvelle forme d'esclavage moderne. Il convient de renforcer et d'harmoniser nos législations réprimant ce trafic, d'organiser l'accueil des victimes et de mieux coordonner l'action de nos polices pour combattre ces phénomènes".

Grand partisan de l'ancrage belge de nos entreprises, Albert II utilise en 1998 tout son pouvoir d'influence dans la lutte pour le rachat de la Générale de Banque, filiale de la Société Générale et principale banque du pays. Président du géant financier belgo-néerlandais Fortis, Maurice Lippens envisageait une fusion de sa banque avec la Générale de Banque et vint présenter ses projets au Roi, qui lui apporta son soutien.

Le conseil d'administration de la Générale de Banque avait des réticences vis-à-vis de l'offre de Fortis. Sous l'impulsion de Fred Chaffart (président du comité de direction), la banque voulait devenir elle-même un groupe bancaire européen. Pendant les vacances de Pâques 1998, le Roi appelle Paul-Emmanuel Janssen, le président de la Générale de Banque.

Cette conversation est relatée en détail dans le livre "Le bal des empires : les dessous du capitalisme" de Stefan Michielsen et Béatrice Delvaux : "Au beau milieu d'une réunion du comité de direction, le téléphone sonne. Hubert Simonart, secrétaire général de la banque, décroche à contrecoeur. Mais son visage devient soudain sérieux. Il se tourne vers Janssen : "C'est pour vous. Le Roi". Incrédule, Janssen prend le téléphone. Devant les regards interrogateurs des autres, il hoche la tête. En effet, c'est bien le Roi. Tous les assistants peuvent entendre le roi Albert II exhorter le conseil d'administration à trouver un compromis avec Fortis, dans l'intérêt du pays. Sous le coup de la surprise, Paul-Emmanuel Janssen parvient tout de même à répliquer : "Majesté, les choses ne sont pas si simples. Nous n'avons rien contre Fortis, mais nous estimons que leur proposition n'est pas bonne pour notre banque, parce que...". Mais le Roi l'interrompt : "Excusez-moi, mais je n'ai pas beaucoup de temps. Je téléphone avec mon GSM depuis ma résidence de vacances. Nous parlerons de cette affaire plus longuement dès mon retour à Bruxelles". Puis, la communication est coupée".

Malgré leurs demandes, Paul-Emmanuel Janssen et Fred Chaffart ne sont pas conviés au palais royal pour défendre leur point de vue.

Lassé d'attendre, Maurice Lippens annonce une offre publique sur toutes les actions de la Générale de Banque, mais il lui manque l'aval de la Commission Bancaire et Financière. Son président, Jean-Louis Duplat, fait savoir que le transfert des actions vers Fortis serait gelé trois mois si le conseil d'administration donnait un avis partagé. C'est ce qui se produit : 9 administrateurs sont pour, 8 sont contre et 11 demandent un complément d'information. Suite aux coups de téléphone de Jacques van Ypersele de Strihou, du gouverneur de la Banque Nationale Alfons Verplaetse et du ministre des Finances Philippe Maystadt, la proposition de Jean-Louis Duplat de geler temporairement l'affaire est rejetée par la Commission Bancaire et Financière.

Quelques jours plus tard, la banque néerlandaise ABN-AMRO fait une contre-proposition : elle offre 15% de plus pour les actions de la Générale de Banque à condition de pouvoir acheter 60% du capital. Aussitôt Albert II convoque le premier ministre, le gouverneur de la Banque Nationale et le ministre des Finances pour leur exprimer son inquiétude face à cette offre. De son côté, Jacques van Ypersele de Strihou refuse de parler à Jan Kalff, président d'ABN-AMRO.

Les membres du conseil d'administration de la Générale de Banque sont partagés entre les offres de Fortis et ABN-AMRO. Proche d'Albert II, Etienne Davignon entre en scène et présente un plan diabolique : statutairement, la Générale de Banque a la possibilité de créer 10% de nouvelles actions. Si Fortis les achetait, sa participation atteindrait 43% et ABN-AMRO ne pourrait jamais détenir les 60% nécessaires. Discrètement, Etienne Davignon et le baron Georges Jacobs (actionnaire indépendant de la Générale et président du groupe chimique UCB) préviennent la plupart des membres de ce qui allait se passer. Le Palais était probablement, lui aussi, au courant. Seuls Paul-Emmanuel Janssen et Fred Chaffart ne sont pas informés.

Le conseil d'administration décisif est convoqué le 5 juin 1998. Malgré les propos choqués du président Paul-Emmanuel Janssen, le scénario minutieusement préparé se déroule comme prévu. L'offre d'ABN-AMRO jugée défavorable, il reste à signer le mariage entre la Générale de Banque et Fortis. Certains évoquent un "coup d'Etat" monté par les proches d'Albert II. Interpellé à la Chambre, le premier ministre Jean-Luc Dehaene balaie les accusations de partialité adressées à la Cour et au gouvernement...

Même si l'opération lui coûte très cher (525 milliards de francs belges), Maurice Lippens savoure son triomphe et n'hésite pas à parler de "cadeau d'anniversaire pour le Roi" sur un plateau de télévision. Ce dernier ne sera pas ingrat : il lui octroie le titre héréditaire de comte lors de la fête nationale 1998.

Autres soucis d'Albert II : le racisme et la xénophobie. Plusieurs activités ont lieu à ce sujet en 1998 : audience d'Anne Morelli (vice-présidente du Mouvement contre le racisme, l'antisémistime et la xénophobie), rencontre avec une délégation du Groupe Mémoire à l'occasion du 65ème anniversaire de l'ouverture du premier camp de concentration nazi, cérémonie au Mémorial des Martyrs Juifs à Anderlecht, séance de clôture des "Rencontres de la Mémoire" organisées à l'occasion des 50 ans de la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme. Et il en parle en juin dans son discours devant le Conseil de l'Europe :

"Le Conseil de l'Europe fut instauré à la fin d'une guerre où l'intolérance raciale avait abouti à des crimes horribles contre des millions de personnes. Malgré les leçons de l'Histoire, le racisme, l'intolérance, les nationalismes et sous-nationalismes extrêmes ont repris vigueur dans notre pays et y trouvent même une expression politique. Il est logique, dès lors, que la lutte contre le racisme, la xénophobie et l'intolérance demeure au centre de nos préoccupations.

En Belgique, nous avons créé il y a quelques années un Centre pour l'Egalité des Chances et la Lutte contre le Racisme. Il joue un rôle précieux. Le centre entend les plaintes des citoyens et se constitue souvent partie civile lors de procédures judiciaires. Il contribue à la formation de fonctionnaires et de membres des forces de l'ordre. Il suggère des initiatives législatives ou gouvernementales, dans le cadre de la conférence interministérielle à la politique des immigrés. Le travail du Conseil de l'Europe dans ce domaine est crucial et sert de référence pour l'action de nos pays et des autres organisations européennes. Je me réjouis que le sommet de Strasbourg de novembre dernier ait décidé de renforcer les activités de la commission contre le racisme et l'intolérance".

Un mois plus tard, le Roi évoque à nouveau ce sujet lors du voyage d'Etat du président allemand Roman Herzog en Belgique : "L'intégration des émigrés requiert également de nous tous des efforts décidés où la tolérance doit l'emporter sur le rejet. Tous nos pays doivent faire face à des tendances nationalistes et à des sentiments d'intolérance. Bannir les préjugés est donc une entreprise qui nous concerne tous. Eliminer la discrimination au sein de la société et dans le travail reste un souci permanent pour nos dirigeants et nos groupes de pression".

L'unité de la Belgique revient également régulièrement dans ses discours, comme celui de la fête nationale 1998 : "Je voudrais évoquer un défi permanent, mais qui constitue aussi une grande chance, je veux parler de notre diversité. Apprenons tous, responsables politiques ou citoyens, à vivre harmonieusement ensemble chaque jour et à juger nos diversités culturelles et régionales non comme des difficultés à surmonter, mais comme des richesses. Si nous le voulons, nous pouvons devenir un exemple pour cette Europe en pleine expansion, dont Bruxelles, et en fait tout notre pays, constitue la capitale. Ceci représente un énorme atout tant sur le plan humain que sur le plan économique, social ou culturel. Je m'en rends compte chaque jour à l'occasion de mes nombreux contacts que j'ai aussi bien avec des compatriotes qu'avec des visiteurs étrangers. Apprenons à connaître mieux et à respecter la culture et la langue des autres communautés. Employons-nous à éviter les provocations et à être tolérants, non seulement en paroles mais aussi dans notre comportement quotidien. J'exhorte en particulier les jeunes à apprendre les langues et à se familiariser avec les autres cultures de notre pays. C'est une opportunité qu'il vous est vraiment facile de saisir et qui vous donnera des atouts supplémentaires pour votre avenir".

Dans ce discours, il évoque aussi la situation économique de notre pays :

"Nous avons réussi l'admission de la Belgique au nombre des pays qui utiliseront l'euro dès janvier prochain, grâce à un effort budgétaire considérable, maintenu pendant des années et qui a demandé à la population bien des sacrifices. Ce succès nous démontre que lorsque nous le voulons vraiment, nous sommes parfaitement capables, tous ensemble, de surmonter des obstacles apparemment infranchissables. C'est un encouragement de taille pour d'autres questions qui nous préoccupent.

Participer à l'Union Monétaire était essentiel pour la Belgique. Dans le domaine de l'emploi, par exemple, l'introduction de l'euro aura des effets bénéfiques. En effet, l'euro réduira considérablement les coûts et les risques de change que nos entreprises devaient supporter. Par ailleurs, les dévaluations compétitives ne seront plus possibles au sein de la zone euro. Cette évolution est importante pour nous, car nous savons qu'environ 2/3 de nos exportations ont la zone euro pour destination et que plus de la moitié de nos importations proviennent de cette même zone. Pensons aussi à nos nombreuses petites et moyennes entreprises que la transparence des prix encouragera à exporter davantage.

Notre pays se prépare donc bien à l'euro. Je remercie tous les acteurs économiques, y compris les responsables de PME, des efforts déjà accomplis et les encourage à poursuivre. Pour l'Europe aussi, l'Union Monétaire est essentielle. La monnaie commune sera incontestablement le moteur qui fera progresser l'intégration.

Un autre défi est celui de l'emploi. Des progrès ont été réalisés puisque durant les 12 derniers mois, le chômage a baissé de façon significative. Cette tendance devrait se poursuivre. Pour cela, continuons à donner la priorité à l'emploi par rapport à l'accroissement des rénumérations individuelles. Au cours de mes nombreuses visites d'entreprises et de mes contacts avec les responsables économiques et sociaux, j'ai pu constater un nouveau dynamisme dans nos trois régions. Il devrait nous permettre de bénéficier pleinement de la reprise économique.

Reconnaissons néanmoins que le chômage reste important, surtout dans certaines sous-régions. Pour le réduire, une approche coordonnée s'impose. Elle comportera, parmi d'autres, un volet consensus social qui favorisera le dynamisme économique, un volet formation des moins qualifiés et un soutien aux entreprises d'économie sociale. Gardons aussi à l'esprit l'importance de la recherche scientifique. Une attitude volontariste, soutenant dans la durée des projets précis et novateurs est un élément non négligeable pour le développement de notre emploi".

Albert II lance la première frappe des pièces en euros à son effigie le 7 septembre à la Monnaie Royale de Belgique.

Le 22 septembre, Semira Adamu, une Nigérienne de 20 ans, expulsée du territoire belge, trouve la mort suite à une intervention policière musclée et inhumaine ("la technique du coussin"). Beaucoup de personnes réclament la démission du ministre de l'Intérieur Louis Tobback. La goutte d'eau qui fait déborder le vase est la couronne de fleurs entourée d'un ruban aux prénoms d'Albert et Paola et déposée en évidence à l'entrée de la cathédrale Saints Michel-et-Gudule. C'est interprété comme un désavoeu public du souverain de la politique du droit d'asile du gouvernement fédéral, et du ministre de l'Intérieur en particulier. Furieux contre l'initiative royale, Louis Tobback démissionne le 26 septembre et est remplacé par Luc Van den Bossche.

Au cours de l'année 1998, Albert II accorde le titre de Ministre d'Etat à une seconde volée d'hommes politiques : Gaston Geens, Philippe Maystadt, Robert Urbain, François-Xavier de Donnéa, Antoine Duquesne et Mark Eyskens.

En novembre, le Roi se rend à la Maison Communale de Tubize afin d'assister à la signature d'une charte de coopération entre 14 communes voisines, situées de part et d'autre de la frontière linguistique, qui ont décidé de collaborer dans une série de matières d'intérêt commun (sécurité routière, culture, économie, environnement, échanges linguistiques, p.ex.). C'est le président de la Chambre et bourgmestre de Tubize Raymond Langendries qui avait présenté l'initiative au souverain lors d'une audience et l'avait convaincu d'apporter son soutien public à la charte "Vivre ensemble-Samen leven".

Albert II assiste aussi à Bruxelles à la séance d'ouverture de la première rencontre européenne des personnes engagées dans la lutte contre le tourisme sexuel des enfants. Au cours de l'année 1998, il a reçu en audience Peter Roose (président de la commission de la Chambre sur la traite des êtres humains), Marc Verwilghen (président de la commission de la Chambre sur les disparitions d'enfants), Véronique Grossi (coordinatrice de l'asbl Payoke à Anvers), Patsy Sörensen (échevine d'Anvers qui lutte contre la traite des êtres humains), Marleen Schepers (coordinatrice belge de la Marche Mondiale contre le travail des enfants), Ankie Vandekerckhove (commissaire aux droits de l'enfant en communauté flamande) et Lieve Stappers (directrice de Child Focus), afin d'être informé de l'évolution de la situation. De son côté, la Fondation Reine Paola finance, en 1998, l'achat de matériel informatique pour l'asbl Passeport pour le Non, qui informe les enfants sur la maltraitance ou la pédophilie.

En politique étrangère, comme son frère défunt, Albert II s'intéresse beaucoup à nos anciennes colonies d'Afrique centrale. Lors du décès du roi Baudouin en 1993, les relations entre la Belgique et le Zaïre étaient difficiles. Le général Mobutu décréta le deuil national dans son pays et souhaita se rendre aux funérailles à Bruxelles, mais le Palais et le gouvernement s'y opposèrent. Quelques années plus tard, Laurent-Désiré Kabila renversa le général Mobutu, prit le pouvoir et décida le retour au nom original du pays.

En novembre 1998, Laurent-Désiré Kabila est de passage à Bruxelles pour la première fois en tant que président de la République du Congo. Les autorités belges sont embarrassées, car même s'il a chassé un dictateur, Kabila n'est pas non plus un enfant de choeur. Albert II accepte de le recevoir en audience, mais fait cependant bien comprendre qu'il ne soutient pas tout à fait le nouveau régime congolais. La presse voit les deux chefs d'Etat entrer dans le bureau du souverain. Contrairement à son habitude, le Roi a le visage grave et sérieux, sans aucun sourire. Il refuse de poser côte à côte et de serrer la main de Kabila publiquement devant les photographes présents.

A quelques mois des élections législatives et régionales de juin 1999, certains hommes politiques (surtout au nord du pays) ne cessent de revendiquer la régionalisation de nouvelles compétences. Le Roi rappelle tout le monde à l'ordre dans son discours de Noël 1998 :

"Le souci de conserver et de promouvoir des relations pacifiques entre nos communautés et régions doit nous habiter en permanence, de même que la défense de nos valeurs démocratiques qu'il ne faut jamais considérer comme acquises une fois pour toutes. A chacun d'entre nous de garder en mémoire ce qui s'est passé dans les années 30. Nous devons maintenir ces relations harmonieuses entre communautés par notre volonté d'ouverture et de compréhension des autres, ce qui implique la connaissance de leur langue.

En effet, la langue parlée par un homme détermine grandement sa façon de raisonner, de voir les choses ou de ne pas les voir. Cette langue dans laquelle il pense est comme une fenêtre par laquelle il observe la réalité autour de lui. Elle lui donne une vision spécifique du monde et ce qu'il ne peut pas formuler avec des mots risque de lui échapper définitivement. Chaque langue a son génie propre qui imprègne tous ceux qui la pratiquent et connaître une langue permet non seulement de communiquer, mais aussi de saisir une sensibilité, une culture, bref de comprendre vraiment l'autre.

Dans notre pays, nous avons la chance de pratiquer plusieurs langues. Nos communautés linguistiques possèdent chacune, comme je viens de le souligner, un génie propre. Notre véritable richesse réside donc bien là : conjuger harmonieusement, au service de ce pays que nous aimons, les qualités spécifiques de chaque communauté. La diversité bien vécue, je continuerai toujours à le rappeler, c'est l'avenir pour notre pays. Par contre, exalter la différence signifierait pour nous tous, non seulement un appauvrissement humain et culturel, mais conduirait aussi, à terme, à une sérieuse diminution de notre niveau de vie. Prenons chacun notre responsabilité et rejetons résolument tout ce qui divise ou sépare, refusons la voie de l'intolérance, du racisme et de l'exclusion de l'autre".

1 commentaire :

  1. Encore merci pour cette série qui est passionnante, j'ai appris bien des choses que je conserve dans ma mémoire et sur papier.

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