lundi 24 septembre 2012

La communication du Palais

Sous le règne du roi Albert II, on a deux périodes dans la communication du Palais :  une période d'ouverture de 1993 à 2004, puis une communication plus frileuse et moins bonne depuis 2004.

Sous le règne du roi Baudouin et de la reine Fabiola, la famille royale était surtout personnifiée par le couple royal. Les contacts étaient rompus avec le prince-régent Charles et la branche d'Argenteuil. Les problèmes de couple des princes de Liège empêchaient le Palais de les mettre trop en avant. Il faut attendre les fêtes 60/40 en 1990 et 1991 pour que Baudouin et Fabiola associent leur neveu le prince Philippe à leurs séances de photos et activités officielles. Changement total en 1993 :  Albert II et Paola montent sur le trône avec trois enfants, un beau-fils et trois petits-enfants. Leurs trois enfants reçoivent de nouvelles responsabilités : les missions économiques pour Philippe, la Croix-Rouge de Belgique pour Astrid, et l'IRGT pour Laurent. Le Palais axe sa politique de communication sur l'image d'une famille au service du pays et sur le côté glamour de la reine Paola qui ressort les diadèmes et les chapeaux délaissés depuis longtemps par sa belle-soeur. Comme dans les années 30 et 60, des boîtes de biscuits à l'effigie de la famille royale sont recommercialisées. On peut désormais enregistrer leurs paroles lors des bains de foule. A l'occasion de ses 30 ans en octobre 1993, le prince Laurent est le premier enfant des nouveaux souverains à accepter de répondre à une interview (et il en donnera beaucoup d'autres pendant une dizaine d'années). Bref, en ce début de règne, un vent de fraîcheur et de modernité souffle sur la Cour par rapport au règne austère du roi Baudouin.

Nouvelle évolution en septembre 1994 :  la création de "Place Royale" chaque samedi à 20h15 sur RTL-TVI. Pour la première fois, les Belges vont avoir une émission hebdomadaire où ils vont pouvoir suivre les activités officielles de leur famille royale (vu le succès, elle sera copiée par "Royalty" sur VTM et "C'est du belge" sur la RTBF). Le Palais s'adapte à cette évolution et poursuit son ouverture :  la rentrée des classes des enfants d'Astrid est désormais médiatisée (on verra même Astrid et Lorenz chez eux en train de recouvrir les cahiers un 1er septembre!), le prince Philippe commence à répondre à quelques questions d'Anne Quevrin lors des missions économiques à l'étranger, le couple royal accepte en 1996 qu'on les filme en vacances en train de faire leur marché à Châteauneuf-de-Grasse dans le sud de la France, la reine Paola en personne vient féliciter Anne Quevrin devant les caméras pour la 100ème émission, le Roi visite le studio de l'émission lors de son passage à RTL-TVI, etc.

Autre ouverture du règne :  les garden-parties dans le domaine de Laeken sont restaurées par Albert et Paola alors qu'elles avaient été supprimées par leurs prédécesseurs. Plus question d'inviter des officiels, mais plutôt des citoyens belges. La première a lieu pour les 65 ans du Roi en 1999 et ce sont les voisins du domaine de Laeken qui sont conviés. D'autres garden-parties ont ensuite eu lieu en l'honneur des fiançailles des princes héritiers en 1999, des 10 ans de règne en 2003, des 70 ans d'Albert II en 2004, des jeunes en 2006, des associations de protection de l'enfance en 2007, du monde culturel en 2008, des noces d'or des souverains en 2009 et des 20 ans de la Fondation Reine Paola en 2012. En 2002, la création du site Internet officiel, l'introduction de l'art contemporain au palais royal, les réponses écrites de la reine Paola aux questions de l'agence Belga et le service d'un café équitable dans les demeures royales donnent l'image d'une monarchie bien de son temps.

Ce sont ensuite le prince Philippe et la princesse Mathilde qui apportent un vent de fraîcheur à la Cour avec les fiançailles, la "Mathildemania" qui envahit la presse et les médias, le succès des Joyeuses Entrées, le mariage, leurs premiers déplacements à deux à l'étranger, la naissance de leurs premiers enfants, les longs reportages sur les princes filmés par les quatre télévisions du pays (RTL-TVI, RTBF, VRT et VTM) et diffusés fin 2003. A ce moment-là, l'image du prince héritier est très bonne : un sondage publié en décembre 2003 révèle que 80% des Belges ont une image positive du prince Philippe. On le dit prêt à régner, plus mûr et plus à l'aise depuis son mariage.

2003 marque sans doute l'apogée médiatique du règne du roi Albert II avec des images jamais vues sous le règne précédent :  la méditation du père Guy Gilbert lors du mariage de Laurent et Claire, le Roi embrassant Justine Henin et Kim Clijsters à Roland Garros, chevauchant une Harley Davidson pour le début d'une Moto Parade en son honneur ou entamant, très ému, un discours devant 40.000 personnes à la fin du concert de la place Poelaert. Les festivités des 10 ans de règne ont eu beaucoup de succès, et le monde politique vante ses bonnes relations avec le souverain. Le prince Philippe a, à cette époque, également une bonne image. Et Laurent et Claire rapprochent la monarchie du peuple en organisant une messe le lendemain de leur mariage dans le quartier défavorisé des Marolles à Bruxelles, et en y retournant pour le bal populaire de la fête nationale. Au printemps 2004, c'est au tour de la princesse Astrid d'accepter, pour la première fois, de répondre à des interviews afin de médiatiser son combat contre le sida. Elle n'hésite pas à prendre ses distances avec le Vatican et à prôner l'usage du préservatif si l'abstinence n'est pas possible. Autre dernière grande ouverture médiatique du Palais :  le tournage de "Paola : paroles de reine" à Venise où la souveraine se confie à des amies.

Novembre 2004 marque un arrêt dans cette politique d'ouverture du Palais. Les propos du prince Philippe contre le Vlaams Belang confiés à un journaliste (et jamais démentis) suscitent la polémique au nord du pays et cassent la meilleure image qu'il avait depuis son mariage. Au printemps 2005, il signe, sans s'en rendre compte, une liste de revendications de la FEB et reçoit un avertissement du premier ministre Guy Verhofstadt. En 2006, les relations ne sont pas bonnes entre la famille royale et la presse :  le discours de Nouvel An d'Albert II est sévèrement critiqué en Flandre, une polémique survient lors de la mission économique en Afrique du Sud sur les capacités du prince héritier à diriger ces missions, le prince Laurent refuse de diffuser des photos de ses jumeaux...avant de tenter de les vendre au plus offrant, sans oublier l'annonce du procès d'Hasselt. Autrefois si populaire et présenté comme le plus proche des Belges, le prince Laurent est désormais descendu en flèche par les journalistes et les révélations de ses proches (dont son ancien conseiller Noël Vaessen) s'accumulent. Son frère aîné perd son sang-froid lors de la réception de Nouvel An 2007 au palais royal et critique sévèrement deux journalistes sur des articles parus quelques mois plus tôt. Même la gentille princesse Astrid se retrouve en 2007 au sein d'un conflit communautaire à la Croix-Rouge de Belgique, dont elle renonce finalement à la présidence. Ajoutons les crises politiques à répétition de 2007 à 2011, au cours desquelles certains responsables politiques brisent le secret du colloque singulier et compliquent le rôle délicat du Roi. Le coût de la monarchie et le financement douteux des fondations du prince Laurent sont de plus en plus critiqués.

Conclusion :   après onze années (de 1993 à 2004) où le roi Albert, la reine Paola et leur famille ont fait souffler un vent de fraîcheur sur la Cour et dépoussiéré l'austère monarchie du règne précédent, la communication du Palais est moins bonne depuis 2004. Elle paraît plus sur la défensive (répondre aux critiques) que sur l'offensive (tenter de nouvelles choses plus modernes). Suite à leurs démêlés avec la presse, les princes Philippe et Laurent sont devenus très méfiants et de moins en moins loquaces. La "Mathildemania" est désormais terminée, et la princesse ne paraît plus aussi spontanée et naturelle qu'en 1999. Seule la princesse Astrid a pris de l'assurance avec le temps et c'est  elle qui est la plus ouverte lors de ses interviews avec les journalistes qui gardent tous un bon souvenir des voyages humanitaires à l'étranger qu'ils font avec elle. La princesse Claire ne se confie jamais, mais elle apaise son époux anticonformiste et controversé. On fera aussi remarquer qu'avec la meilleure volonté du monde, le conseiller presse du Palais, issu de la diplomatie ou de l'armée, n'est sans doute pas assez armé pour faire face au développement de la communication au cours des dernières années, notamment dans le domaine des nouvelles technologies.

Que faudrait-il faire?  Faire appel à des professionnels pour rénover en profondeur le site officiel du Palais qui apparaît un peu ringard et moins fourni que celui d'autres familles royales, comme celui des Windsor qui sont également présents sur Facebook et Youtube. Une plus grande transparence de la Liste Civile, des dotations et des fondations du prince Laurent permettrait de couper court à de nombreuses rumeurs, et de se demander si celle de la reine Fabiola ne devrait pas être diminuée en raison de son âge et remise au même niveau qu'Astrid et Laurent. Concernant ce dernier, le débat autour de sa dotation reviendra tant qu'il ne remplira pas 50 activités officielles par an car se justifie-t-elle s'il n'effectue même pas une activité officielle par semaine? Quand va-t-il se résoudre à régler définitivement le sort de la villa abandonnée en Italie d'une de ses fondations? Il est aussi important de mieux communiquer sur le travail concret de la famille royale. Lorsque Philippe, Mathilde et Laurent président une réunion de travail de leur fondation respective, pourquoi n'en trouve-t-on aucune trace sur le site officiel du Palais? Pourquoi est-il impossible d'y trouver un programme des missions économiques des ducs de Brabant? La princesse Mathilde va fêter ses 40 ans en 2013, et on aimerait une interview où elle se livre vraiment en toute franchise. Sa beauté permettrait aussi de faire des photos glamour comme d'autres princesses, et non pas sur le traditionnel banc dans le domaine de Laeken. Ce ne sont que quelques suggestions constructives qui montrent que le Palais a les moyens d'apporter un vent de fraîcheur à la monarchie (comme cela avait été fait au début du règne).

3 commentaires :

  1. Il s'agit d'une analyse très fine des deux phases de communication sous le règne d'Albert II. En espérant, un peu utopiquement, que le Palais lise cet article et retienne quelques très bonnes suggestions...

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  2. Je suis tout à fait d'accord. Excellent article, bravo! Très bonnes suggestions! Attention tout de même à ne pas tomber dans l'excès inverse, à l'image de la Zarzuela: en voulant inaugurer le nouveau site de la famille royale espagnole, le roi Juan Carlos s'est un peu pris les pieds dans le tapis en évoquant à mots couverts la Catalogne...

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  3. Demandez aux journalistes qui la cotoient sans l'aduler ce qu'ils pensent de la poupée Barbie alias mathilde : hautaine et autoritaire.
    En épousant Flupke, elle a fait ce qu'elle penasait être un excellent placement.

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