lundi 21 février 2011

Le rôle politique du roi Albert II en 2010

Une nouvelle crise politique survient en avril 2010. Sous l'impulsion de son jeune président Alexander De Croo, le VLD quitte la majorité suite à l'absence d'accord sur Bruxelles-Hal-Vilvorde au terme de la mission du ministre d'Etat Jean-Luc Dehaene. Yves Leterme remet la démission de son gouvernement à Albert II qui la tient en suspens et explique sa décision dans le communiqué diffusé par le Palais : "Le Roi et le premier ministre ont souligné combien, dans les circonstances actuelles, une crise politique serait inopportune et porterait un grave préjudice d'une part au bien-être économique et social des citoyens et d'autre part au rôle de la Belgique sur le plan européen".

Après avoir rencontré les présidents de la Chambre, du Sénat et des partis démocratiques, les partenaires sociaux, Albert II charge Didier Reynders, vice-premier ministre et président du MR, "de s'assurer dans un très court délai de ce que les conditions sont remplies pour la reprise rapide des négociations sur des problèmes institutionnels et en particulier celui de Bruxelles-Hal-Vilvorde", selon les termes du communiqué royal. Mais la confiance est rompue entre les partis de la majorité et les négociations ne reprennent pas. Après avoir à nouveau reçu en audience les présidents de partis, Albert II accepte la démission du gouvernement. Les Chambres sont dissoutes.

Les élections fédérales ont lieu le 13 juin 2010. Le Parti Socialiste est le grand vainqueur en Wallonie tandis que la NVA devient le premier parti de Flandre. L'extrême-droite continue de baisser : le Vlaams Belang perd 5 sièges à la Chambre et le Front National n'a plus aucun sénateur et député fédéral. Après trois jours de consultations, le Roi nomme informateur Bart De Wever, le président de la NVA. Le 8 juillet, il demande à être déchargé de sa mission sans avoir obtenu d'accord. Le même jour, Elio Di Rupo, le président du PS, est nommé pré-formateur par Albert II.

Dans son discours de la fête nationale 2010, le Roi évoque brièvement la situation politique : "Notre pays a été secoué par des tensions communautaires qui ont conduit à des élections anticipées et qui causèrent d'importants glissements politiques. A présent, ce qui importe, c'est de se tourner vers l'avenir. Il y a donc lieu de préparer pour nos régions et communautés de nouvelles formes de vie commune où chacun se sent bien, de résoudre les questions épineuses qui ont divisé, et de trouver de nouveaux équilibres entre le fédéral et les entitées fédérées".

Le 18 août, Elio Di Rupo fait part au Roi des progrès obtenus et des difficultés à surmonter. Albert II décide de rencontrer les présidents des sept partis participant aux négociations. Le ministre d'Etat Louis Tobback confie à la presse : "Je suis et reste un républicain. Mais dans de telles circonstances, la monarchie montre toute son utilité. Tous les politiciens qui réclament un rôle protocolaire pour la monarchie depuis des décennies doivent maintenant examiner la situation. Le Roi est très respecté. Lorsqu'il parle, il est écouté". Les négociations reprennent le 21 août.

Une semaine plus tard, le projet de compromis de la réforme de l'Etat proposé par Elio Di Rupo est accepté par cinq partis (PS, SPA, CDH, Ecolo et Groen), mais n'obtient pas le soutien de la NVA et du CD&V. La famille libérale n'a pas été conviée aux discussions. Le pré-formateur demande à Albert II d'être déchargé de sa mission. Celui-ci refuse et lui demande de faire un nouvel essai qui n'aboutit pas à un accord. Aussi après avoir à nouveau reçu en audience les présidents des sept partis, le Roi demande, le 4 septembre, aux présidents de la Chambre André Flahaut (PS) et du Sénat Danny Pieters (NVA) un travail de médiation sur les désaccords rencontrés par le pré-formateur. Pas de résultat. Même mission pour le président de la NVA Bart De Wever le 8 octobre. Pas de résultat. Et pour le ministre d'Etat Johan Vande Lanotte le 21 octobre.

En novembre, le président du PS Elio Di Rupo parle pour la première fois d'Albert II depuis les élections : "J'ai toujours trouvé que le Roi avait une maîtrise totale de la situation. C'est la personnalité qui connaît le mieux la situation du pays. Il agit dans l'intérêt du pays. Celles et ceux qui pensent que le Roi peut être influencé se trompent. Personne ne l'influence. Il sait où il va. Il compose avec la réalité du pays, très différente au nord et au sud". Cet avis n'est pas partagé par le président de la NVA Bart De Wever qui déclare en décembre au journal allemand "Der Spiegel" : "Le problème, c'est que le Roi joue encore un rôle politique. Quand il y a une crise, le rôle du Roi est important. Pour nous Flamands, cela pose un problème parce que le Roi ne pense pas comme nous. Pour les Wallons, c'est un avantage car ils sont alliés avec lui".

Dans son discours télévisé de Noël 2010, Albert II évoque la réussite de la présidence belge de l'Union Européenne, puis la crise politique : "Cet art du compromis, il me semble qu'au sein de notre propre pays, nous l'avons quelque peu oublié ces dernières années. D'où ma préoccupation et ma ferme volonté de lancer un appel à tous nos responsables et à tous les citoyens.

Notre pays a l'occasion de se transformer en profondeur pour mieux répondre aux attentes de nombreux Belges, et pour affronter les défis à venir. Désormais, après plus de six mois de négociations, tous les éléments se trouvent sur la table pour réaliser une profonde réforme de l'Etat. Il y aurait un important transfert de compétences aux régions et communautés, une autonomie et une responsabilisation beaucoup plus poussées des entités fédérées, y compris sur le plan fiscal, un refinancement de Bruxelles et le maintien d'une réelle solidarité au sein de notre pays. En même temps, il sera nécessaire d'assurer le financement dans la durée de l'Etat fédéral pour exercer les compétences et les obligations qu'il continuera à assumer vis-à-vis de tous les Belges, mais aussi sur le plan européen et dans le monde. Il faudra également inclure une solution pour Bruxelles-Hal-Vilvorde et définir des règles en matière d'éthique politique.

Il s'agit donc de trouver des compromis équilibrés qui tiennent compte des aspirations légitimes des uns et des autres. Dans un tel accord, il ne doit pas avoir de perdants. Nous devons trouver des solutions où chacun est gagnant. Dans la recherche de cet accord raisonnable, il est évident que chaque partie devra faire des concessions. Chacun aura donc l'obligation de prendre ses responsabilités. Le moment est venu où le vrai courage consiste à chercher fermement le compromis qui rassemble, et non à exacerber les oppositions.

Si un tel accord se réalise, un nouveau gouvernement fédéral pourrait être constitué. Avec les entitées fédérées, il sera à même de prendre des mesures nécessaires pour sauvegarder le bien-être de la population, et pour rétablir la confiance au sein du pays. C'est cela que tous nos concitoyens attendent. Lorsque nous réussirons, car je suis convaincu que nous le pouvons, nous redeviendrons à nouveau un exemple d'entente et un facteur d'unité dans un monde qui en a grandement besoin. Nous pourrons présenter l'image juste d'un pays qui parvient dans la paix, à se transformer profondément. Nos partenaires européens, et tous les autres pays, constateront que la Belgique demeure un Etat responsable auquel ils peuvent faire confiance. Cet appel que je vous lance solennellement à tous, je l'adresse évidemment en premier lieu aux responsables politiques, mais aussi aux responsables économiques, sociaux, culturels et des médias. Tous, par nos actions et par notre comportement, nous devons avoir le courage d'être des artisans de paix".

4 commentaires :

  1. Bravo pour ce récapitulatif de l'action politique du roi en 2010, il n'est pour le moment pas près de chômer en 2011. Comme on dit, suite au prochain épisode...

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  2. il est bon de nous rappeler toute cette crise politique et heureusement que nous avons Sa Majesté pour contribuer à garder son peuple uni. Il faut espérer que bon nombre d'entre nous en sont convaincus. Bonne chance à ceux qui nous dirigent et que la paix règne au sein de notre petite Belgique.
    Josiane de Namur

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  3. Un rappel et un résumé bien utiles. Merci.

    Micheline

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  4. Article très intéressant, il est vrai que le Roi a joué un véritable rôle politique sans jamais avoir dépassé la frontière autorisée par la constitution même s'il s'est trouvé parfois à la limite, en tout cas il joue vraiment le rôle d'un monarque constitutionnel: garant de l'unité de la Nation, mettre en garde, être tenu informer entre autres...

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